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Mesures restrictives de liberté : les personnes vaccinées et les personnes guéries de la Covid-19 doivent prendre leur mal en patience !





Le 10 Mai 2021, par Frédéric Rose-Dulcina

Par une ordonnance du 7 mai 2021 (CE, 7 mai 2021, n°451455), le juge des référés du Conseil d’État a estimé que la levée du couvre-feu à l’égard des seules personnes vaccinées ou guéries de la Covid-19 générerait un désordre tel que les non-vaccinés ne seraient plus protégés par les mesures sanitaires prises pour les protéger.


Mesures restrictives de liberté : les personnes vaccinées et les personnes guéries de la Covid-19 doivent prendre leur mal en patience !
Dans cette affaire, plusieurs personnes ont demandé au juge des référés du Palais-Royal de suspendre le couvre-feu pour les personnes guéries de la Covid-19 ou pour celles qui ont bénéficié de la vaccination.

Plus précisément, ils demandaient d’ordonner la suspension de l’exécution des dispositions de l’article 4 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 en ce qu’elles instituent un confinement et un couvre-feu.

Pour les requérants, ces dispositions sont disproportionnées dès lors qu’elles s’appliquent de manière générale sans distinction entre les personnes vaccinées ou non, alors même que, en premier lieu, les personnes ayant reçu une double dose de vaccin ne peuvent pas contracter de formes graves de la Covid-19 et ne contribuent donc pas à l’augmentation de la tension hospitalière, en deuxième lieu, les personnes vaccinées présentent un risque réduit de contagiosité et, en dernier lieu, les personnes qui présentent le risque de développer une forme grave de la Covid-19, à savoir les personnes les plus âgées, sont aujourd’hui vaccinées dans des proportions importantes, ce qui réduit le risque de tension hospitalière.

Dans son ordonnance du 7 mai 2021, le juge des référés du Conseil d’État affirme qu’« à supposer que la contribution des personnes vaccinées ou ayant été atteintes par le virus à la diffusion du virus, dont elles ne pourraient plus être porteuses que dans de faibles proportions puissent conduire à estimer que les interdictions de déplacement nocturne à leur encontre portent une atteinte devenue disproportionnée à la liberté d’aller et de venir, la suspension d’une telle mesure de police sanitaire ne peut intervenir qu’en tenant compte de l’intérêt général qui s’attache à ce qu’elle se déroule dans des conditions ne portant pas une atteinte excessive à l’efficacité de leur mise en œuvre pour le reste de la population, alors que, jusqu’à ce que la politique de vaccination ait permis d’assurer une maîtrise collective générale du risque épidémique, elle demeure le seul outil de sécurité sanitaire efficace à la disposition des pouvoirs publics ».

Or, « à cet égard, les conséquences d’une levée partielle des contraintes en vigueur pour une fraction de la population, qui devrait être individuellement identifiée, suppose que les pouvoirs publics soient en mesure de s’assurer à tout instant que seules les personnes complètement vaccinées disposent d’un moyen de l’établir pratique, personnel, infalsifiable, accessible à toute personne, conforme aux exigences de traitement des informations personnelles à caractère médical, et aisément contrôlable. Il a sur ce point été indiqué à l’audience que le gouvernement a entrepris des travaux à cet effet qui, à supposer qu’ils n’exigent pas qu’un fondement législatif leur soit donné, ne seront en tout état de cause pas achevés avant l’été. Au regard de l’attrait de cette levée de contraintes, les pouvoirs publics devraient aussi s’assurer d’être en mesure de faire face à l’afflux potentiel de demande de vaccination, et de reconnaissance du statut personnel en découlant, et qu’ainsi l’approvisionnement nécessaire comme les capacités matérielles d’administrer les vaccins nécessaires sont à la disposition de la population. À défaut de réunir ces conditions, le désordre que créerait la levée immédiate des contraintes pourrait solliciter à l’excès les forces de l’ordre pour assurer aux horaires nocturnes imposés des contrôles dont l’inefficacité conduirait rapidement à une perte totale de l’effectivité des outils de politique sanitaire. Il résulte des débats qu’il est peu vraisemblable que, dans les quatre semaines à venir, ces conditions puissent être réunies ».
Dès lors, « au regard des incertitudes qui demeurent quant à la contagiosité réelle des vaccinés susceptibles d’être porteurs sains du virus, notamment au regard de la diffusion des variants et de l’ampleur des conséquences négatives pour la santé publique d’une levée sans délai des contraintes qui, à ce stade, progressivement réduites, cesseront d’être en vigueur le 2 juin 2021, il n’y a pas matière, en l’espèce, pour le juge des référés à user des pouvoirs qui sont les siens ».

Cette décision du Conseil d’État doit-elle être approuvée ?

Les motivations d’une telle décision sont compréhensibles dans la mesure où comme le rappelle cette décision de justice la circulation du virus de la Covid-19 demeure élevée sur le territoire et continue d’exiger des mesures de lutte contre cette diffusion au regard de sa dangerosité. Par ailleurs, la pression sur les services de santé, et particulièrement sur les capacités hospitalières, reste forte et les signes indiquant une relative maîtrise de la troisième vague de diffusion du virus demeurent fragiles, au regard de la menace que font peser les variants du virus, dont la capacité de diffusion, la létalité, et la sensibilité aux vaccins existants demeurent pour certains d’entre eux empreintes d’incertitude.

Toutefois, alors que le stade d’immunité collective de la population est très loin d’être atteint, il est largement permis de s’inquiéter de voir les libertés d’aller et venir et de circulation d’une population entière restreinte depuis plus de six mois, et ce au regard notamment de notre état de droit.

La décision du Conseil d’État du 7 mai 2021 peut donc apparaître pour le moins timide à cet égard.

La crise sanitaire aura en tout état de cause fortement marqué l’activité du Conseil d’État en 2020. Saisi par de nombreux citoyens, organisations professionnelles ou associations qui contestaient des décisions de l’administration, le Conseil d’État a en effet rendu plus de 840 décisions en urgence sur des mesures covid-19, et ce, sans interruption même durant le premier confinement. Cette dernière décision de justice commentée nous rappelle encore, s’il en était besoin, l’impatience croissante et légitime de certains citoyens face à cette crise sanitaire interminable, synonyme de restrictions importantes de nos libertés.

Frédéric ROSE-DULCINA
LEX SQUARED AVOCATS


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