Journal de l'économie

Envoyer à un ami
Version imprimable

Ne nous trompons pas : la sobriété précède la frugalité





Le 21 Octobre 2022, par Philippe Cahen

L’humour nous fait approuver la sobriété : un verre, ça va… Sauf que, sans changer de civilisation, nous changeons de mode de vie. Les signaux faibles sont nombreux. Les signaux politiques le sont moins.


Image flickr
Image flickr
Sobriété et frugalité, une différence sensible

La sobriété a pour synonyme la modération, la retenue, la mesure. La frugalité est la sobriété simple, la tempérance, jusqu’à l’ascétisme. En 2013, le livre « L’innovation jugaad » (Jaideep Prabhu et Navi Radjou, éd. Diateino), portant sur l’innovation frugale, poussait à « faire plus avec moins », moins de matières premières, moins d’énergie. Être sobre, c’est « faire moins avec moins ». La sobriété qui nous est demandée est une étape vers la frugalité : supprimer le trop, trop riche, trop compliqué, trop par rapport au suffisant.

Prenons plusieurs exemples.

La voiture électrique n’est ni sobre ni frugale
La voiture électrique est — était — vantée comme étant sobre, car l’électricité est — était — peu chère. Si le sujet de l’énergie est — était — une erreur profonde, l’ADEME reconnait qu’une voiture électrique doit parcourir au minimum 15 000 km pour rembourser sa dette carbone d’origine, donc de construction, pour un petit véhicule ayant une autonomie théorique de 450 km, et 100 000 km pour un véhicule lourd… Sans compter que la voiture électrique est chère fabriquée en Europe. Et bien moins chère venant de Chine.
Autant dire que la voiture électrique a un bilan carbone particulièrement faible, un bilan emploi dangereux pour la société et ne résout pas la densité de trafic des agglomérations dont les plus importantes vont limiter le trafic du fait de la mise en place des ZFE, zones à faibles émissions.
Aucune sobriété.

La frugalité telle que définie ici – faire plus avec moins – c’est offrir au moins autant de déplacements avec moins de consommation d’énergie, de matières premières, etc. La mise en place de transports autonomes sera le principe majeur de la frugalité.

Le textile, un gâchis honteux

Depuis environ 30 ans, entrée de la Chine dans l’OMC, nous consommons toujours plus de textiles pour le même budget, donc des pièces de moins en moins chères. Ces textiles sont fabriqués en Chine ou en pays voisins jusqu’au Pakistan, dans des conditions humaines souvent déplorables, dans une absence de respect des normes environnementales. Pour plaisanter, si les manifestants pour la planète du samedi retiraient tous les vêtements et chaussures fabriqués en Asie, nous aurions une manifestation de naturistes.

L’industrie textile est l’une des plus polluantes et les usines débordent de déchets qui vont ensuite mourir sur les plages africaines et pourrir les océans.

La sobriété est loin d’être naturelle. Le site Shein qui fabrique, mais ne vend pas en Chine, pèserait pour 22 % du carbone des adolescentes françaises selon Pixpay, ces manifestantes du samedi. Et nos placards sont pleins (ce serait 60 %) de vêtements mis une fois ou zéro fois !

Ici, il faut passer d’une sobriété volontaire à une frugalité imposée. Le carbone importé sera bientôt taxé au niveau européen. Il faut aussi créer une taxe recyclage significative par produit. Si ces deux taxes représentent un montant fixe de 2 à 5 euros par chemise, T-shirt, jupe, robe ou pantalon, ou chaussure, l’impact serait sans doute d’une baisse de volume de 10 à 20 %. Pour autant, nous vivrions aussi bien.

En alimentation… soyons moins lourds

C’est connu, les Terriens sont aux deux tiers en surpoids ou obèses. Le sucre, le sel, la graisse étant peu chers, ces trois ingrédients ont développé la malbouffe. Manger moins et manger mieux serait bénéfique pour notre poids et notre santé. Une démarche simple serait en plus des baisses de sel, de diminuer les portions, apprendre à manger moins.
Mais là, on est plus dans l’acte volontaire. Une étude européenne sur le microbiote devrait contribuer à recommander une alimentation pas simplement plus sobre, mais plus frugale.

Curieusement, un retour aux années 70 se met en place

De nombreux signaux faibles vont dans ce sens des années 70 comme le retour de la consigne du verre pour les bouteilles. Le 4 novembre, de nouveaux produits neufs à destination des consommateurs devront indiquer un indice de réparabilité. Les fabricants accentuent les recherches pour que les produits soient réparables au moins pendant dix ans, voire plus. C’est de la frugalité avec des produits plus récents, utilisables plus longtemps. Les enseignes de textile intègrent à présent un service couture pour ajuster ou réparer un vêtement. Et puis l’économie circulaire en textile, qui bien sûr concernerait des produits non taxés dans leurs ventes en carbone et recyclage, se développe aussi bien entre consommateurs comme par Vinted ou Leboncoin, ou dans les points de vente eux-mêmes.

Dans le textile, la frugalité se met en place en commençant aujourd’hui à consommer moins puis des produits fabriqués moins loin, voire localement. Et finalement, on retrouve ici — en textile — comme ailleurs — en emballage ou en appareil — un parfum des années 70.

Et à la réflexion, si nous nous déplacions une peu plus comme dans les années 70 ? Admettre qu’un week-end à Marrakech est un non-sens. Admettre que 2 semaines de vacances pour les scolaires chaque six semaines est un non-sens (cela n’a surtout pas amélioré les résultats scolaires !).

Il ne s’agit pas de revivre comme dans ce temps passé, mais consommer avec cet objectif des années 70, car aujourd’hui nous consommons trop, comme des enfants gâtés et ne savons plus où est la limite du raisonnable pour soi-même ou pour l’Autre, pour notre vie personnelle ou pour la Terre… La sobriété n’est qu’une étape. Il faut aller à la frugalité : faire plus avec moins.
 

Je repars en plongée…
 
Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles », éd. Kawa


France | Mémoire des familles, généalogie, héraldique | International | Entreprises | Management | Lifestyle | Blogs de la rédaction | Divers | Native Advertising | Juris | Art & Culture | Prospective | Immobilier, Achats et Ethique des affaires | Intelligence et sécurité économique - "Les carnets de Vauban"



Les entretiens du JDE

Tarek El Kahodi, président de l'ONG LIFE : "L’environnement est un sujet humanitaire quand on parle d’accès à l’eau" (2/2)

Tarek El Kahodi, président de l'ONG LIFE : "Il faut savoir prendre de la hauteur pour être réellement efficace dans des situations d’urgence" (1/2)

Jean-Marie Baron : "Le fils du Gouverneur"

Les irrégularisables

Les régularisables

Aude de Kerros : "L'Art caché enfin dévoilé"

Robert Salmon : « Voyages insolites en contrées spirituelles »

Antoine Arjakovsky : "Pour sortir de la guerre"











Rss
Twitter
Facebook