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Nicole Guétin : « La tragédie américaine à travers les écrivains américains »





Le 28 Septembre 2021, par Interview Bertrand Coty

Nicole Guétin est docteur ès lettres de Paris-IV Sorbonne et conférencière. Elle a vécu 9 ans dans des pays anglo-saxons, notamment aux États-Unis.



 
 Nicole Guétin, vous publiez aux éditions du Panthéon, La tragédie américaine à travers les écrivains américains.  Comment définiriez-vous les manifestations de cette tragédie ?

Les manifestations de la tragédie américaine se révèlent principalement à travers les œuvres des écrivains américains sélectionnés dans mon ouvrage. Ce sont eux qui mettent en lumière les failles de la culture américaine en insistant sur le côté tragique engendré par un système de pensée basé sur l’esprit puritain des premiers colons. N’étant pas des essayistes, ils ont choisi d’exprimer leur révolte à travers leurs romans. Cette critique par de nombreux auteurs américains est chose courante : « Les meilleures critiques contre l’Amérique sont les Américains » (Noam Chomsky).

Selon ces écrivains américains sélectionnés, cette tragédie s’exprime de différentes façons selon les personnalités des auteurs. Par exemple, John Steinbeck l’exprimera à travers un plaidoyer en faveur des classes défavorisées et des drames engendrés par l’attitude inhumaine des élites bancaires. Chez William Faulkner, cette tragédie apparaît sous la forme d’une mentalité dogmatique et puritaine conduisant les gens dans une impasse tragique. Chez Scott Fitzgerald, c’est le matérialisme qui entraîne l’Amérique vers un destin mortifère, etc.

Les maux qui frappent l’Amérique prennent-ils racine dans le puritanisme ?

Après avoir fait de nombreuses recherches sur le puritanisme aux U.S.A, il me semble que l’esprit puritain des premiers colons n’a jamais vraiment disparu. Il a pris des formes diverses au cours des siècles avec les notions de « Destinée manifeste » ou de « messianisme », mais a toujours gardé ce caractère inhérent à l’idée que se font les Américains, à savoir qu’ils sont le nouveau peuple élu, envoyé par un Dieu providentiel sur une nouvelle Terre Promise et destiné à changer le monde pour le rendre meilleur. C’est ce que l’on a souvent appelé « l’exceptionnalisme américain ». Il suffit de relire l’histoire de ce God’s country pour comprendre cette mentalité idiosyncratique, difficile à appréhender pour nous Européens. (Voir Le Cauchemar américain, Essai pamphlétaire sur les vestiges du puritanisme dans la mentalité américaine actuelle, Robert Dole, VLB éditeur, 1996).

Quelles sont les fractures qui agitent le plus profondément cette société ?  Des remèdes sont-ils envisageables ?

Aujourd’hui, les vestiges de cette dérive idéologique se traduisent par une fracture sociale sérieuse dans la mesure où une partie de la société américaine est restée fidèle aux valeurs prônées par l’esprit puritain, alors que la deuxième moitié de la population des États-Unis a une conception plus libérale de la vie, d’autant que les immigrations successives ont en quelque sorte « dilué » les principes anglo-saxons.

N’oublions pas que l’Amérique est le pays des extrêmes. Une trop grande rigueur morale entraîne souvent un laxisme débridé. Toutefois, il ne faut pas avoir une vision manichéenne de la civilisation américaine, les choses étant souvent plus complexes…

Cependant des remèdes sont toujours envisageables dans la mesure où les Américains finissent toujours par reconnaitre leurs erreurs, grâce à l’esprit pionnier qui les anime. Il suffit qu’ils prennent en compte leurs responsabilités en tant que grande puissance en agissant dignement avec leurs alliés (!).

Comme le souligne notre compatriote Alexis de Tocqueville dans son ouvrage « De la démocratie en Amérique : «  Le grand privilège des Américains est de pouvoir commettre des erreurs récupérables.”
 
Dans la période d’incertitude que nous traversons, peut-on encore faire confiance à l’Amérique ?

 Je pense que l’on peut faire confiance à l’Amérique tout en restant prudent. N’oublions pas que ce pays est encore “jeune” : quatre siècles ! Comme le disait le plus grand poète américain, Walt Whitman, au XIXe siècle : “l’Amérique n’est pas encore achevée. Peut-être ne le sera-t-elle jamais. À l’heure actuelle, l’Amérique est une esquisse divine.”

L’Amérique devrait parfois prendre modèle sur certains pays européens dont elle est issue. Il est souvent dit que ce qui se passe aux USA traverse l’Océan atlantique. Après les jeans, le Coca-cola et les hamburgers, c’est au tour des missionnaires religieux de venir nous convertir. Selon moi, il nous appartient de discerner les véritables enjeux initiés par ces modes de vie et ces modes de pensée qui déferlent sur l’Europe depuis des décennies.

D’ailleurs pourquoi la France, ce pays des Droits de l’homme, n’exercerait-elle pas une influence bénéfique, non seulement à travers son art de vivre, mais aussi à travers ses valeurs universelles dont les fondations religieuses reposent sur un christianisme authentique ?
 




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