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Nouvel ambassadeur turc à Paris : Une opération de communication du Sultan ?





Le 26 Mars 2021, par Constantin Pikramenos


Quelques mois après la nomination de Tayyip Erdogan au poste de Premier ministre turc (début 2003), le quotidien turc Star Gazette a publié (le 10 juillet 2003) une photo (prise fin des années « 80) montrant le chef du djihad afghan (et allié des talibans et d’Al-Qaïda) Gulbuddin Hekmatyar assis avec deux hommes agenouillés à côté de lui. 
L’homme à droite est Tayyip Erdogan et celui à gauche Rachid Ghannousi. La légende au-dessous de la photo se lisait comme suit : « Les talibans dans le fauteuil, à genoux, vous pouvez voir le Premier ministre. » Il est important de connaître le sens de s’asseoir aux pieds de quelqu’un dans la tradition islamique : cela implique une soumission spirituelle.
Hekmatyar a eu une relation de longue date avec Oussama ben Laden et l’a abrité en Afghanistan après que le chef d’Al-Qaida a dû quitter le Soudan en 1996. Après le 11 septembre 2001, M. Hekmatyar a prêté allégeance au chef spirituel taliban Mullah Omar pour lancer une guérilla contre le gouvernement afghan sous occupation américaine. Hekmatyar a été nommé dans le décret exécutif 13224 (signé par George Bush Junior) en tant que « terroriste mondialement spécialement désigné » au cours du même mois (Mars 2003), époque à laquelle M. Erdogan a été élu Premier ministre.

Rachid Ghannousi est le chef d’Ennahdha, parti politique tunisien et organisation islamiste proche des Frères Musulmans. Parlant des salafistes, et notamment des djihadistes d’Ansar al Charia, Ghannouchi affirmait dans une vidéo publiée début 2012 sur les réseaux sociaux que « la majorité des salafistes sont porteurs d’une nouvelle culture et qu’ils ne sont pas une menace pour la sécurité du pays ».
L’organisation Ansar al-Charia a pu se développer dans toutes les régions de la Tunisie pendant la période où Ennahdha présidait le gouvernement, de décembre 2011 à août 2013, date à laquelle le gouvernent tunisien a classé ce mouvement organisation terroriste. Malgré le fait qu’Ennahdha ait été au pouvoir pendant la période de transition, Ghannousi demandait de la patience aux salafistes et argumentait que « les médias, l’économie, l’administration sont aux mains des laïcs. L’armée n’est pas garantie à Ennahdha et la police n’est pas garantie non plus » et a conclu que l’appareil d’État était encore entre leurs mains. 
Le 13 octobre 2016, Rachid Ghannouchi crée la polémique en affirmant dans le quotidien de langue arabe Al-Quds al-Arabi, que « Daech représente l’islam en colère » et précisait que « lorsqu’on est en colère, on peut se laisser aller jusqu’à commettre des folies ». Ghannousi, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et son parti frèriste participent à la coalition gouvernementale depuis.

Les drones turcs et Ali… le « camarade » de Macron

Camarade de promotion de l’ENA du président de la République, Ali Onaner, ancien ambassadeur de Turquie en Tunisie (2019-2020) a été nommé ambassadeur à Paris à la place de Hakki Musa, ex-numéro 2 du MIT. Il a joué un rôle stratégique pour la promotion des produits de la défense turque (voir des drones). La plus grande base militaire turque (au nord d’Afrique) se trouve à la frontière tuniso – libyenne. Onaner connaît en détail le dossier libyen là où la France et la Turquie se trouvent face à face (Tripoli vs Haftar).
Fin 2020, le ministère tunisien de la Défense a signé pour trois drones de combat turcs fabriqués par Turkish Aerospace Industries (TAI), pour une valeur de près de 80 millions de dollars. En plus de trois drones de combat Anka (Phoenix), la Turquie livrera également trois systèmes de contrôle au sol et formera 52 membres de l’armée de l’air tunisienne. 
Mais l’armée tunisienne ne parvient pas à payer sa part de la facture qui s’élève à 240 millions de dollars. Le contrat est pourtant financé à 85 % par la Türk Eximbank. Le fabricant de drones turc Baykar Makina ne s’avoue pas vaincu sur le marché tunisien. La compagnie, dirigée par un gendre du président Erdogan, a déjà exporté ces dernières années son modèle vedette, le Bayraktar TB2, en Ukraine, au Qatar et en Azerbaïdjan ou son rôle crucial contre la DCA arménienne (fin 2020) a été prouvé.
Dans le cadre de la coopération tuniso-turque, des exercices militaires conjoints ont été menés en Turquie entre le 17 et le 25 janvier 2021 courant, auxquels un détachement militaire du corps des forces spéciales des deux pays, a participé. En décembre 2020, le ministre tunisien de la Défense, Brahim Bartagi, avait salué lors d’une rencontre avec l’ambassadeur de Turquie en Tunisie, Ali Onaner, « le soutien permanent de la Turquie à la Tunisie dans le domaine militaire ».
Selon la presse tunisienne, Bartagi avait fait part de « son espoir de développer davantage la coopération militaire dans les domaines de la formation et des industries militaires, du transfert de technologie et de la santé militaire, et d’explorer de nouvelles voies pour cette coopération à même de répondre aux besoins des institutions militaires tunisiennes et tuques ».

Les premiers drones armés fabriqués en Turquie ont été utilisés par l’armée dès 2016 contre les rebelles kurdes du PKK dans le sud-est du pays. Erdogan a affirmé, le 16 mars 2021, que l’Arabie saoudite, en difficulté dans sa guerre au Yémen, avait fait une demande auprès d’Ankara pour lui acheter des drones de combat, en dépit de relations très tendues entre les deux géants du monde musulman.

PS/On verra bien comment la camaraderie entre Macron et Onaner… neutralisera l’ingérence turque annoncée par Macron avant les prochaines élections présidentielles en 2022.




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