Journal de l'économie

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Pour être utile, l’État doit se montrer plus facilitateur que régulateur





Le 23 Mai 2024, par Francis Coulon

Y a-t-il trop d’État ou pas assez ? Toutes les opinions existent. Aux deux extrêmes, on trouve : D’une part les libertariens, apôtres de la liberté individuelle à tout prix, comme le sont Elon Musk, le patron de Tesla, et Javier Milei, le président de l’Argentine élu en 2023, qui cherche à imposer des réformes ultralibérales. A l’opposé, la France est l’exemple d’une nation où il y a trop d’État et qui est en train de dépérir, étouffée par une bureaucratie envahissante et sclérosante. La France est le pays d’Europe qui a la plus forte dépense publique à 57% du PIB, détient le record en matière de prélèvements obligatoires et qui aurait 400 000 normes. On se souvient de la déclaration, déjà ancienne, de Georges Pompidou : « Mais arrêter donc d’emmerder les français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève ! »


Pour retrouver un équilibre et une dynamique économique, il faudrait que la France se libéralise et simplifie son organisation, nul ne le conteste, à part quelques utopistes d’extrême gauche. En tant qu’adepte de la philosophie utilitariste, je suis favorable à une politique libérale favorisant l’initiative privée, mais il y a des moments où une intervention de l’État peut s’avérer utile, voire indispensable. Écoutons le grand philosophe et économiste utilitariste John Stuart Mill : « Le laisser-faire doit être la règle générale : toutes les fois qu’on s’en écarte, à moins que cela ne soit absolument nécessaire pour réaliser quelque chose de grand et de bon, on fait mal très certainement. » Un pays, pourtant très libéral, les USA, a appliqué ce principe lors de la pandémie de la Covid : un organisme public, la BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority), a monté des accords et co-financé des laboratoires privés (AstraZeneca, Cytiva), pour plusieurs millions de dollars.
 
Pour être utile, l’État doit changer de priorités et de régulateur devenir facilitateur. Ce rôle est fondamental lors des périodes de changement, or nous sommes en plein dans la troisième révolution industrielle, celle de l’intelligence. L’économie en 2035 sera profondément différente de celle que nous connaissons aujourd’hui et nous allons assister au franchissement d’une « frontière technologique », c’est-à-dire que nous allons voir la naissance de technologies de rupture inconnues aujourd’hui. La caractéristique de cette nouvelle économie est double : elle est « smart », s’appuyant sur le digital, la robotique et l’IA et elle est « green » en étant partie prenante de la transition énergétique et écologique. 
 
Ce mouvement, que l’on peut qualifier de « croissance verte », reposant sur une forte innovation, verra l’émergence des produits de demain qui seront intelligents, sobres, décarbonés et préserveront nos ressources. Cette transformation demande de changer le modèle de management des entreprises dans un timing très serré. Par exemple, passer à 100% de voitures électriques en 2035 nécessite de modifier les priorités stratégiques, les investissements, l’organisation et le financement des entreprises.
 
Cette évolution va toucher de nombreux domaines : La micro-électronique et les technologies de l’information, les batteries, les énergies vertes, les transports, le bâtiment, les biotechnologies, puis au final l’ensemble de l’économie. Cette transition réclame une haute intensité capitalistique en termes de recherche, de développement, de création de sites industriels verts et ne peut être rentabilisée qu’en adressant le marché mondial. La taille est un élément clé dans ces technologies où la compétition est féroce, à l’image du marché des panneaux photovoltaïques, submergé par la Chine à travers un processus de dumping. Les nouvelles usines seront souvent des « giga-factories » plurinationales, telle l’usine de fabrication de batteries ACC de Douai, une co-entreprise associant deux français (Stellantis et Total Énergies) et un allemand (Mercedes).
 
Dans un tel contexte, l’État peut et doit être utile, en facilitant cette phase de transition. Cet « État stratège » doit notamment :
 
  • Simplifier les créations de sites industriels par un allègement des procédures et en limitant les recours pour libérer du foncier.
  • Intervenir dans le financement des nouveaux projets aux côtés des entrepreneurs privés par la mise en œuvre d’une politique industrielle ambitieuse, d’une stratégie de l’offre permettant notre réarmement industriel.
  • Encourager la mise en œuvre de projets industriels européens, en utilisant les immenses ressources de la finance européenne, publique mais aussi privée, en mettant au service de l’industrie une épargne estimée par Bruno Lemaire à 35 000 milliards d’euros.
  • Négocier l’arrêt des politiques de dumping pratiquées par la Chine et certains pays émergents.
 
Cette politique ne serait pas un abandon du libéralisme, ni de l’investissement privé, au profit d’un dirigisme industriel, mais une stratégie plus intelligente et mieux adaptée au nouveau contexte économique. Alors que la France a connu parmi les pays développés, le plus grand déclin industriel, la part de l’industrie dans le PIB étant divisée par deux en trente ans, il est impératif pour notre pays de « revenir dans la course ». En définitive, ce serait un libéralisme renouvelé, avec une vision allant plus loin que le simple profit et prenant en compte l’avenir de la planète.




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