Journal de l'économie

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Quelle erreur ! Nous cherchons les signaux faibles qui confirment nos certitudes





Le 4 Février 2024, par Philippe Cahen

Il y a 60 ans, la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire) faisait de la prospective à 40 ans. Aujourd’hui, le Haut-Commissariat au Plan fait des constats rassurants de tendances mathématiques. Or notre présent n’est que ruptures. Prenons 3 exemples.


La démographie française en bascule

Depuis 2001, le taux de natalité français baisse (2,03 en 2001). De 840.000 naissances, il n’y en a que 678.000 en 2023. Quant aux décès, ils sont de 550.000 de 1986 à 2009, puis ils bondissent naturellement avec le baby-boom pour atteindre plus de 650.000 en 2020, 21 et 22 (Covid, canicule et grippe) ce qui évite  d’avoir en 2023 plus de décès (674.000 en 2022) que de naissance. Ce qui se produira en 2024 : le solde naturel sera négatif.

La France et sa richesse démographique est un mensonge depuis au moins 10 ans, sinon 20. Nous baignons de certitudes affichées qui cachent une réalité sociale : nous allons dans le mur puisque tout notre système social est fondé sur les cotisations sociales du travail : moins de cotisants =  moins de rentrées sociales.

Corriger la démographie est long. Il faut une politique familiale. Il faut surtout plus de logements, moins chers et plus grands en même temps que l’on répond au vieillissement de la population. Alors que les revenus d’un retraité sont supérieurs à celui d’un actif, le taux d’épargne français est de 19% témoignant d’une crise de confiance.

Il y a urgence à préparer le futur et non pas à constater le passé en se rassurant.

La souveraineté énergétique en oubli

Lorsqu’en 2022 le mot de « souveraineté » a été accolé à alimentation, industrie et numérique dans leurs ministères respectifs, curieusement, il n’y a pas eu de commentaires. Pourtant la souveraineté alimentaire modifiait l’agriculture française des années 50 ! Son retour aurait dû être plus remarqué. La souveraineté énergétique aurait dû être attribuée aussi.

Depuis quelques mois, il apparaissait que le nucléaire était une énergie quasi propre (bien que dangereuse, mais comparable dans son principe à l’avion, spectaculaire pour un crash, mais très sûr au km parcouru). La France a quasi fait disparaitre les centrales à charbon. Reste à multiplier les énergies renouvelables.

En renouvelable, l’hydraulique est à son quasi-maximum. L’enthousiasme des acteurs politiques, économiques et ONG diverses s’est tourné vers le solaire et l’éolien. Force est de constater que les constructeurs compétitifs du marché sont chinois. Nous sommes dépendants d’un seul pays alors que le pétrole nous liait à une zone géographique majeure il y a 50 ans et que la Chine depuis quelques mois restreint la vente des certains métaux affinés et de certaines technologies liées au solaire et à l’éolien (et à la batterie des voitures électriques).

Quant à la biomasse, elle est à peine mentionnée en France. La géothermie est de l’épaisseur du trait. C’est bien dommage, car sous nos pieds, il y a de la chaleur infinie. Non pas en géothermie de surface (jusque 200 mètres de profondeur) comme le fait Celsius Energy, filiale de l’ex-Schlumberger, aux États-Unis …, mais en profondeur ou ultra profondeur (5 à 20 km). C’est un signal faible puissant. Visiblement, nous avons des compétences françaises, mais la stratégie est d’asseoir l’acquis.

Une fois de plus, il y a urgence à préparer le futur et non pas à s’endormir sur un passé connu.

La caricature de l’agriculture en action

La crise agricole que nous venons de vivre est une caricature de la confirmation de nos certitudes. Tout le monde s’est précipité pour prouver son amour des agriculteurs. L’état a juré de leur simplifier la vie, mais retirer 50 ans de lois … ce sera long, l’Europe a juré de réfléchir, oui, de réfléchir, les industriels ont juré respecter la loi Egalim tout en cachant les prix agricoles sous un fatras de clauses écrites par des juristes, les distributeurs ont juré vendre local … en opérations spéciales, les consommateurs ont juré d’acheter français, si c’est le moins cher, les écologistes ont juré aimer les agriculteurs … enfin ceux des années 50 …, quant aux clients des restaurants et cantines du moment que ce n’est pas cher, ils mangent français !

Chacun défend son pré carré qu’il bâtit avec les années.

La question de fond serait : et si nous imaginions aujourd’hui l’agriculture - donc l’alimentation, les paysages et l’industrie liée – de demain, de 2030 ou plutôt 2040 pour qu’un agriculteur vive de son travail et non pas de subventions.

Les soi-disant signaux faibles nous rassurent.

Asseoir les signaux faibles sur le passé est une grave erreur dont la France se gargarise depuis une quarantaine d’années. La réponse est toujours de compenser financièrement par des aides, des primes, des subventions. Pourtant, le million d’entreprises qui se créent chaque année témoigne de l’esprit d’initiative et de risque, d’inventer le futur. Un Américain a dit il y a une dizaine d’années : « nous avons Google, vous avez la CNIL »

« Arrêtez d’emmerder les Français », a dit Pompidou en 1966, parait-il, à son jeune collaborateur, Jacques Chirac.

Je repars en plongée.
 
Philippe Cahen
Prospectiviste
Dernier livre, juin 2023 : « Le chaos de la prospective et comment s’en sortir », éd. Kawa


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