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Retraites : et si les régimes spéciaux étaient l’avenir du régime général ?





Le 18 Décembre 2019, par Nicolas Lerègle

Il n’aura échappé à personne que la réforme des retraites crispe l’opinion. Cette réforme est nécessaire pour des raisons objectives. L’allongement de la durée de vie des français, l’évolution des conditions de travail et des métiers, les aléas d’une courbe de croissance démographique, les attentes en termes de temps libre de nos concitoyens, la longueur parfois des études, la fin de la prééminence du CDI dans les relations contractuelles liant entreprises et salariés, la multiplication des opportunités de « travailler à son compte »…Toutes ces évolutions que nous connaissons ou subissons au quotidien amènent à faire de la retraite non plus un aboutissement mais plutôt un recommencement.


Retraites : et si les régimes spéciaux étaient l’avenir du régime général ?
Michel Serre avait expliqué que l’amour éternel, né dans la littérature du Moyen-Âge, l’était à une époque où l’espérance de vie était de moins de 40 ans. On peut en dire autant de la retraite, celle que nous connaissons est née à une époque où l’espérance de vie après son parcours professionnel n’était que de quelques années.
Aujourd’hui l’amour éternel se fracasse contre les familles recomposées et l’évolution des mœurs, et ce jusqu’à un âge avancé, et la retraite doit s’accommoder d’une espérance de vie comprise entre 20 et 30 ans après la fin de son parcours professionnel lui ayant ouvert des droits.
Le monde a changé mais nous feignons de ne pas le voir tel qu’il est en conservant l’image d’un temps révolu.
 
Dans ce contexte le gouvernement, comme d’autres avant lui, a souhaité réformer les systèmes de retraite en prônant un alignement de tous les régimes existants sur un régime général. Ce dernier est présenté comme un parangon d’égalité et d’équité, tellement parfait dans sa généralité qu’il n’abolira quand même pas telle ou telle spécificité professionnelle…au point d’en devenir illisible.
 
Né en 1964, je me suis découvert, un jour concerné et, le jour d’après, épargné par cette réforme sans que je sache très bien ce qui aurait été changé.
 
Prosaïquement quand une réforme politique en vient à rimer avec la mécanique quantique qui décrète que l’on peut simultanément être dans deux états distincts, mort et vivant comme le chat de Schrödinger, il convient de s’inquiéter. Or une réforme des retraites est nécessaire et ne pas la mener serait un vrai motif d’inquiétude. Comme dans le paradoxe de Schrödinger ce qui compte c’est tout autant la mesure que le point de vue adopté par l’observateur qui influence, par essence, l’expérience.
 
Au cas présent cette volonté de régime général revient comme une obsession en accord avec la devise républicaine mais aussi avec une tournure d’esprit national qui fait que l’égalitarisme, y compris par le nivellement, est la solution à tous les problèmes. Nous ne sommes pas éloignés de Maslow énonçant : « si le seul outil que vous avez est un marteau, vous verrez tout problème comme un clou » alors qu’il conviendrait mieux d’opter pour le rasoir d'Ockham : « Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? ».
 
La simplicité n’aurait pas été de maintenir le statu quo actuel mais au lieu de vouloir faire d’un régime général le devenir des régimes spéciaux se demander si la généralisation des régimes spéciaux ne serait pas une meilleure solution, en tout cas nettement plus en phase avec notre société et nos vies professionnelles.
 
Par nature les régimes spéciaux prennent en compte les spécificités des travailleurs qui y sont insérés.
Des cheminots aux avocats en passant par d’autres métiers un régime spécial est là pour palier un retrait total ou partiel d’un régime général en y substituant une organisation autonome de la retraite de ses membres ou pour tenir compte de particularismes professionnels nécessitant des adaptations.

Bien entendu les régimes spéciaux faisant l’objet de contributions de la part des pouvoirs publics devront être revus pour que leur équilibre relève d’une réalité économique plus que d’un ajustement budgétaire au gré des déficits constatés.
Les régimes spéciaux sont généralement gérés de façon efficace et soucieuse des deniers de leurs contributeurs et en phase avec les objectifs qui leurs sont assignés au regard de la démographie et de la richesse du secteur d’activité sur lesquels ils sont adossés.
Les régimes spéciaux sont les seuls à pouvoir, y compris par leur succession dans le temps au gré des métiers ou entreprises, épouser les aléas d’une carrière professionnelle alternant les stages, CDD, les CDI, le chômage, l’auto-entrepreneuriat, la profession libérale etc. et donc autant de régimes de retraite distincts.
 
Sur le papier cela peut sembler une approche brutale alors qu’elle est peut-être la plus proche de l’esprit de réforme voulue par le gouvernement et surtout du résultat vers lequel il s’achemine pour complaire à la somme des intérêts individuels ou catégoriels qui se manifestent et manifestent.

Qu’entendons-nous depuis quelques semaines en guise de propos rassurants, la promesse, qui est un oxymore plus qu’un « en même temps », d’une réforme mettant en place un régime général qui saurait préserver les spécificités de chacun. Or il faut savoir parfois, puisque nous parlons de mécanique quantique, adopter un autre point de vue et se dire que, peut-être, la solution est dans la généralisation des régimes spécifiques, en s’assurant de leur compatibilité et interopérabilité, pour suivre un travailleur tout au long d’une vie professionnelle qui n’est plus aussi rectiligne qu’elle pouvait l’être dans les années 50/60.

La sécurité économique d’un pays repose aussi sur les enseignements du passé mis au présent en prévision du futur ; que des régimes de retraite performants soient mis en place, réforme définitive après réforme définitive, participent à l’engagement de tous dans une logique de croissance économique.
 
 Nicolas Lerègle
 
 


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