Journal de l'économie

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Tik Tok, Toc Toc, Tac Tac, Tic Tac.





Le 3 Septembre 2020, par Nicolas Lerègle

Ce qu’il y a de bien avec Donald Trump c’est qu’il ne souffre d’aucune inhibition qui tendrait à masquer ses intentions profondes.


Tik Tok, Toc Toc, Tac Tac, Tic Tac.
Tout est bon pour s’affranchir des règles de droit en général et de ce qui fait les relations économiques internationales en particulier, rangeant résolument les Etats-Unis d’Amérique dans le camp des pays comme la Chine, le Brésil ou la Russie qui considèrent que le droit international ne doit pas être utilisé à d’autres fins que celles de leurs intérêts particuliers.

Ce qui est paradoxal c’est que même les mesures et décisions explicables voire légitimes en arrivent à être entourées de tant de flou et d’intérêts partisans qu’elles en arrivent à ridiculiser leur instigateur.

Que le président Trump ne soit pas toqué de Tik Tok comme le milliard d’utilisateurs qui le sont cela peut se comprendre. Qu’il développe un TOC visant à freiner les velléités de la Chine se s’imposer comme première puissance mondiale plus vite que cela était attendu soit mais que les décisions prises visent de fait à faire racheter tout ou partie de cette entreprise par Microsoft ou mieux encore Oracle – qui a été un contributeur de la campagne électorale de D. Trump – et nous tombons dans un monde où réellement la fin justifie les moyens et plus aucune règle n’est de mise.

Ne nous y trompons pas, D. Trump n’est pas toc toc, mais il n’est pas non plus président des Etats-Unis d’Amérique au sens politique n’ayant endossé que la dimension économique de la fonction. Cela lui a réussi dans un premier temps, puis le Covid-19 passant par là le roi s’est retrouvé nu.

Sa gestion condescendante, incompétente et sans empathie d’une situation qui devrait causer d’ici à la fin de l’année près de 250.000 morts dans son pays et qui a, surtout, engendré une hausse du chômage et une baisse de la croissance a montré que l’économie ne pouvait se passer du politique.

Soyons lucide la France seule n’a pas les moyens de s’opposer à une politique aussi affranchie de règles communes et respectées. Nos entreprises aussi puissantes soient-elles ne peuvent rivaliser sur deux fronts, celui de leurs concurrents économiques traditionnels et celui ouvert par une administration dénuée de scrupules et qui entend continuer à imposer sa raison (du plus fort étant la meilleure).

N’en déplaise aux tenants du Frexit ou de toute autre vision nationale pour ne pas dire frontalière, seule l’Europe au sens d’Union Européenne et principalement le tandem France-Allemagne est en mesure de composer une alliance économique à même de lutter à armes égales. Ce n’est pas faire du macronisme que de considérer que cette vision, développée à de nombreuses reprises par le président de la République, est la seule valable à défaut d’autres alternatives qui seraient aussi crédibles et applicables. Elle amène à se poser deux questions :
 
  • L’Union Européenne est-elle en mesure d’endosser les habits politiques qui pour le moment lui font défaut et adopter une vision globale des intérêts communs des pays membres éloignée de la candeur, pour ne pas dire plus, qui la caractérise encore ? Cela passe par une meilleure coordination fiscale, l’acceptation de la constitution de groupes européens qui aient une taille en rapport avec un marché mondial ou Etats-Unis, Chine, Inde et bientôt d’autres seront en concurrence avec des entreprises imposantes configurées pour des marchés de centaines de millions de consommateurs. On sent un frémissement mais pour le moment la vision concurrentielle de la Commission est encore un peu datée années 80 et monde tournant autour de l’Europe et des Etats-Unis.
     
  • Et, si la réponse à cette première question reste encore longtemps négative, quelle alternative s’offre alors à la France ? Il y a quelques années évoquer une Europe à deux vitesses était un sujet tabou. Aujourd’hui, le Brexit est passé par là et nous avons déjà plusieurs vitesses en Europe en fonction des pays, de leur (non)implication – Pologne, Hongrie –, de leur fiscalité non commune – Irlande, Luxembourg –, de leur développement – Espagne, pays Baltes…on peut ainsi multiplier à l’envie les distinguos qui font que le seul plus petit dénominateur commun économique n’est plus suffisant.
     
Or, le monde a changé et le recours à la force armée n’est plus considéré avec réticence par de nombreux États qui y voient, au contraire, un moyen de maintenir un pouvoir en place (Syrie, Chine, Inde), de masquer des difficultés économiques (Turquie) ou de rappeler sa puissance (Etats-Unis d’Amérique, Russie) au-delà des seules considérations territoriales toujours présentes mais parfois simple prétexte.

Quand les États-Unis d’Amérique veulent appuyer leur puissance économique, ils envoient des porte-avions signaler leur présence et leur puissance. De ce point de vue, seule la France est en mesure de le faire. Il serait temps que les autres pays de l’Union Européenne comprennent que le parapluie américain est soumis au bon vouloir des considérations intérieures de présidents américains changeants et que Chine, Russie ou Inde pour ne citer qu’eux, sont autant de pays qui font du rapport de force un mode de pensée et de fonctionnement.

Le politique et le militaire doivent être présents pour que l’Europe se dote des attributs d’une grande puissance à même de dialoguer avec les autres. Aujourd’hui ce n’est pas encore le cas et l’échec de la CED n’a pas été compensé. Il serait temps pourtant, l’OTAN sans être encore en mort cérébrale donnant parfois d’être composé d’États aux intérêts si antagonistes (Turquie et Grèce) qu’ils sont parfois plus près du conflit que de l’alliance.

De Tik Tok au tac tac des armes se dessine un monde où tout se mélange et s’agrège pour créer une instabilité affaiblissant les alliances et les certitudes si ce n’est celle qui veut, en effet, que la raison du plus fort soit toujours la meilleure. Il serait temps d’en prendre conscience, ne nous y trompons pas le temps est compté, tic tac…
 


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