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Transports durables : mobilité verte et bus électriques au menu de la région Ile-de-France





Le 2 Juin 2014, par

Les pics de pollution de début 2014 ont opportunément remis à l’ordre du jour la question de la composition du parc automobile. En matière de transports publics, la RATP et la région Ile-de-France entendent montrer l’exemple avec une transition progressive vers 100 % de bus électriques d’ici dix ans. Une façon aussi de concilier politiques industrielles en faveur des Greentech et enjeux de santé publique.


Après les Tramways, la région Ile-de-France compte bien poursuivre sur le voie du transport électrique (licence Creative Commons)
Après les Tramways, la région Ile-de-France compte bien poursuivre sur le voie du transport électrique (licence Creative Commons)
Impératifs de santé publique
 
Le diesel n’est plus en odeur de sainteté à Paris, c’est le moins qu’on puisse dire. Responsable des émissions de particules fines, dont la dangerosité est avérée particulièrement pour les plus petites d’entre elles, le diesel représente une large partie du parc automobile et la quasi-totalité du parc des camions et des bus. Face aux pics de pollution, des solutions ont bien été tentées, mais les palliatifs de circonstances n’exonèrent pas d’une réflexion plus étendue. Pour Christine Revault d'Allonnes Bonnefoy, députée européenne conseillère régionale d’Ile-de-France et membre du STIF, « les pics de pollution que nous avons connu au mois de mars doivent être combattus autrement que par des solutions d’urgence, en simple réaction. Ces mesures, souvent décidées dans la précipitation, ne sont satisfaisantes ni en termes d’emploi ni en termes de santé publique. La meilleure solution reste une approche globale, en commençant par favoriser, dès la conception, des véhicules utilisant de nouveaux types de carburants, voire des modes propulsion purement électriques. »
 
Cette volonté de bascule vers un modèle de transport électrique va se concrétiser grâce à la RATP, soutenue en amont par le STIF : la régie parisienne annonçait en mars 2014 sa volonté de passer à un parc sans aucun véhicule diesel d’ici 10 ans. Un projet de long terme donc, à la fois pour ménager une transition viable, mais aussi pour laisser le temps aux industriels français de se préparer à absorber la demande. « Au STIF, nous aurions pu faire le choix d’une sortie immédiate du diesel via l’achat de matériels étrangers : des constructeurs européens proposent déjà des produits sur ce créneau. Nous en avons décidé autrement pour laisser du temps et encourager les industriels français et franciliens en particulier à progresser sur ces questions », complète Christine Revault d'Allonnes Bonnefoy. Pour Paris, et la grande couronne parisienne, c’est également une question d’image. « Si Paris décide d'éradiquer les bus diesel de son parc, cet exemple sera suivi par de très nombreuses autres capitales d'Europe et du monde, explique Pierre Mongin. Ce plan bus sera le marqueur urbain du Grand Paris et de l'Ile-de-France, comparable à ce qu'a été le Vélib' à une autre époque. »
 
Promotion du Made In France
 
En effet si le projet de la RATP fait figure de précurseur parmi les grandes capitales européennes, les industriels français font faire face eux à une concurrence déjà expérimentée, qu’elle soit allemande ou chinoise par exemple. Pour autant la France ne manque pas d’atout. Pierre Lahutte, président d'Iveco-Bus, explique ainsi vouloir « mettre en avant son Origine France Garantie et l'effort en recherche et développement qui valorise le savoir-faire français. […] C’est important de communiquer sur le savoir-faire français. Beaucoup ignorent que nous fabriquons au cœur de l’Ardèche des bus s’exportant dans le monde entier. » Une approche partagée par Philippe Grand, directeur des relations institutionnelles d’Iveco-Bus : « la partie autobus représente, elle, environ 2000 personnes en France. Nous revendiquons ces racines et cette implantation françaises : une de nos usines en Ardèche a par exemple fêté ses 100 ans l’an dernier. »

Sur fond de technologies multi-hybrides, le constructeur de bus albigeois Safra mise de la même façon sur son ancrage local pour remporter des appels d’offres français. Pour l’instant sélectionner par la ville de Toulouse pour fournir son nouveau bus Businova, Safra entend aussi se positionner en alternative crédible pour une transition réussie vers le 100 % électrique. Autre fabricant français de bus proposant d'ores et déjà plusieurs petits modèles opérationnels, Power Vehicle Innovation (PVI) fabrique depuis 20 ans des véhicules industriels 100% électriques. PVI revendique ainsi d'avoir commercialisé 90 % du parc actuel de bus électriques. Présente aux côtés de nombre d'autres constructeurs au Salon Européen de la Mobilité "Transports Publics 2014", l'entreprise fera la démonstration de son innovation WATT System, qui propose la recharge rapide de bus électriques à chaque arrêt, selon le principe des supercondensateurs : le bus se connecte à chaque arrêt à une borne, ou "Totem", qui transmet au bus suffisamment d'énergie électrique pour rejoindre l'arrêt suivant. « Plus rapide qu’une batterie et avec une capacité de stockage plus importante qu’un condensateur tout en étant doté d’une durée de vie incomparable, les supercondensateurs devraient s’imposer dans le futur », selon EDF La technologie des supercondensateurs fera certainement partie des solutions testées par la RATP, en plus du recours plus traditionnels à des batteries embarquées, à l'autonomie bien plus importante mais d'un encombrement supérieur.
 
Du côté des concepteurs de systèmes de batteries, points décisifs des futurs bus électriques, les mêmes arguments du Made in France sont mis en avant. « La RATP, c’est l’Ile-de-France. Et en Ile-de-France, nous sommes les seuls à concevoir et produire des batteries. Si notre siège est à Paris, notre production de batteries est bien, elle, en région parisienne », explique Christophe Gurtner, PDG de Forsee Power, intégrateur en systèmes de batteries. Une manière de faire écho à la volonté du STIF de conjuguer développement économique et enjeux écologiques. « Nous nous inscrivons en plein dans le lignée d’Arnaud Montebourg sur la promotion du Made in France. C’est une dimension très importante de nos projets. L’innovation, la R&D et le secteur automobile français de manière générale sont des domaines qui doivent être appuyés par les pouvoirs publics », appuie Christine Revault d'Allonnes Bonnefoy.
 
Choix écologiques et … économiques
 
Si la filière de l’électromobilité nécessite, en France, de disposer d’un temps d’adaptation, c’est parce que la diffusion des véhicules électriques est jusque-là restée marginale. « Ce qui a freiné la diffusion en masse des véhicules avec des solutions de motorisations alternatives, c’est le coût d’achat, à distinguer du coût de possession. Alors que ce sont des véhicules qui peuvent s’amortir en quelques années, les clients sont généralement bloqués par les coûts d’achat, pour l’instant supérieur à ceux d’un équivalent diesel », explique Philippe Grand. Mais avec le contrat de la RATP et les effets d’entrainement induits sur toute la filière, les coûts vont assurément baisser. « Actuellement la durée d’exploitation d’un bus est d’environ douze ans, quelle que soit la source d’énergie. Or l’amortissement d’un bus électrique peut être réalisé sur sept ou huit ans, compte tenu des économies générées en consommation de carburant et en entretien. Les simulations tablent sur 30 000 euros de carburant économisés par an, par bus, pour un surcoût à l’achat de 100 000 à 250 000 euros environ. […] L’opération est donc économiquement viable pour des agglomérations qui devront simplement distinguer coût d’achat et coût d’exploitation », complète Christophe Gurtner, de Forsee Power.
 
Le passage aux bus électriques n’est donc pas le fruit du hasard. La RATP, avec le plus grand parc européen de véhicules de transports public, ne fait pas un « cadeau » à la filière industrielle française de la propulsion électrique. Cette décision est aussi le fruit d’un calcul économique rationnel : aux enjeux écologiques se sont ajoutées de nouvelles opportunités économiques, portant sur un coût d’usage très inférieur et sur un coût d’achat qui devrait logiquement baissé. D’une pierre, deux coups, en quelque sorte.


Grégoire Moreau
Journaliste et blogueur, je me suis fait avec le temps une spécialité des questions techniques et... En savoir plus sur cet auteur


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