Journal de l'économie

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Trump et ses leçons





Le 15 Octobre 2020, par Nicolas Lerègle

Donald Trump ne restera assurément pas comme un « grand » président des États-Unis. Il devrait avoir droit à son porte-avion, à sa bibliothèque présidentielle voire même à sa photo sur les sets de table en papier du Coffee parisien rue Princesse. Maintenant sa postérité sera assurément acquise pour les libertés qu’aura pu prendre un président avec l’intérêt général de son pays négligé au profit d’un intérêt particulier pour ne pas dire personnel, élargi à sa famille, et d’un sens de la vérité qui n’appartenait qu’à lui.


Pixabay
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Comme celle d’Emmanuel Macron sa décision de se présenter et sa campagne ont été des modèles d’intuition et de flair, d’opportunisme et de timing qui n’ont eu que peu d’équivalents démocratiques dans l’Histoire. Généralement de telles arrivées au pouvoir sont le fait de comportements disruptifs de démocratie ou liées à un environnement extérieur si troublé que l’homme providentiel apparait comme la seule issue et qu’importent les moyens. Là rien de cela, D. Trump est arrivé légalement au pouvoir profitant des biais d’un suffrage faussement universel, mais qui s’est appliqué à lui comme à ses prédécesseurs et successeurs futurs. Là n’est donc pas l’intérêt de son élection.

Ce qui est remarquable c’est la pratique du pouvoir qui a ensuite été développée. Elle a reposé quasi exclusivement sur des modalités qui sont communément fréquentes dans les états totalitaires et pas dans une démocratie éprouvée.
Un népotisme pratiqué sans vergogne ou la fille, le gendre, les fils du président sont placés à des fonctions de conseillers de haut niveau et prennent en charge des pans entiers de la direction diplomatique ou des affaires d’un pays. On pouvait se gausser des enfants de potentats africains ou arabes… à tort.

Un affairisme qui ne s’est jamais arrêté faisant de la préservation des intérêts pécuniaires de l’organisation Trump un objectif affiché sans pudeur si ce n’est celle de la production de sa feuille d’impôts. Affairisme qui trouve sa source dans les difficultés financières de ce groupe, criblé de dettes et mal géré, le Trump auteur de « the art of deal » devenu le « the fart deal » ou comment distiller le vent nauséabond de la confusion d’intérêt portée au plus haut de l’État et des relations internationales.

Un Parlement – le Sénat en l’occurrence – si inféodé qu’il en devenait ridicule à ne pas étudier la procédure d’impeachment, à vouloir entériner la nomination d’un juge à la Cour Suprême à un mois d’une élection alors que du temps de B Obama les mêmes expliquaient qu’une année électorale n’était pas propice à ce genre de désignation.

Une administration en particulier dans les domaines du Renseignement et du Militaire qui a pu constater avec effarement que leur « commandant en chef » faisait plus confiance à Poutine qu’à eux même ! (lire la tribune de Robert Littell publiée dans le Monde daté du 11/10). Que le même voyait en Kim Jong-un un ami avec lequel on pouvait traiter. Mon « admiration » pour le sens politique de Kim Jong-un n’a pu qu’être renforcée par la façon dont il a su manipuler D. Trump et continuer comme si de rien n’était sa politique. Il aurait dû écrire « the art of deal ». Cette admiration n’efface pas le sentiment que ce n’est pas avec un président des États-Unis aussi faible et velléitaire que la paix du Monde sera assurée.

Un homme qui se voit comme le mâle alpha que rien ne peut abattre, limite un Messie venu accomplir une volonté divine – de nombreux chrétiens évangélistes de la Bible belt le jugent ainsi – ce qui ne peut qu’inquiéter. Ce nombrilisme fait que Trump peut sans sourciller évoquer des élections truquées (il en est pourtant l’organisateur), annoncer qu’il pourrait contester sa défaite (car sa victoire ne fait aucun doute pour lui) et ne pas transférer le pouvoir aussi facilement que cela doit se faire dans une démocratie digne de ce nom. L’histoire regorge de sauveurs et de führers avec les résultats que l’on sait.

On pourrait continuer à l’infini, en s’attardant sur des résultats économiques qui ne lui sont pas tous imputables dans leurs aspects positifs et dont il est responsable de leurs aspects négatifs actuels directement liés à une gestion pour le moins erratique de la pandémie Covid-19.

Sur le papier beaucoup à jeter et pourtant, beaucoup d’hommes et de femmes politiques à travers le Monde, y compris en France, voient en Trump un modèle à suivre.

Celui qui ne partant de rien ou presque a pu s’insérer dans un processus électoral et remporter la mise. Qu’un comique comme J.M Bigard se soit posé la question est révélateur de cet état d’esprit.

Les ressorts du succès de Trump et de sa popularité auprès de sa base on les connait. Une tolérance vis-à-vis des extrêmes plutôt de droite, un mépris affiché pour la vérité des faits au profit de mensonges proférés avec conviction et d’injures lancées avec constance. Un positionnement messianique supposé le rendre invincible et imperméable à toutes critiques. Des fidèles au sein de son parti qui, malgré leurs doutes, le restent ne sachant pas très bien à quel moment décréter le sauve-qui-peut. Des électeurs acquis qui sont tous frappés de cécité privilégiant la main invisible d’un « deep state » comme source de leurs malheurs et faisant de QAnon et 4chan leurs uniques vecteurs d’informations.

Autant dire que tout cela est à la portée du premier venu ou presque… aujourd’hui il est de bon ton de critiquer les énarques et la reproduction des élites de nos grandes écoles. Qui sait si, demain, à force de voir le populisme triompher on n’en viendra pas à les reporter au pinacle reconnaissant qu’elles produisent des politiques et administratifs certes imparfaits, mais ayant été inculqués dans le respect de l’État, de la démocratie et des citoyens.

C’est peut-être cela la leçon à retenir de l’épopée « trumpeuse », donner envie d’aller relire ou revoir « la Résistible ascension d’Arturo Ui » en se remémorant que, si on n’y prend garde, l’histoire peut être un perpétuel recommencement.
 


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