Journal de l'économie

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Un temps de guerre, souhaitant que la guerre n’ait qu’un temps





Le 26 Février 2022, par Nicolas Lerègle

L’invasion de l’Ukraine par l’armée rouge – cette terminologie semblant plus adaptée à la vision politique et historique qui la dirige – en vue de « dénazifier » ce pays amène forcément à s’interroger quant aux suites qu’il conviendra de donner à cette action.


Un temps de guerre, souhaitant que la guerre n’ait qu’un temps
Les sanctions économiques qui ont été décrétées ne devraient, hélas, pas avoir beaucoup d’effets. En ces temps de guerre, les sanctions économiques sont un peu comme les effets d’un virus d’une pandémie, ce sont les pauvres qui prioritairement en subissent les conséquences et les riches qui s’enrichissent encore plus. C’est un premier élément à retenir.

La gouvernance poutinienne semble parfois directement inspirée par Barthes qui prônait que la forme peut conditionner le fond. Vladimir n’est pas insensible aux Mythologies peut-être, et a fait de la Rhétorique de l’image une ligne de communication politique. Je mens en direct donc je suis. J’envoie une image de puissance et de distance avec grandes table et salle donc je suis. Je montre mes chars, soldats et avions à la télévision donc je suis. Je tue au journal de 20 h donc je suis. On pourrait multiplier les effets de manches et de langage qui sont l’apanage des dictateurs.

La gouvernance poutinienne est aussi affaire de langage. Les mots ont un sens même dans la bouche d’un tyran. Quand il évoque un génocide, une dénazification, une clique de drogués, il se contente de nous tendre le miroir de ses intentions et de ce qu’il est. Il faut les prendre au sérieux et ne pas sous-estimer la petite musique « après moi le déluge » qui semble caractériser ses rodomontades. Quand elle émane de celui qui a, encore, le pouvoir sur une armée dotée de l’arme nucléaire, il serait fou de ne pas en tenir compte et il convient de réfléchir aux moyens de diminuer cette menace.

Une fois que tout cela est dit que faut-il faire pour sortir de cette crise actuelle ?

Les riches, les oligarques, qui entourent Poutine ne lui sont fidèles que par intérêt. Qu’ils commencent à s’appauvrir, à perdre leurs avoirs et fortunes, à ne plus pouvoir aller à Londres, Courchevel ou Monaco et leurs états d’esprit vont radicalement changer. Et, dans un cénacle qui ressemble furieusement à un ramassis de profiteurs, la perspective de tout perdre pourrait assez rapidement les amener à rechercher les voies d’un changement de gouvernance. Ce mouvement pourrait s’accélérer si la société civile russe se mobilise et témoigne de son refus d’une politique jusqu’auboutiste.

La gouvernance poutinienne pourrait être aussi une faiblesse. De même qu’Hitler ou Staline prenaient un malin plaisir à diviser (pour mieux régner) et humilier alternativement leurs conseillers et généraux, on peut estimer que Vladimir Poutine a adopté les mêmes comportements, les images télévisées de ses interventions le prouvent. Or, là aussi, cette attitude peut entrainer des mouvements de résistance. L’heure de la métamorphose des cloportes en individus dotés de raisons pourrait sonner.

Dans un premier temps il y aura des interrogations sur la pertinence des décisions prises par le Chef. L’Ukraine n’est pas la Grenade, ce territoire vaste a su prendre le temps de préparer son armée et ses défenses. Et, le président ukrainien sait parfaitement utiliser les réseaux sociaux pour véhiculer une image forte, courageuse et raisonnable qui tranche avec la rhétorique du Kremlin dont la déshumanisation est de plus en plus patente.

Viendront ensuite des craintes si sanctions et actions entrainent des détériorations des niveaux de vie et des angoisses pour le futur. Il y a toujours un moment où la préservation de sa personne et de sa famille prend le pas sur la protection d’un régime qui n’apparaitra plus comme étant à même de remplir son rôle. Le fanatisme qui régnait dans certains cercles nazis y compris en 1944/1045 ne semble pas de mise en Russie. Seule la peur règne or celle-ci est un sentiment qui suscite des réactions extrêmes, la dissimulation et le silence comme c’est le cas actuellement, la révolte et l’action comme cela pourrait être le cas demain.

Enfin se précisera le moment où le changement s’imposera comme la seule voie possible de survie, d’une technostructure se sentant menacée dans ce qu’elle a de plus cher, la préservation de ses acquis et la volonté de continuer à en profiter.

Arrivera alors la vraie question, par qui remplacer Poutine ?

En effet, le premier mouvement d’une dictature est de trouver en son sein l’opérateur de sa continuité. Celui qui aura une légitimité en interne pour imposer de nouvelles orientations à une administration ou une armée. Celui qui saura rassurer les partenaires économiques en les faisant adhérer à un nouveau cycle de stabilité politique. Celui qui pourra renouer les fils du dialogue avec la communauté internationale permettant le retour dans un ordre mondial d’un pays qui en aurait été exclu. Celui qui aura la capacité de fédérer une société civile souvent malmenée en lui donnant quelques gages de libéralisation.

Et si on arrive à identifier le remplaçant alors on pourra se demander comment se débarrasser de Poutine. Évidemment cela sera « leur » problème et on peut espérer que Poutine n’aura pas la baraka d’Hitler qui a su échapper à des dizaines de tentatives d’assassinat. On peut aussi souhaiter que les généraux russes soient plus doués dans les putschs que leurs prédécesseurs de la Wehrmacht et qu’ils sachent s’attirer le soutien des services de renseignement par exemple pour éviter toutes fuites inopportunes.

Tout cela fait beaucoup de « si » qui atténuent évidemment la portée du propos. D’un autre côté, comme il est acquis que nous n’allons pas faire la guerre à la Russie, que les sanctions économiques risquent d’être à géométrie variable et qu’il y a des moyens de les contourner – ce que la Corée du Nord a fait la Russie peut le faire -, que la résilience des technostructures en place est réelle, que le pouvoir de Poutine est encore bien réel même si fondé sur la peur et la paranoïa, les options, aujourd’hui, sont très limitées. En tout état de cause un changement à la tête du Kremlin serait un « grand remplacement » tout à fait acceptable !

Tout cela nous éloigne de la campagne présidentielle, sauf, peut-être, pour Marine Le Pen dont le financement de campagne est assuré par des banques russes inféodées à Poutine qui pourraient mal prendre les critiques contre son intervention qu’elle se sent contrainte d’exprimer.
 



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