Journal de l'économie

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Un temps de guerres… de haute intensité





Le 20 Octobre 2021, par Nicolas Lerègle

Nous sommes entrés dans une période de turbulences propice aux dérapages pas toujours contrôlés.


Un temps de guerres… de haute intensité
Évidemment cela ne fait pas les titres des journaux télévisés qui se concentrent plus sur le prix de l’essence, les foucades de Zemmour ou la persistance de la Covid-19, mais pourtant, rarement depuis 80 ans le risque d’un conflit militaire engageant la France n’a été aussi proche. Par là il faut comprendre un conflit qui ne soit pas suffisamment éloigné pour ne pas troubler outre mesure la tranquillité du français hexagonal.

Les Balkans, la Libye, le Mali sont des pays lointains et les interventions militaires françaises sont signalées au gré des pertes humaines sans pour autant faire sortir leurs enjeux géopolitiques des cénacles fermés de discussions entre spécialistes.
Aujourd’hui l’armée française redéfinit sa stratégie en introduisant deux notions intéressantes. Faire la guerre (et la gagner si possible) avant la guerre et se préparer à un conflit de haute intensité – autant dire pouvant atteindre le territoire national.

La première notion recentre parfaitement l’importance de la cyberdéfense et de la cyberattaque comme un champ de bataille qui pour être virtuel n’en est pas moins fondamental. La cyberguerre est un préalable à un conflit traditionnel pour désorganiser et affaiblir un ennemi, diffuser de fausses informations comme une 5e colonne invisible, faire vaciller les opinions et certitudes. Elle est aussi une arme d’un conflit en cours permettant de perturber les communications sur un théâtre d’opérations, de gérer des armements technologiques comme des drones ou des robots, de couper les lignes d’approvisionnement d’un adversaire. Elle prépare enfin les esprits à une fin du conflit en utilisant les outils classiques de la propagande.

Chine, Russie, États-Unis d’Amérique sont à la pointe de ce combat et y consacrent des ressources conséquentes, la France – comme le Royaume-Uni – n’est pas en reste et a décidé de renforcer ses capacités en ce domaine pour être tout à la fois présente sur le terrain de la défense que de l’attaque préventive.

C’est une évolution majeure dont l’importance ne doit pas être sous-estimée, car elle éclaire la perception qu’ont nos militaires des menaces du moment. Au XIXème on parlait de ministère de la Guerre, puis on a parlé au cours du XXème siècle d’un ministère des Armées et ensuite de la Défense. Cette évolution traduisant autant un affichage politique qu’une posture stratégique. On est revenu à un ministre des Armées, qui sait bientôt à l’occasion d’un prochain remaniement nous aurons peut-être un ministère de la Guerre.

La seconde notion qui revient de plus en plus est la préparation de nos forces à un conflit de haute intensité. En un mot une guerre à nos portes, voire sur le territoire national sans pour autant que cela soit de nature à déclencher des représailles nucléaires. Ce cas de figure qui pouvait sembler hypothétique tant nous avions été bercés par les conflits à visées territoriales des siècles précédents l’est de moins en moins.

La région indopacifique est une poudrière entre les velléités territoriales de la Chine, l’alliance AUKUS, la Russie qui n’est pas loin et la France qui y est présente territorialement.

Les jeux de guerre auxquels se livrent l’armée chinoise avec Taiwan, mais aussi ses voisins et les pays qui pensent encore que les eaux internationales sont toujours libres d’accès peuvent déraper. L’entrisme forcené de la Chine dans la joute électorale néocalédonienne ne doit pas être sous-estimé.

Il est certain que la tendance n’est pas d’aller mourir pour Taipei comme il n’était pas question de mourir pour Dantzig ou les Sudètes. C’est au demeurant le pari de la Chine qui applique en ce sens une stratégie hitlérienne qui ne se cache pas, je montre ma puissance et ma volonté de ne pas être impressionné pour amener mes opposants à baisser préventivement les bras.

Plus proche de nous il ne faudrait pas ignorer les velléités russes qui mélangent visées territoriales, la Crimée ou l’Ukraine par exemple, alliances forcées comme avec la Biélorussie et engagements effectifs sur des théâtres d’opérations extérieures très proches de nos frontières, la Syrie, la Libye avec des forces officielles russes, le Mali ou la Centrafrique via les mercenaires téléguidés du groupe Wagner. 

À proximité aussi il faut gérer les tendances impériales de la Turquie qui se verrait bien recréer une Sublime Porte étendant son influence dans une zone de proximité largement élargie allant de l’Afghanistan à l’Afrique. L’attitude de la Turquie est elle aussi fondée sur le principe de l’affichage d’une force décomplexée (illumination agressive de la frégate Courbet) faisant fi d’une Alliance Atlantique qui ne sait plus très bien à quel saint se vouer.

À nos portes enfin, de l’autre côté de la Méditerranée il y a bien évidemment les problèmes des flux migratoires, mais aussi et surtout les réarmements massifs – et qualitatifs – de pays comme l’Algérie, largement approvisionnés par la Turquie, la Russie ou la Chine et qui peuvent avoir des tentations militaires de proximité, avec le Maroc par exemple, ou plus distantes.

Tout cela dresse un tableau peu rassurant pour les prochaines années. Le budget de nos armées a été significativement renforcé pour permettre une amélioration de la réponse qui pourrait être apportée à un conflit de haute intensité, sachant que moyens et capacités de production n’étant pas extensibles à l’infini dans le temps, la France seule ne pourrait pas supporter un tel engagement au-delà de quelques semaines. La nécessité de disposer d’alliés est donc un impératif.

La défense européenne est un serpent de mer depuis près de 70 ans, il faudrait peut-être qu’une prise de conscience soit faite par nos politiques qui n’aiment rien tant que taper sur l’Europe pour prendre conscience que dans le monde actuel, aussi belle et forte que soit la France, seule elle ne pourra pas grand-chose. C’est un sujet apparemment moins porteur que le prix de l’essence, l’immigration ou la Covid-19 et pourtant il est, lui aussi, d’une brûlante actualité.

Avec une question subsidiaire, mais elle aussi importante qui sera de savoir quelle sera l’attitude de la population face à un tel conflit ? Résistance, résilience ou soumission et collaboration. Nous avons déjà un vrai-faux candidat qui explique que Pétain était un résistant ignoré sauveur des juifs et garant de l’esprit français, ce révisionnisme qui semble séduire n’augure rien de bon.


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