Journal de l'économie

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Un temps de guerres





Le 30 Septembre 2021, par Nicolas Lerègle

Il est des guerres difficiles à gagner et aisées à perdre, celles que l’on mène sur son territoire contre un ennemi invisible s’attaquant aux esprits avant de s’en prendre aux personnes.
Ces guerres ne sont pas que celles d’idées s’affrontant comme les pièces sur un échiquier dans une partie où le perdant demanderait une revanche voire une « belle ».


Un temps de guerres
La guerre a ses lois qui n’en sont pas et des règles dont il faut parfois s’affranchir pour remporter la victoire. La guerre a de multiples dimensions, humaines, techniques, géographiques, la guerre a une rationalité subjective dans son déclenchement et sa menée qui fait du hasard et de la chance des éléments aussi importants que la stratégie et la préparation.
Des guerres ont été menées pour des questions de religion, de succession, d’amour-propre voire d’amour, d’idéologie et tant d’autres qu’il est inutile de les énumérer.

La guerre est un terme souvent galvaudé et rattaché à des sujets qui sont assez éloignés, a priori, des notions traditionnelles de conquêtes territoriales ou d’assise de puissance ou d’influence. On va guerroyer contre une pandémie, pour conquérir des parts de marché, pour imposer une idée ou un produit, décalquant consciemment ou non des mots, des techniques, des usages qui relèvent traditionnellement du champ militaire.

La guerre est multiple. Elle peut être conventionnelle opposant deux États par exemple, civile voyant s’affronter au sein d’un même pays des groupes aux intérêts divergents, symétriques ou asymétriques selon les rapports de force des belligérants.

La guerre peut être aussi révolutionnaire, mêlant dans un même événement une opposition à un pouvoir en place jugé illégitime, fondée sur une approche idéologique aux racines philosophiques, religieuses, politiques, initiée par un groupe souvent minoritaire en nombre et en moyens, mais fortement motivé, s’affranchissant de toutes lois ou règles jugées par trop favorables au pouvoir en place. En somme cette guerre pour celui qui est visé n’est pas compréhensible aisément.

L’immixtion dans un conflit traditionnel de mouvements de résistance ne relevant pas d’une autorité militaire classique a toujours été gérée avec violence et n’a pas été une réponse adéquate. Les résistants, partisans qui ont affronté les Allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale n’ont pas été que des accessoires aux forces armées traditionnelles, mais bien un appui fondamental permettant désorganisation et éparpillement des forces ennemies. Dans un cadre normal, les forces amies les soutiennent autant que possible, car ces auxiliaires leur sont utiles, il y a toujours des exceptions – l’armée Rouge devant Varsovie en 1945 – fondées sur des considérations idéologiques ou politiques plus que militaires.

Les exemples abondent de conflits révolutionnaires menés par des hommes en armes sous-équipés contre des armées bien dotées (Indochine, Algérie, Viêt-nam, Afghanistan, Cuba…) qui ont vu le triomphe des premiers avec un constat souvent implacable, les réponses apportées sur le terrain par les armées traditionnelles, souvent engoncées dans une approche conventionnelle des conflits, n’ont pas été en mesure d’inverser le cours des événements. Nous venons de le vivre en Afghanistan où après les britanniques, les Russes ce sont les Américains qui viennent de partir n’ayant pas anticipé – ou plutôt sous-estimé – les forces talibanes et les faiblesses de leurs alliés.

Dans son ouvrage « la guerre moderne » (1961) le colonel Trinquier posait ainsi la nécessité de recourir à des méthodes fortes pour s’opposer à un ennemi qui, par principe, s’était mis hors-la-loi. Le résistant devenant un terroriste ou un criminel il n’était pas interdit de le traiter selon cette qualification en vue de mettre un terme aux agissements de son groupe. Cette approche à l’ère des réseaux sociaux où tout se sait et se voit n’est pas exempte de risques et peut induire un effet opposé à celui recherché. On ne gagne pas un conflit contre des martyrs médiatisés.

On pourra privilégier l’approche d’un autre colonel, Galula, dont l’ouvrage « contre-insurrection » (1963) semble plus pertinent pour traiter des conflits actuels et de ceux qui vont nous concerner plus spécifiquement, à savoir les conflits d’origine religieuse. David Galula n’est pas prophète en son pays alors qu’il a inspiré des générations de militaires américains faisant de sa pensée leur vade-mecum de la lutte contre des ennemis révolutionnaires autant insaisissables qu’invisibles.

La pensée de Galula par sa force et sa pertinence a su traverser les années – plus de soixante ans – pour trouver, aujourd’hui encore, un champ d’application qu’il convient de ne pas ignorer pour éviter une soumission des esprits et de la société sous l’emprise de la peur.

La soumission est cette attitude d’abandon, de collaboration et de lâche compromission qui guette un pays, ses élites, mais aussi sa population face à une menace mal perçue, diffuse, ignorée ou utilisée où le manipulateur devient victime et le collaborateur un exécutant à tout faire.

La douceur du mot ne doit pas faire oublier que sa réalité ne l’est pas.
Aujourd’hui la France n’est pas épargnée par une menace forte, celle de l’Islamisme. Ce n’est peut-être pas la seule, mais en terme sécuritaire elle domine toutes les autres sachant s’infiltrer aussi bien dans les dérives terroristes que nous avons pu connaitre en 2015, dans une criminalité nationale organisée autour de la drogue par exemple, sur des théâtres d’opérations extérieures comme au Mali ou dans des relations internationales avec des États ambigus tels que la Turquie, le Qatar, les EAU, l’Arabie Saoudite…
Point de théologie, juste de l’idéologie, l’Islamisme n’est pas seulement la pratique d’une religion, méritant à ce titre d’être respectée, elle est aussi un projet politique de société, ce qui en fait aussi une idéologie justifiant, à ce titre, d’être combattue ou contestée.
Cet angle d’analyse permet d’appliquer à l’Islamisme une grille de lecture similaire à celle que l’on pouvait utiliser pour aborder le marxisme-léninisme, le maoïsme, le nazisme ou le fascisme. Nous sommes face à un programme de société, ici théocratique, porté par un livre, servi par des fidèles qui, certains de la justesse de la cause sont prêts à tout pour la faire triompher. Cette volonté en fonction des territoires va s’exprimer différemment. Sur ses terrains de prédilection et de proximité culturelle cela va être, paradoxalement, par la violence et la répression dont l’État islamique ou Al-Qaida furent ou sont de brûlants exemples. Sur des terrains plus étrangers et hermétiques la voie de la conquête sera plus insidieuse, intellectuelle et doucereuse alternant une geste violente comme une piqure de rappel et des discours lénifiants comme un baume rassurant.

Il va être intéressant de voir, au moment de l’élection présidentielle qui s’annonce, les réponses qui pourront être apportées par les candidats déclarés. Prendront-ils la réelle mesure des enjeux ou, se limiteront-ils à des rodomontades et des propos visant plus à faire le buzz qu’au sérieux.
 


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