Journal de l'économie

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Une rencontre avec Marie de Laubier, Directrice des collections, Bibliothèque nationale de France





Le 4 Janvier 2021, par Christine de Langle


Marie de Laubier
Marie de Laubier
Une mission de chef d’orchestre

Historienne de formation, Marie de Laubier définit ses responsabilités ainsi : « Mon quotidien ? Je suis chef d’orchestre ». Son orchestre ? Les 1100 agents sur 2300 que compte la Bibliothèque nationale de France et les quatorze départements de collections qu’elle dirige, répartis sur plusieurs sites parisiens, Richelieu, François - Mitterrand, l’Arsenal, la Bibliothèque-musée de l’Opéra. À côté de cet orchestre symphonique, un petit orchestre de chambre composé des quatorze directeurs de collections (Livres rares, Audiovisuel, Cartes et plans, Musique, etc.) qu’il faut « manager » avec doigté en tenant compte de la diversité des histoires et des collections. Même si tous ont l’habitude de travailler ensemble, Marie de Laubier sait qu’il faut toujours remettre l’ouvrage sur le métier, « Il faut sortir des intérêts particuliers pour viser l’intérêt général. Cette dimension collective me passionne ».

La « Direction Métiers » dont elle assume la responsabilité est en effet le cœur de la BnF, présidée par Laurence Engel, et de sa mission : collecter, conserver, communiquer et valoriser la production française par le biais du Dépôt légal : livres, journaux, DVD, partitions, estampes, cartes et plans, photos et dépôt du web depuis 2006. L’égalité de traitement y règne, car on accorde autant d’importance au manuscrit de Maurice Genevoix Ceux de 14 qui vient d’entrer dans les collections qu’à la collection complète de La République du Centre ! Sans compter les acquisitions pour les chercheurs et celles pour le patrimoine. Ce sont tout de suite des chiffres vertigineux : 15 millions de livres et plus de 500 kms de collections, tous sites confondus.

À cela s’ajoute le travail avec les chercheurs, l’organisation des expositions, les publications, les relations internationales et les partenariats avec l’étranger. Avec la Bibliothèque du Congrès à Washington DC., la BnF est une des bibliothèques les plus importantes au monde.

Bibliothèque nationale de France – Salle de lecture © Thierry Ardouin/Tendance Floue/BnF/
Bibliothèque nationale de France – Salle de lecture © Thierry Ardouin/Tendance Floue/BnF/
La BnF numérique

La BnF propose aussi ses trésors en libre accès numérique avec Gallica une initiative lancée en 1997, puis la Bibliothèque numérique européenne, alternative à Google qui voulait réaliser une numérisation de masse. Europeana donne accès aux ressources numériques des institutions culturelles de l’Union européenne. La British Library, le Louvre ou le Rikjsmuseum donnent ainsi accès à leurs collections.

Le confinement et la fermeture des salles de lecture ont accéléré ce recours au numérique avec un accompagnement à distance pour les lecteurs-chercheurs via le système Sinbad, le chat de la BnF. Avec « La BnF dans mon salon », un conservateur présente un chef-d’œuvre numérisé dans Gallica. Devant le succès de cette initiative et le plaisir que les conservateurs y prenaient, il a été décidé de continuer au-delà des périodes de confinement !

Bibliothèque Richelieu – Salle de lecture des manuscrits © Jean-Christophe Ballot/BnF/Oppic
Bibliothèque Richelieu – Salle de lecture des manuscrits © Jean-Christophe Ballot/BnF/Oppic
De grands projets

Après dix ans de travaux, le site Richelieu ouvrira en 2022. Le projet prévoit un nouveau musée dans la galerie de Mazarin avec une présentation chronothématique de pièces majeures des différents départements qui se répondront les uns les autres. À côté du Trésor de Saint-Denis, on pourra voir des manuscrits. La Salle ovale, ou « Paradis ovale », mythique salle de lecture du  début du 20e siècle sera ouverte à tous, à la fois salle de lecture et lieu de visite et de médiation.

Exposition “L’invention du Surréalisme” © BnF
Exposition “L’invention du Surréalisme” © BnF
À côté des galeries d’expositions temporaires, il est prévu de rendre visibles certains « magasins », terme qui désigne les réserves de la BnF. On pourra ainsi découvrir derrière des parois vitrées des cartes et globes. Loin d’être un caprice d’architecte, il s’agit de rendre visibles ces endroits stratégiques qui parlent de sauvegarde des collections et de transmission des œuvres. « Cette réouverture, c’est la Journée du Patrimoine tous les jours » résume Marie de Laubier qui constate le succès jamais démenti de la BnF lors des Journées du Patrimoine.

La BnF, consciente de la saturation à brève échéance de ses quatre sites parisiens, va délocaliser en région une partie de ses collections dans un nouveau centre de conservation à horizon 2027. Outre un conservatoire de la presse, il est prévu des « magasins » pour tous les départements. Un autre aspect de cette délocalisation est déjà en place : « Dans les collections de la BnF », une programmation de petites expositions dans des musées en région. À titre d’exemple, « Raphaël et la gravure » une exposition au musée des Beaux-arts de Tours.  Et en attendant que le rideau de la Culture puisse s’ouvrir pour tous, La BnF prépare activement les prochaines expositions : « L’invention du Surréalisme », site François-Mitterrand et « Noir et Blanc, une esthétique de la photo », une présentation des collections de la BnF au Grand Palais.

Affiche d’Eldorado – Aristide Bruant dans son cabaret – Toulouse-Lautrec. Source gallica.bnf.fr/BnF
Affiche d’Eldorado – Aristide Bruant dans son cabaret – Toulouse-Lautrec. Source gallica.bnf.fr/BnF
De la fonction publique à l’entreprise et vice-versa

Le parcours de Marie de Laubier de manque pas d’originalité. Diplômée de la prestigieuse Ecole des Chartes qui forme archivistes et bibliothécaires, cette femme brillante reconnaît la richesse d’une formation poussée en histoire. « Rechercher, cerner la réalité des faits, aller à la source, prendre en compte les différents paramètres, vérifier et comparer, tout cela donne de bonnes bases pour travailler dans toutes sortes de domaines, car cela permet de prendre de la distance, d’éclairer les choses et de décider en connaissance de cause. Autant de qualités qui peuvent séduire le public comme le privé. Et c’est ainsi qu’après de belles années passées à la BnF en tant que conservateur, Marie de Laubier rejoint le groupe industriel Saint-Gobain et devient Directrice des Relations Générales, responsable des archives et de l’histoire du Groupe, du mécénat culturel et de la coordination des célébrations du 350e anniversaire de cette vénérable maison créée sous Louis XIV.

De ce passage dans le privé, elle retient la force de la dimension collective comme inscrite au fronton de la tour de Saint-Gobain, siège du groupe à La Défense : “Ici tu ne réussiras pas tout seul” et le souci de la gestion des hommes dans l’entreprise. De retour dans l’administration, elle affiche résolument ces deux marqueurs de l’entreprise. L’année qui vient de s’écouler entre grèves et Covid a soudé son équipe et de résumer “mon travail c’est que vous puissiez travailler dans de bonnes conditions !”.
 
Femme de dialogue, Marie de Laubier, qui garde de sa formation cette notion du temps long, a développé ce talent de faire se rencontrer des mondes qui souvent s’ignorent pour un enrichissement mutuel. Des dirigeants d’un grand groupe industriel aux experts de la BnF, il s’agit toujours de mettre en valeur chacun pour mieux “mettre en musique” en talentueux chef d’orchestre !
 
Christine de Langle, fondatrice d’Art Majeur
www.art-majeur.eu
 
 


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