Aux termes de l’article L.111-23 du Code de l’urbanisme, la restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs peut être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d’urbanisme et sous réserve des dispositions de l’article L.111-11 du même code, lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment.
Dans le but de préserver l’habitat traditionnel dans les zones rurales, la loi du 2 juillet 2003, “Urbanisme et Habitat”, a ouvert explicitement la possibilité d’autoriser la restauration de bâtiments sans la lier à l’existence d’un sinistre.
Des dispositions d’urbanisme contraires (comme un plan local d’urbanisme - PLU) peuvent toutefois s’y opposer.
Par ailleurs, cette restauration ne doit pas générer des coûts d’équipements publics non maîtrisables par la collectivité et n’est donc possible que sous réserve de l’article L.111-1 du Code de l’urbanisme.
Le juge administratif est venu à plusieurs reprises préciser les contours de l’application de l’actuel article L.111-23 du Code de l’urbanisme (anciennement article L.111-3 alinéa 2).
Ainsi, à titre d’exemple, pour bénéficier du dispositif de cet article, il faut que le bâtiment à restaurer présente un intérêt patrimonial ou architectural (CAA Bordeaux, 13 novembre 2014, n° 13BX02063).
Le seul fait de soutenir qu’il s’agirait d’une bâtisse antérieure à l’époque napoléonienne ne suffit pas à établir cet intérêt patrimonial ou architectural (TA Nîmes, 7 novembre 2017, n° 1602071). De la même manière, le fait qu’un bâtiment soit construit en pierres et date de 1732 ne suffit pas pour que ce bâtiment puisse être regardé comme présentant un intérêt patrimonial ou architectural au sens de l’article L.111-23 (CAA Bordeaux, 17 décembre 2007, n° 05BX01811).
En revanche, le maintien d’un projet concernant un bâtiment caractéristique des fermes lauragaises est justifié au sens de la disposition susvisée (TA Toulouse, 17 février 2006, n° 0401934).
Dans la pratique, une autre question se pose s’agissant de la mise en œuvre de l’article L.111-23 du Code de l’urbanisme.
L’application de cette disposition très encadrée est-elle automatique si les travaux de construction envisagés par un pétitionnaire entrent dans le cadre des conditions posées par cette dernière ? Autrement dit, l’autorité administrative doit-elle faire application de l’article L.111-23 du Code de l’urbanisme (si les conditions posées sont réunies) dans l’hypothèse où le pétitionnaire ne s’est pas expressément prévalu de ces dispositions ?
Dans le cadre de l’ancienne version de l’article L.111-23 susvisé, il avait été jugé que le pétitionnaire de la demande de permis de construire devait préciser qu’il entendait solliciter le bénéfice de ces dispositions (CE, 18 avril 2008, n° 310273).
Cet arrêt ne semblait toutefois pas devoir être considéré comme une décision de principe.
En effet, dans la décision du 4 août 2021 ici commentée, le Conseil d’État décide désormais que lorsqu’un projet répond aux conditions définies par cet article, il appartient à l’autorité administrative de l’autoriser, y compris si le pétitionnaire ne s’est pas expressément prévalu de ces dispositions au soutien de sa demande de permis de construire.
Dans ce dossier, M. B., propriétaire à Hyères d’un terrain sur lequel est implantée une ancienne bergerie en pierres, avait demandé un permis de construire pour réhabiliter ce bâtiment à des fins d’habitation. Mais, le maire a rejeté sa demande. M. B. a alors demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler ce refus, mais sa requête a été rejetée. Ce jugement a été confirmé par la cour administrative d’appel de Marseille, mais son arrêté a été annulé par le Conseil d’État. Toutefois, la cour administrative d’appel de Marseille a, de nouveau, rejeté l’appel de M. B. contre le jugement du tribunal administratif de Toulon.
Saisie une nouvelle fois, la haute assemblée précise qu’il résulte du second alinéa de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme, devenu au 1er janvier 2016 l’article L. 111-23 du même code, « que le législateur a entendu permettre la restauration de bâtiments anciens caractéristiques des traditions architecturales et cultures locales laissés à l’abandon, mais dont demeure l’essentiel des murs porteurs dès lors que le projet respecte les principales caractéristiques du bâtiment en cause et à condition que les documents d’urbanisme applicables ne fassent pas obstacle aux travaux envisagés ».
Dès lors, « lorsqu’un projet répond aux conditions définies au point précédent, il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de l’autoriser, y compris si le pétitionnaire ne s’est pas expressément prévalu des dispositions du second alinéa de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme précité au soutien de sa demande de permis de construire, à moins que d’autres dispositions applicables y fassent légalement obstacle ».
Dans cette affaire, les travaux objets de la demande de permis de construire avaient pour objet la réhabilitation et la reconstruction à l’identique d’une bergerie du XIXe siècle, en pierres apparentes, caractéristique du paysage et du patrimoine architectural provençaux traditionnels.
En outre, même si la toiture du bâtiment s’était récemment effondrée et que le bâtiment n’avait plus de fenêtres ni de plancher, il avait néanmoins conservé l’essentiel de ses murs porteurs, l’emplacement d’un conduit de cheminée restait visible de sorte que ce bâtiment constituait une construction existante et non une ruine. Par ailleurs, il ressortait de la notice explicative du projet que les travaux avaient pour but de conforter la structure existante par des tirants formant chaînage, que les façades ne seraient pas modifiées, que les pierres seraient laissées apparentes et que les ouvertures resteraient inchangées, ceci sans création de surface de plancher. Ainsi, selon le Conseil d’État, le projet de restauration respecte les principales caractéristiques du bâtiment comme l’exige l’article L.111-23 du Code de l’urbanisme.
Le maire de Hyères aurait dû en conséquence délivrer le permis de construire visant à la réhabilitation et la reconstruction à l’identique de cette bergerie provençale du XIXe siècle. Le Conseil d’État, statuant comme juge d’appel, a donc ordonné la délivrance du permis de construire comme le prévoient les articles L.911-1 du Code de justice administrative et L.424-3 du Code de l’urbanisme.
Cet arrêt est à saluer, compte tenu de ses implications pratiques et des nombreux bâtiments anciens ayant un intérêt architectural ou patrimonial sur le territoire national qui parfois dépérissent.
Frédéric ROSE-DULCINA
LEX SQUARED AVOCATS
Dans le but de préserver l’habitat traditionnel dans les zones rurales, la loi du 2 juillet 2003, “Urbanisme et Habitat”, a ouvert explicitement la possibilité d’autoriser la restauration de bâtiments sans la lier à l’existence d’un sinistre.
Des dispositions d’urbanisme contraires (comme un plan local d’urbanisme - PLU) peuvent toutefois s’y opposer.
Par ailleurs, cette restauration ne doit pas générer des coûts d’équipements publics non maîtrisables par la collectivité et n’est donc possible que sous réserve de l’article L.111-1 du Code de l’urbanisme.
Le juge administratif est venu à plusieurs reprises préciser les contours de l’application de l’actuel article L.111-23 du Code de l’urbanisme (anciennement article L.111-3 alinéa 2).
Ainsi, à titre d’exemple, pour bénéficier du dispositif de cet article, il faut que le bâtiment à restaurer présente un intérêt patrimonial ou architectural (CAA Bordeaux, 13 novembre 2014, n° 13BX02063).
Le seul fait de soutenir qu’il s’agirait d’une bâtisse antérieure à l’époque napoléonienne ne suffit pas à établir cet intérêt patrimonial ou architectural (TA Nîmes, 7 novembre 2017, n° 1602071). De la même manière, le fait qu’un bâtiment soit construit en pierres et date de 1732 ne suffit pas pour que ce bâtiment puisse être regardé comme présentant un intérêt patrimonial ou architectural au sens de l’article L.111-23 (CAA Bordeaux, 17 décembre 2007, n° 05BX01811).
En revanche, le maintien d’un projet concernant un bâtiment caractéristique des fermes lauragaises est justifié au sens de la disposition susvisée (TA Toulouse, 17 février 2006, n° 0401934).
Dans la pratique, une autre question se pose s’agissant de la mise en œuvre de l’article L.111-23 du Code de l’urbanisme.
L’application de cette disposition très encadrée est-elle automatique si les travaux de construction envisagés par un pétitionnaire entrent dans le cadre des conditions posées par cette dernière ? Autrement dit, l’autorité administrative doit-elle faire application de l’article L.111-23 du Code de l’urbanisme (si les conditions posées sont réunies) dans l’hypothèse où le pétitionnaire ne s’est pas expressément prévalu de ces dispositions ?
Dans le cadre de l’ancienne version de l’article L.111-23 susvisé, il avait été jugé que le pétitionnaire de la demande de permis de construire devait préciser qu’il entendait solliciter le bénéfice de ces dispositions (CE, 18 avril 2008, n° 310273).
Cet arrêt ne semblait toutefois pas devoir être considéré comme une décision de principe.
En effet, dans la décision du 4 août 2021 ici commentée, le Conseil d’État décide désormais que lorsqu’un projet répond aux conditions définies par cet article, il appartient à l’autorité administrative de l’autoriser, y compris si le pétitionnaire ne s’est pas expressément prévalu de ces dispositions au soutien de sa demande de permis de construire.
Dans ce dossier, M. B., propriétaire à Hyères d’un terrain sur lequel est implantée une ancienne bergerie en pierres, avait demandé un permis de construire pour réhabiliter ce bâtiment à des fins d’habitation. Mais, le maire a rejeté sa demande. M. B. a alors demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler ce refus, mais sa requête a été rejetée. Ce jugement a été confirmé par la cour administrative d’appel de Marseille, mais son arrêté a été annulé par le Conseil d’État. Toutefois, la cour administrative d’appel de Marseille a, de nouveau, rejeté l’appel de M. B. contre le jugement du tribunal administratif de Toulon.
Saisie une nouvelle fois, la haute assemblée précise qu’il résulte du second alinéa de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme, devenu au 1er janvier 2016 l’article L. 111-23 du même code, « que le législateur a entendu permettre la restauration de bâtiments anciens caractéristiques des traditions architecturales et cultures locales laissés à l’abandon, mais dont demeure l’essentiel des murs porteurs dès lors que le projet respecte les principales caractéristiques du bâtiment en cause et à condition que les documents d’urbanisme applicables ne fassent pas obstacle aux travaux envisagés ».
Dès lors, « lorsqu’un projet répond aux conditions définies au point précédent, il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de l’autoriser, y compris si le pétitionnaire ne s’est pas expressément prévalu des dispositions du second alinéa de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme précité au soutien de sa demande de permis de construire, à moins que d’autres dispositions applicables y fassent légalement obstacle ».
Dans cette affaire, les travaux objets de la demande de permis de construire avaient pour objet la réhabilitation et la reconstruction à l’identique d’une bergerie du XIXe siècle, en pierres apparentes, caractéristique du paysage et du patrimoine architectural provençaux traditionnels.
En outre, même si la toiture du bâtiment s’était récemment effondrée et que le bâtiment n’avait plus de fenêtres ni de plancher, il avait néanmoins conservé l’essentiel de ses murs porteurs, l’emplacement d’un conduit de cheminée restait visible de sorte que ce bâtiment constituait une construction existante et non une ruine. Par ailleurs, il ressortait de la notice explicative du projet que les travaux avaient pour but de conforter la structure existante par des tirants formant chaînage, que les façades ne seraient pas modifiées, que les pierres seraient laissées apparentes et que les ouvertures resteraient inchangées, ceci sans création de surface de plancher. Ainsi, selon le Conseil d’État, le projet de restauration respecte les principales caractéristiques du bâtiment comme l’exige l’article L.111-23 du Code de l’urbanisme.
Le maire de Hyères aurait dû en conséquence délivrer le permis de construire visant à la réhabilitation et la reconstruction à l’identique de cette bergerie provençale du XIXe siècle. Le Conseil d’État, statuant comme juge d’appel, a donc ordonné la délivrance du permis de construire comme le prévoient les articles L.911-1 du Code de justice administrative et L.424-3 du Code de l’urbanisme.
Cet arrêt est à saluer, compte tenu de ses implications pratiques et des nombreux bâtiments anciens ayant un intérêt architectural ou patrimonial sur le territoire national qui parfois dépérissent.
Frédéric ROSE-DULCINA
LEX SQUARED AVOCATS