Journal de l'économie

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« o tempora o mores » quel bureau demain





Le 15 Mai 2020, par Nicolas Lerègle

Le problème avec le Covid-19 c’est qu’il a modifié en profondeur notre présent quotidien mais qu’il tend aussi à redessiner les contours de notre quotidien futur, cela dans ses aspects personnels et professionnels. Le confinement qui rimait avec emprisonnement au moment où il a été annoncé a été plutôt bien vécu et le déconfinement qui le suit ne rime pas avec enthousiasmant.


« o tempora o mores » quel bureau demain
Certes nos compatriotes tendent à plus sortir dans la rue pour faire leurs emplettes, s’inquiètent de savoir si leurs vacances pourront se dérouler, certes en France, mais aussi normalement que possible et personne ne trouve étonnant d’expliquer que le 8 mai ou l’Ascension sont des jours fériés. L’ardeur à reprendre le chemin du travail se heurte aux enfants non scolarisés, aux transports en commun non distanciés, aux habitudes de télétravail prises au cours des dernières semaines qui se sont révélées, pour beaucoup, plus source de confort que de désagréments.

Ajoutons que les entreprises sont aussi un peu prises au dépourvu face aux mesures à prendre et ne hâtent pas, elles non plus, le retour au bureau de la totalité de leurs salariés. Où les mettre ? Comment les disposer ? Quelles mesures de désinfection à prendre ? Quelle distanciation sociale respecter ?
 
Ces questions et bien d’autres se posent et se résume en une seule : quel bureau pour demain ?
 
Regardant un reportage télévisé dans une tour à la Défense d’une grande entreprise le responsable des services généraux montrait les ascenseurs conçus pour 10 personnes ne pouvant plus en accueillir que 3 avec un marquage au sol indiquant clairement que, de surcroit, les passagers devaient se tourner le dos !
 
Dans une autre entreprise la question du maintien des lieux habituels de convivialité se pose. Le devenir des espaces cafétéria où, autour de quelques distributeurs et machines à café, sur des tables partagées et tabourets pouvaient se retrouver collègues et équipes, semble compromis. De même que pourrait être problématique la fluidité, gage de rapidité, des services dans les restaurants (inter)entreprises.
 
Ascenseurs, cafétéria, restaurants sont les lieux traditionnels de convivialité en entreprise. Ils permettent de se reconnaitre, d’échanger de façon informelle et rapide. Ils sont aussi des espaces de défoulement (verbal) et de conversations entre quatre-yeux permettant de déminer des conflits, d’apaiser des tensions ou de nouer des ententes. Leurs disparition – ou leur usage contraint – ne sera pas sans conséquence sur cet élément immatériel mais indispensable à une entreprise, l’ambiance.
 
Les bureaux et salles de réunion, qui sont des espaces plus laborieux et moins conviviaux, devraient être aussi affectés par les modifications en cours de nos habitudes. Il serait erroné de penser que la « fin » de l’épidémie, qui apparemment n’est pas pour demain, sonnera le glas des mesures actuelles. Ce qui est mis en place aujourd’hui pourrait rester demain et se décliner contre la grippe saisonnière par exemple ou tout autre situation qui rendrait l’accès et l’usage des bureaux potentiellement risqués. L’imprévisibilité énoncée à l’article 1195 du Code Civil trouve ici matière à dissertation infinie. Comment aménager des locaux en conservant ses distances sans remettre en cause les ratios d’occupation qui prévalaient avant l’épidémie ? Il en est de même pour les salles de réunion ou les espaces de conférences tels que des auditoriums ou amphithéâtres…si la contenance d’une salle était de 300 personnes et que demain elle est réduite à 60 les choix des organisateurs vont être cornéliens, doit-on faire 5 réunions, réserver un espace 5 fois plus vaste ou ne pas faire du tout de réunion ? De même pour les bureaux individuels ou partagés qui ne sont pas conçus pour être des cellules monastiques mais aussi des lieux de passage.
 
On peut craindre que les commentateurs qui posaient que l’après Covid-19 sera différent de l’avant Covid-19 n’aient raison, y compris pour des domaines qui pouvaient ne pas les concerner de prime abord.
 
Le Covid-19 peut certainement infecter le marché immobilier en amenant une redéfinition en profondeur, par les entreprises, de leurs besoins en espaces de travail. Une généralisation du télétravail pour des pans entiers des services supports ou non d’une entreprise est tout à fait possible. Les immeubles de bureaux partagés qui sont de plus en plus nombreux à être proposés et qui favorisent la convivialité et la proximité ne vont pas être dans l’air du temps, branché il y a 6 mois il se pourrait bien qu’ils soient déconnectés des attentes des utilisateurs aujourd’hui. « O tempora o mores » disait Cicéron il y a 2000 ans cette locution est toujours d’actualité.
 
Si on considère que le coût immobilier d’un salarié dans le tertiaire sur Paris et ses centres d’affaires est compris entre 5 et 15.000 €/an selon l’espace qui lui est dévolu on imagine sans peine l’intérêt qu’il peut y avoir à générer des économies récurrentes de la sorte.

Économies qui permettront de motiver les « télésalariés » en proposant un partage de cette économie en valorisation des salaires par exemple.
Des adaptations seront certainement nécessaires, mais peu coûteuses pour les entreprises. Il conviendra certainement de mettre à disposition des salariés concernés un matériel informatique dédié, de prendre en charge des coûts de connexion, un VPN par exemple, pour assurer des transmissions sécurisées des communications et documents. Mais on parle de quelques centaines d’€ par an. Ces équipements seront aussi nécessaires pour éviter les litiges en termes de temps de travail qui ne manqueront certainement pas de naitre. Un droit du « télétravail » va certainement voir le jour, il est à codifier. Si quelques lignes suffiraient dans un premier temps, on peut estimer que sa singularité binaire lieu de travail/résidence privée devrait faire couler beaucoup d’encre.
 
Maintenant rassurons-nous, après Cicéron invoquons Lavoisier et son « rien ne se perd, rien ne se crée tout se transforme » qui nous indique peut-être une voie à suivre pour un marché immobilier tertiaire qui depuis 50 ans a su faire la preuve de son adaptabilité aux besoins de ses utilisateurs, il ne devrait pas en être autrement en 2020, quel qu’en soit le coût.
 
 
 Nicolas LEREGLE
 


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