Journal de l'économie

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ChinRuss, saison 1, épisode 2 : l’envahissement de l’Ukraine





Le 24 Février 2022, par Philippe Cahen


Image Pixabay
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Dans l’épisode 1, j’expliquais que l’évidence admise depuis des années de la transition énergétique nous mettait pieds et poings liés à la Chine et à la Russie, à ChinRuss : « Plutôt avoir tort avec Sartre que raison avec Aron ». Avec l’envahissement de l’Ukraine, les signaux faibles sont devenus des signaux forts. Faisons un exercice de prospective de renforcement de la puissance russe…

La transition énergétique a un coût social très élevé, voire insupportable

Nous l’avons vu dans l’épisode 1, renforcer des énergies renouvelables notamment solaires et éoliennes ajoute ne serait-ce pour la France entre 750 milliards et 1 000 milliards € selon RTE, pour des produits achetés pour l’essentiel en Chine, pays qui transforme les matières premières puis fabrique les produits à bas coût avec une main-d’œuvre mal payée travaillant dans des conditions déplorables, et indifférentes aux impacts environnementaux. À ce jeu, la France ne produit pas le carbone des éoliennes et des panneaux solaires sur son territoire, elle l’importe.

La hausse du coût de l’énergie depuis fin 2021 a un coût social très élevé. Nous l’avons vu en France avec le chèque énergie. En Allemagne, le gouvernement de coalition libéral, Verts et sociaux-démocrates se trouve confronté à une contradiction majeure la veille de l’envahissement de l’Ukraine par la Russie. Le pays a l’énergie la plus chère d’Europe pour les particuliers. Dès lors, comment alléger les hausses de l’énergie notamment lorsque l’Europe et en particulier l’Allemagne dépend à 40 % du gaz russe. L’une des solutions est de supprimer la taxe datant d’il y a 20 ans qui finance… le développement des énergies durables ! L’autre est de baisser la TVA. L’autre encore est d’aider ceux qui utilisent leurs voitures pour travailler… Les Verts y sont opposés. Le libéral et rigoureux ministre des Finances y voit un dangereux risque inflationniste à court et moyen terme.

La transition énergétique est une affaire de riches

La transition énergétique coûte très cher. L’inflation en développement la remet en cause sans pour autant faire oublier le changement climatique et les dangers environnementaux.

De fait, c’est le concept même de « transition énergétique » qui est remis en cause. Ce moyen (ajouter des énergies) néglige l’objectif (diminuer les gaz à effet de serre) d’autant que ce moyen favorise la Russie et la Chine.

Alliés objectifs de la Russie « malgré nous »

La Russie est le plus vaste pays du monde même si elle est à la hauteur de l’Espagne en termes de PIB. Ce vaste pays profite du réchauffement climatique avec le dégel du permafrost. Le cuivre, dont on estime qu’en 30 ans nous aurons consommé 60 % des ressources connues, est abondant en Sibérie alors que les principaux producteurs – Chili et Pérou – vont en augmenter le prix. Le cours à 10 000 $ la tonne va passer à 15 000 et il en faut 6 à 8 tonnes par éolienne… quant au nickel qui peut se substituer au cobalt dans une batterie de voiture électrique, la Russie en est l’un des principaux producteurs. La Russie fournit à l’Europe 6 % des matériaux critiques nécessaires aux batteries, aux piles à combustible, à la robotique, aux drones… La chine, c’est 40 % !

Et la Russie se rêve vers 2080 comme le grenier à blé du monde, dont elle est le premier exportateur mondial depuis 2017, objectif qu’elle pourrait atteindre plus rapidement en soumettant l’Ukraine et son port agricole de Marioupol. Si les sanctions touchent aux hydrocarbures russes, elles ne peuvent toucher à l’alimentation de nombreux pays. Or là aussi, la transition agricole européenne et son objectif à dix sans de réduire l'usage des pesticides de 50 %, des engrais de 20 % et de cultiver le quart de ses terres en bio favorise l’agriculture russe présente et à venir.

Chine et Russie, les alliés du moment

La Chine observe avec attention les réactions essentiellement occidentales vis-à-vis de la captation de l’Ukraine par la Russie. Le boycott diplomatique des JO d’hiver de Pékin a été source de renforcement réciproque des alliances sino-russes. Quand bien même il existe des tensions en Asie entre les deux pays, leur complémentarité est évidente, l’un produit des matières premières, l’autre les transforme à prix tel que la concurrence est étouffée. La vision occidentale du monde et de la démocratie est une règle faillible. L’Iran, la Turquie, le Brésil, le Venezuela, voire le Mali ont d’autres visions du monde : les ennemis de nos ennemis sont nos amis.

Taïwan est en ligne de mire après la prise des ilots successifs de la mer de Chine. La fin des jeux paralympiques ouvre une fenêtre. Et puis la Chine a de nombreux contrats en Ukraine…  

Les alliés du moment ont cependant renforcé l’OTAN. Alors que la guerre traditionnelle semble oubliée au profit des guérillas ou des cyberguerres, la Russie a réveillé cet oubli… heureux. Le monde va donc s’autonomiser par grandes régions. L’Europe revendique son indépendance envers le GPS en développant Galileo. La Chine a son système. La Russie aura le sien. Il va en être ainsi des moteurs de recherche, de la souveraineté financière, des GAFAM et BATX.

Reste que le bouleversement climatique est mondial. La Chine en est parfaitement consciente et réagit contre, comme le monde occidental. La Russie y a paradoxalement tout à gagner. Or à sa manière, la Russie maitrise les moyens de nos transitions (énergétique, numérique, agricole). Elle va nous obliger à revoir cette transition, elle va nous obliger à la frugalité. C’est une chance !
 
 
Je repars en plongée…

Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles », éd. Kawa


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