Les affaires en cours ont fait l’objet de renvois d’office allant jusqu’à six semaines, qui pourront être renouvelés selon l’évolution de la situation.
En amont des conséquences sanitaires de la pandémie s’ajoute une double incertitude, économique et juridique. Le Federal Reserve System (Fed) américain ainsi que la Banque Centrale Européenne envisagent une contraction « considérable » [1] de l’économie mondiale et des voix averties parlent d’une récession [2] mondiale [3]. Aussi, à l’échelle de la France plane la perspective d’un tsunami de dépôts de bilan et de procédures collectives [4] dans les prochains mois…
Les institutions et les acteurs de la justice ne devraient pas être réduits à un rôle d’acteurs passifs des événements à venir mais assurer un rôle actif de prévention et de contrôle des difficultés économiques qui surgiront. L’un des meilleurs outils pour jouer ce rôle actif et participer à l’effort national pour surmonter cette crise (actuelle et à venir) est sans doute l’informatique.
Les questions juridiques qui se posent au niveau microéconomique sont, cruellement, concrètes : « je ne disposerai pas de trésorerie pour payer le loyer de mon commerce, que faire ? » ; « mon bail sera-t-il résilié ? » ; « est-ce que ma banque va prononcer la déchéance du terme de mon crédit ? » ; « ma caution sera-t-elle appelée à payer à ma place ? » ; « mes clients n’ont pas payé mes dernières factures et viennent de m’annoncer qu’ils projettent un dépôt de bilan » ; « comment sera évaluée ma situation pour savoir si j’aurais accès aux aides du Gouvernement ? » ; « dans combien de temps mon commerce pourra reprendre son activité normale ? » ; « on m’oppose la pandémie comme cas de force majeure, qu’est-ce que je peux faire ? puis-je m’y opposer ? ». Ce sont ces questions qui devront être tranchées par nos juges dans un futur proche.
À ce stade de la pandémie et de la crise, l’organisation d’audiences virtuelles devrait être sérieusement considérée, car elles permettraient d’anticiper et d’atténuer l’incertitude qui pèsent inexorablement sur nos sociétés.
Il ne s’agit pas d’une complète nouveauté, car le recours à des audiences virtuelles a déjà eu lieu dans plusieurs juridictions, mais leur utilisation a été sans doute exceptionnelle et leur effectivité n’était pas toujours au rendez-vous, principalement à cause de problèmes de réseau.
Les audiences virtuelles présentent sans doute des limites évidentes, car le droit, à lui seul, virtuel ou non, ne suffira pas pour empêcher une récession européenne ou mondiale ou pour reconstituer une clientèle ou une trésorerie perdues. Toutefois, son utilité pour contrôler et réduire les conséquences économiques et les incertitudes liées à la pandémie ainsi que son importance pour la reconstruction de notre avenir ne doivent pas être sous-estimées.
Les solutions qui devraient être mises en place grâce aux audiences virtuelles et à d’autres mesures analogues, même si elles ne sont que temporaires, devraient consolider l’effort national qui sera nécessaire pour surmonter les effets économiques et juridiques de la pandémie.
Certes, rien ne pourra remplacer le contact humain, surtout lorsqu’on est dans une position de juge, d’avocat ou de justiciable mais, hélas, la principale mesure recommandée pour contenir la propagation du COVID-19 est d’éviter ou de limiter au minimum le contact avec nos semblables.
La justice virtuelle de demain, celle qui passe principalement par les écrans, les ordinateurs et l’internet, nous en avons besoin dès aujourd’hui. Les ordonnances que le Gouvernement devrait être autorisé à prendre devraient heureusement accélérer son avènement.
Mise à jour du 26 mars 2020 :
La Loi 2020-290 du 23 mars 2020, dans son article 11 [5], avait autorisé le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, des mesures pour « faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation ».
Les dites ordonnances ont été promulguées le 25 mars 2020 et publiées le lendemain. On peut repérer, notamment, dans celles concernant les dispositions relatives aux procédures administrative [6], civile [7] et pénale [8], les pouvoirs accordés aux juges qui peuvent désormais, « par décision insusceptible de recours », organiser les audiences en utilisant « tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique ».
Reste maintenant voir comment les juridictions utiliseront ces nouvelles facultés et les difficultés que les gens de justice, dans son ensemble, devront surmonter pour concilier les impératifs de leur vie personnelle et une reprise rapide, efficace et surtout dans le respect de la Justice et du Droit, de la vie judiciaire de la République. Citant à Voltaire, « on ne fait jamais ni tout ce qu'on peut, ni tout ce qu'on veut ».
De leur part, plusieurs gouvernements, et en premier lieu le Président américain [9], ont insisté sur la nécessité impérieuse et catégorique d’une reprise rapide des activités commerciales et de la vie économique, craignant une récession dont les conséquences seraient inédites et très graves. La date que le Gouvernement américain s’est fixée est le 12 avril 2020 [10] prochain.
Très possiblement, les autres grandes économies de la planète se fixeront la même date ou une date proche, sauf si les rumeurs d’une deuxième vague sévissant actuellement l’Asie et la Chine se confirment [11] ou si vers cette date les conséquences de la pandémie ne sont pas sous contrôle…
Entretemps, en France, Italie, Espagne, et partout dans le monde les gens continuent à mourir et le personnel de santé reste dans la première ligne de cette « guerre » contre le COVID-19 annoncée par le Président Emmanuel MACRON. Ses prochaines déclarations et celles de ses Ministres sont très attendues et seront, espérons-le, riches de contenus et de solutions.
Philippe Reigné
Professeur agrégé des facultés de droit
Knowledge Manager
#COVID-19 Manager
Jean-Christophe Bouchard & Edward Apaza Pino
Avocats à la Cour
[1] Déclarations de Mme. Christine LAGARDE : « Une grande partie de l'économie est temporairement à l'arrêt, par conséquent l'activité économique dans la zone euro va se contracter considérablement », publiées le 20 mars 2020 dans rtbf.be https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-la-presidente-de-la-bce-s-attend-a-une-recession-considerable-en-zone-euro?id=10462837
En amont des conséquences sanitaires de la pandémie s’ajoute une double incertitude, économique et juridique. Le Federal Reserve System (Fed) américain ainsi que la Banque Centrale Européenne envisagent une contraction « considérable » [1] de l’économie mondiale et des voix averties parlent d’une récession [2] mondiale [3]. Aussi, à l’échelle de la France plane la perspective d’un tsunami de dépôts de bilan et de procédures collectives [4] dans les prochains mois…
Les institutions et les acteurs de la justice ne devraient pas être réduits à un rôle d’acteurs passifs des événements à venir mais assurer un rôle actif de prévention et de contrôle des difficultés économiques qui surgiront. L’un des meilleurs outils pour jouer ce rôle actif et participer à l’effort national pour surmonter cette crise (actuelle et à venir) est sans doute l’informatique.
Les questions juridiques qui se posent au niveau microéconomique sont, cruellement, concrètes : « je ne disposerai pas de trésorerie pour payer le loyer de mon commerce, que faire ? » ; « mon bail sera-t-il résilié ? » ; « est-ce que ma banque va prononcer la déchéance du terme de mon crédit ? » ; « ma caution sera-t-elle appelée à payer à ma place ? » ; « mes clients n’ont pas payé mes dernières factures et viennent de m’annoncer qu’ils projettent un dépôt de bilan » ; « comment sera évaluée ma situation pour savoir si j’aurais accès aux aides du Gouvernement ? » ; « dans combien de temps mon commerce pourra reprendre son activité normale ? » ; « on m’oppose la pandémie comme cas de force majeure, qu’est-ce que je peux faire ? puis-je m’y opposer ? ». Ce sont ces questions qui devront être tranchées par nos juges dans un futur proche.
À ce stade de la pandémie et de la crise, l’organisation d’audiences virtuelles devrait être sérieusement considérée, car elles permettraient d’anticiper et d’atténuer l’incertitude qui pèsent inexorablement sur nos sociétés.
Il ne s’agit pas d’une complète nouveauté, car le recours à des audiences virtuelles a déjà eu lieu dans plusieurs juridictions, mais leur utilisation a été sans doute exceptionnelle et leur effectivité n’était pas toujours au rendez-vous, principalement à cause de problèmes de réseau.
Les audiences virtuelles présentent sans doute des limites évidentes, car le droit, à lui seul, virtuel ou non, ne suffira pas pour empêcher une récession européenne ou mondiale ou pour reconstituer une clientèle ou une trésorerie perdues. Toutefois, son utilité pour contrôler et réduire les conséquences économiques et les incertitudes liées à la pandémie ainsi que son importance pour la reconstruction de notre avenir ne doivent pas être sous-estimées.
Les solutions qui devraient être mises en place grâce aux audiences virtuelles et à d’autres mesures analogues, même si elles ne sont que temporaires, devraient consolider l’effort national qui sera nécessaire pour surmonter les effets économiques et juridiques de la pandémie.
Certes, rien ne pourra remplacer le contact humain, surtout lorsqu’on est dans une position de juge, d’avocat ou de justiciable mais, hélas, la principale mesure recommandée pour contenir la propagation du COVID-19 est d’éviter ou de limiter au minimum le contact avec nos semblables.
La justice virtuelle de demain, celle qui passe principalement par les écrans, les ordinateurs et l’internet, nous en avons besoin dès aujourd’hui. Les ordonnances que le Gouvernement devrait être autorisé à prendre devraient heureusement accélérer son avènement.
Mise à jour du 26 mars 2020 :
La Loi 2020-290 du 23 mars 2020, dans son article 11 [5], avait autorisé le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, des mesures pour « faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation ».
Les dites ordonnances ont été promulguées le 25 mars 2020 et publiées le lendemain. On peut repérer, notamment, dans celles concernant les dispositions relatives aux procédures administrative [6], civile [7] et pénale [8], les pouvoirs accordés aux juges qui peuvent désormais, « par décision insusceptible de recours », organiser les audiences en utilisant « tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique ».
Reste maintenant voir comment les juridictions utiliseront ces nouvelles facultés et les difficultés que les gens de justice, dans son ensemble, devront surmonter pour concilier les impératifs de leur vie personnelle et une reprise rapide, efficace et surtout dans le respect de la Justice et du Droit, de la vie judiciaire de la République. Citant à Voltaire, « on ne fait jamais ni tout ce qu'on peut, ni tout ce qu'on veut ».
De leur part, plusieurs gouvernements, et en premier lieu le Président américain [9], ont insisté sur la nécessité impérieuse et catégorique d’une reprise rapide des activités commerciales et de la vie économique, craignant une récession dont les conséquences seraient inédites et très graves. La date que le Gouvernement américain s’est fixée est le 12 avril 2020 [10] prochain.
Très possiblement, les autres grandes économies de la planète se fixeront la même date ou une date proche, sauf si les rumeurs d’une deuxième vague sévissant actuellement l’Asie et la Chine se confirment [11] ou si vers cette date les conséquences de la pandémie ne sont pas sous contrôle…
Entretemps, en France, Italie, Espagne, et partout dans le monde les gens continuent à mourir et le personnel de santé reste dans la première ligne de cette « guerre » contre le COVID-19 annoncée par le Président Emmanuel MACRON. Ses prochaines déclarations et celles de ses Ministres sont très attendues et seront, espérons-le, riches de contenus et de solutions.
Philippe Reigné
Professeur agrégé des facultés de droit
Knowledge Manager
#COVID-19 Manager
Jean-Christophe Bouchard & Edward Apaza Pino
Avocats à la Cour
[1] Déclarations de Mme. Christine LAGARDE : « Une grande partie de l'économie est temporairement à l'arrêt, par conséquent l'activité économique dans la zone euro va se contracter considérablement », publiées le 20 mars 2020 dans rtbf.be https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-la-presidente-de-la-bce-s-attend-a-une-recession-considerable-en-zone-euro?id=10462837
[2] The Harvard Gazette, « Why odds of a coronavirus recession have risen » du 17 mars 2020, consultable dans https://news.harvard.edu/gazette/story/2020/03/why-the-odds-of-a-coronavirus-recession-have-risen/
[3] Harvard Business Review, « What Coronavirus Could Mean for the Global Economy », du 3 mars 2020, consultable dans https://hbr.org/2020/03/what-coronavirus-could-mean-for-the-global-economy
[4] « Coronavirus : vers un gel des redressements judiciaires pour les entreprises en difficulté » dans https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/coronavirus-les-tribunaux-de-commerce-au-secours-des-entreprises-en-difficulte-1185831
[5] Consultable sur le site Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2020/3/23/PRMX2007883L/jo/texte
[3] Harvard Business Review, « What Coronavirus Could Mean for the Global Economy », du 3 mars 2020, consultable dans https://hbr.org/2020/03/what-coronavirus-could-mean-for-the-global-economy
[4] « Coronavirus : vers un gel des redressements judiciaires pour les entreprises en difficulté » dans https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/coronavirus-les-tribunaux-de-commerce-au-secours-des-entreprises-en-difficulte-1185831
[5] Consultable sur le site Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2020/3/23/PRMX2007883L/jo/texte
[6] Article 7 de l’ordonnance 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, consultable sur le site Légifrance :
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041755612
https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041755612
[7] Article 7 de l’ordonnance 2020-304 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, consultable sur le site Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041755577
[8] Article 5 de l’ordonnance 2020-303 portant adaptation de règles de procédure pénale, consultable sur le site Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041755529
[9] Déclarations du Président Donald TRUMP: « I would to have it open by Easter. I will — I will tell you that right now. I would love to have that — it’s such an important day for other reasons, but I’ll make it an important day for this too. I would love to have the country opened up and just raring to go by Easter. » consultable sur le site de la Maison Blanche https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/remarks-president-trump-vice-president-pence-members-coronavirus-task-force-fox-news-virtual-town-hall/
[10] Idem
[11] « Asian countries risk new waves of coronavirus infections when they lift lockdowns. The same could happen in the rest of the world » dans Business Insider France du 26 mars 2020,
https://www.businessinsider.fr/us/countries-lift-lockdowns-face-new-waves-covid-19-2020-3
https://www.businessinsider.fr/us/countries-lift-lockdowns-face-new-waves-covid-19-2020-3