Journal de l'économie

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La bataille des transports économes en carbone 1/2





Le 25 Mai 2022, par Philippe Cahen

Les signaux faibles s’accumulent sur une révolution des transports. Dans 10 ans, le transport sera autre. Électrique ? À hydrogène ? Toujours au pétrole ? Là n’est pas la question. L’approche prospective bouleverse toutes les idées reçues.
Avec la voiture dès les années 50, puis la mondialisation dans les années 90, la ville et le monde sont devenus des usines à carbone au risque de mettre l’Homme en danger sur Terre.


Les transports, premier émetteur mondial de GES

Rappel. L’urgence climatique incite de nombreux pays comme la France à atteindre la neutralité carbone en 2050 (accord de Paris, 2015). L’Union européenne fixe l’émission nette de gaz à effet de serre (GES) à zéro en 2050. Le carbone est considéré comme le principal gaz à effet de serre généré par l’activité humaine. La neutralité carbone désigne l’équilibre entre l’émission de carbone et les puits de carbone naturels ou artificiels.

Au niveau mondial, les transports sont à l’origine du quart des émissions de CO2 (en France 33 % en 2017), après l’énergie et l’électricité pour env. 40 % (en France 14 % grâce au nucléaire) et devant l’industrie pour env.20 % (en France 21 %, le résidentiel 23 %). Les transports représentent donc un émetteur important de CO2.

Et dans les transports eux-mêmes, la route en est pour les trois-quarts, l’avion et les bateaux pour plus de 10 % chacun (12 et 11 %). Bref, la route seule est un très gros émetteur des GES, près du cinquième.

Première solution : moins transporter par la route

Baisser le poids des transports dans l’émission des GES, c’est d’abord moins transporter. Si cette solution tombe sous le coin du bon sens, elle n’est jamais évoquée. Même la Convention Citoyenne pour le Climat en a fait l’impasse. Et pourtant, moins transporter, moins se déplacer est la première réflexion. Prenons deux axes essentiels.

Les transports de marchandises.

Sur le transport routier de marchandises lui-même, la première idée qui vient est de diminuer les marchandises à transporter. La première solution est la fabrication locale. Il convient alors de baisser le coût actuel de la fabrication ou produire localement, et limiter les déplacements de marchandises comme par exemple l’alimentation nationale qui passe systématiquement par Rungis. De la même manière, il faut remettre en cause les systèmes éclatés de fabrication de composants ou de parties de produits qui circulent d’un continent à l’autre. Pourquoi les chênes abattus en France partent-ils en Chine pour revenir sous forme de planches ou de meubles.

La seconde solution est la baisse de consommation. En textile par exemple, l’une des industries les plus polluantes, nous dépensons de moins en moins pour des placards que nous remplissons de plus en plus. Le Chinois Shein – créé en 2012 - qui écrase aujourd’hui le marché (aux États-Unis en mai 2021, autant que Zara et H & M réunis, soit le quart du marché) en est la caricature. L’une des solutions est la taxe carbone, sur le carbone importé, une taxe réelle non pas de quelques cts qui contribuerait à encourager la fabrication locale. De même qu’une taxe recyclage limiterait la consommation de produits neufs et favoriserait les produits à durée de vie longue. La France comme d’autres pays est submergée de déchets. Ces deux taxes sont favorables à l’économie circulaire, car applicables uniquement aux produits neufs.

Quant au transport de marchandises lui-même par route, il serait préférable qu’il soit combiné sur longue distance avec le rail et avec le fluvial bien moins émetteurs de carbone, sachant que le rail et le fluvial peuvent passer rapidement en système autonome de transport comme c’est en cours d’étude voire de mise en œuvre respectivement aux Pays-Bas et en Norvège, et en Allemagne. La France bénéficie d’un réseau dense de lignes de chemin de fer. Le transport sur courte distance est à réinventer selon le poids, le volume, la fréquence. Un vélo VAE cargo peut transporter jusque 200 kg aujourd’hui !

Les transports de personnes

Que ce soit en France ou dans le monde, le système de transport de personnes, donc la voiture, doit être revu. La voiture personnelle qui était possible dans un monde de 1 milliard d’habitants ne l’est plus dans un monde de 7 milliards d’habitants et bientôt huit, voire dix dans 25 ans. Deux raisons majeures à cela : la saturation des villes et routes, et la pollution dégagée.

Tout d’abord, pour limiter les déplacements quotidiens du travail qui sont les plus nombreux, l’habitat des salariés doit être proposé près de leurs lieux de travail ce qui implique que la construction de commerces, usines, hôpitaux, etc. doit s’accompagner de construction de logements, car ce sont des emplois non « télétravaillables ». En France, nous sommes confrontés à un manque cruel de logements qui contribue à allonger la distance du domicile au travail et à limiter les choix de nouveaux emplois en cas de déménagement nécessaire. Premier budget des ménages devant les transports, le logement en France doit devenir abondant, il est aujourd’hui le deuxième plus cher d’Europe derrière le Luxembourg !

Ensuite les déplacements du quotidien en voiture doivent être remplacés par la marche, les transports doux et les transports collectifs nombreux, denses, réguliers et à bas prix. De manière contre-intuitive, plusieurs départements ont créé avec succès le ticket de bus à 1 euro : le trafic de bus a augmenté très positivement ! Pour les zones à population non dense, il faut favoriser les transports participatifs en aidant par la collectivité soit le covoitureur, soit le covoituré, soit les deux, et consacrer une voie réservée dès qu’il y a deux voies.

Il s’ajoute pour la France une culture des « congés » que les pays voisins ne copient pas, mais les étrangers surtout salariés nous envient. Il en résulte au moins, pour les familles avec enfants scolarisés, deux semaines de congés chaque six semaines, quelques ponts et des congés payés qui contribuent à remplir régulièrement les autoroutes et le système économique qui les accompagnent. « Que fais-tu pour les vacances » est une phrase clé de la société française. Reste qu’à défaut de compte carbone individualisé pour l’instant, le mythe des ponts, week-ends et vacances reste une source importante d’émission de carbone.

La politique zéro carbone que mettent en place les entreprises impacte sur les transports des marchandises et les déplacements des salariés des entreprises et par ricochet des salariés. De ce point de vue, la prise de conscience sera effective en quelques années.

Dès lors que transporter moins implique un changement de comportement, voire de société, comment répondre aux transports qui doivent moins polluer ?

Première solution : moins transporter. Deuxième solution : utiliser une énergie propre

C’est la solution qui est privilégiée aujourd’hui pour transporter les marchandises et les personnes. Les énergies renouvelables et l’hydrogène passent pour les énergies propres qui ont la faveur unanime des transporteurs, voitures, camions, cars et bus.
Mais ces énergies sont loin d’être propres en bilan carbone.

Article 2/2
 
Je repars en plongée …
Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles », éd. Kawa

 


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