Le développement par fusions-acquisitions constitue, aujourd’hui, l’un des modes de développement les plus répandus. Associé aux politiques de croissance externe, il est l'un des moyens mis en œuvre par les entreprises pour mener des stratégies de spécialisation, d’intégration verticale ou de diversification. Les fusions-acquisitions sont par conséquent au cœur des politiques des entreprises. Néanmoins, elles n’en sont pas les seules manifestations en termes de développement. À l’instar d’autres modes de croissance (développement interne et alliances stratégiques) (1), les opérations de fusions-acquisitions sont avant tout un instrument au service des objectifs et motivations de la firme.
On peut définir les fusions acquisitions, comme des pratiques de réalisation à caractère juridique, permettant de mettre en œuvre une stratégie de croissance externe. Elles ne constituent donc pas une stratégie en soi. Elles sont essentiellement un moyen au service de la croissance des entreprises. Mais elles sont également le reflet de certaines tendances, notamment dans la façon dont les dirigeants entendent gérer le processus de création de valeur et les modes de relations entre firmes (2). Dans ce domaine, le développement continu des technologies de l’information et de la communication, la révolution digitale et les progrès de la science viennent profondément perturber les enjeux et l’intensité de ces rapprochements.
En effet, aux motivations de pouvoir sur les marchés ou de valorisation (brevets, marques, technologies, système d’offres), les fusions acquisitions d’aujourd’hui, sans remettre en question l’intérêt de ces démarches, laissent envisager d’autres motifs au rapprochement. Ainsi, lorsqu’on étudie certains secteurs d’activités (grande distribution, hôtellerie, banques et assurances, immobilier…), l'anticipation de ruptures notamment de nature technologique constitue l’une des raisons principales aux mouvements de concentration. Par exemple, dans le secteur de la Distribution, les créations d’alliances depuis 2014 (Système U-Auchan, Intermarché-Casino, Carrefour-Coria) et les mouvements en cours autour de Darty (et la rivalité Fnac-Conforama) ne font qu’amplifier une tendance, qui verra d’ici 10 ans, près de la moitié des enseignes en Europe, passées sous la coupe d’un nouvel acteur économique. Ce virage s’explique en grande partie par les innovations digitales (magasin virtuel 3D, puces RFID, paiement sans contact, buy in one click…) à venir dans la grande distribution et la nécessité d’une stratégie désormais multicanale et ominicanale.
De même, dans des secteurs hautement technologiques et innovants, on assiste également au renforcement de fusions-acquisitions dans les secteurs des Technologies, Médias et Télécom (avec les géants du Web, comme Amazon Web Services, Microsoft ou Google) ou de l'industrie pharmaceutique (avec l'absorption d'Allergan par le groupe américain Pfizer). Le recours à ces opérations dans un environnement hypercompétitif s’explique ici par la volonté de générer de nouveaux "produits-services" (base de données, stockage, réseau, logiciels, sécurité) fondés sur des innovations technologiques et marketing (nouveaux usages).
Les transformations techniques et technologiques combinées au progrès scientifique viennent par conséquent donner aux stratégies de fusions et d’acquisitions, une portée et une ampleur rarement égalées, en raison de la nécessité pour les entreprises de transformer ou réorienter durablement leur modèle économique. Elles posent aussi la question de l’intégration rapide et risquée des équipes techniques, commerciales et R&D (infrastructure IT, nouvelles offres, nouveaux systèmes) dans des rapprochements à forte valeur stratégique (innovation majeure ou de rupture), où efficacité et rapidité sont parfois difficilement conciliables.
Notes
(1) Meier O. (dir.), Stratégies de croissance, Editions DUNOD, 2009.
(2) Meier O., Schier G., Fusions acquisitions: stratégie, finance, management, Editions DUNOD, 2016.
Lien Web : https://www.youtube.com/watch?v=rPcbQCCo8i0