Journal de l'économie

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L'aide européenne à dose homéopathique pour la filière vin





Le 8 Mai 2020, par Sébastien Burel

Alors que la BCE a débloqué 55 milliards pour soutenir l’économie européenne, que le Parlement européen a fait voter 37 milliards d’aide et que 1000 milliards de prêts garantis vont permettre de financer le chômage partiel des Européens, la Commission n’a, à ce jour, versé que 88 millions pour soutenir l'agriculture européenne.


L’Union peine à prendre la mesure de la détresse de son secteur viticole
 
Personne n’est encore en mesure de chiffrer précisément l’impact du COVID-19 sur la filière vin. D’autant plus que le virus s’est abattu sur un secteur dont les défenses immunitaires avaient déjà été mises à mal par une séquence très critique : Brexit, « Taxe Trump », et crise politique à Hong-Kong. Toutefois, les symptômes sont déjà bien visibles. Le confinement qui a touché jusqu’à 1/3 de la population mondiale s’est traduit par la fermeture planétaire des bars et restaurants, avec pour conséquence une chute brutale de la consommation.

Les commandes de vin sont suspendues, quand elles n’ont pas été tout bonnement annulées. Dans les chais, les cuves sont pleines à ras-bord. Rien qu’à Bordeaux, on parle de 2 à 3 millions d’hL invendus de vin de consommation rapide !

En France, les producteurs ont alerté la puissance publique sur la grande précarité de leur situation en demandant au plus vite des mesures d’aide pour sauver les acteurs du secteur et pour vider les cuves avant les prochaines vendanges…
 
Aide-toi et l’Union t’aidera…
 
Dans l’Union européenne, dès qu’on aborde l’aide à l’agriculture et a fortiori aux vignerons, on rentre de plain-pied dans le labyrinthe des contraintes de la PAC et de l’OCM Vin (Organisation Commune des Marchés) qui fixent les règles du soutien de chaque État membre à leur viticulture propre. Ainsi, si la France se voit allouer une enveloppe annuelle de 281 millions d’€ pour sa filière viticole, l’utilisation de ces fonds est strictement fléchée vers des actions très spécifiques.

Le versement d’une aide directe aux exploitants viticoles en est exclu. En revanche, la distillation de vin en alcool industriel à la demande des États est une mesure exceptionnelle, légale et pour laquelle, la Commission vient d’autoriser le recours en urgence. Ce mécanisme permet aux producteurs de toucher des indemnités en échange de la transformation en alcool d’une partie de leur stock.

Les vignerons français réclament donc l’autorisation de distiller 3 millions d’hectolitres, indemnisés à 80€/hL pour les vins en IGP et 65€/hL pour les vins sans indication géographique. À cette mesure, dont le coût est estimé à 260 millions d’€ s’ajouteraient une aide au stockage privé des vins, une aide aux distillateurs et un financement de mesure de vendanges en vert pour limiter les rendements du millésime à venir. À l’échelle européenne, on pourrait distiller jusqu’à 10 millions d’hectolitres.  

Le commissaire européen pour l’agriculture s’est donc engagé à autoriser les États qui le souhaitent à recourir à la distillation, sans toutefois la soutenir financièrement. En clair, les pays producteurs peuvent financer des mesures d’urgence, mais dans le cadre strict de l’enveloppe existante et donc sans aucune rallonge européenne.
 
 « We need fresh money »
 
Le député européen Éric Andrieu (PSOE) s’est récemment ému de la faiblesse de la réaction communautaire face à la crise du COVID-19 en matière agricole (seulement 88 millions versés jusqu’à présent). L’élu narbonnais demande la mobilisation en urgence de la réserve de crise de la PAC (476 millions) pour soutenir l’ensemble de la filière agricole. Il souhaite également que la Commission puise dans le réservoir substantiel des aides non-utilisées pour soutenir directement les producteurs. Cette solution ne nécessiterait pas de budget supplémentaire, une option impensable en pleine phase de renégociation de la PAC, mais exigerait un accord unanime des 27 ministres de l’agriculture de l’Union.
 
Une PAC Post Covid-19 ?
 
Dans le billard à trois bandes de la prise de décision européenne, le Parlement n’est pas nécessairement en position de force, mais il dispose en ce moment d’un levier puissant pour s’assurer que le commissaire européen en charge de l’agriculture aille bien négocier auprès des 27 ministres le paquet d’aides le plus large possible.

Dans ce but, Éric Andrieu et nombre de parlementaires de tout bord menacent de bloquer l’adoption des actes délégués, une procédure permettant à la Commission de mettre en œuvre les mesure d’urgence économiques de l’Union. Un bras de fer qui augure de négociations compliquées sur le renouvellement de la PAC et qui doivent reprendre en mai 2020.

Sébastien BUREL
Fondateur de FERMYNT


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