Journal de l'économie

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Quel cadre juridique pour la cyberguerre ?





Le 28 Janvier 2020, par Olivier de Maison Rouge

"Les conflits de demain vont être en partie numériques !
Tous les grands Etats s’y préparent, la fois en attaque et en défense." [1] Guillaume POUPARD, Directeur Général de l’ANSSI


Quel cadre juridique pour la cyberguerre ?
Parmi les vastes attaques numériques enregistrées ces dernières années, il est patent que certaines proviennent d’organisations étatiques ou liées à des autorités étrangères.
 
Ainsi, le cyber est devenu une arme offensive autant que défensive, au même titre que les autres armements conventionnels. Le cyberespace est donc un autre théâtre d’opérations.


Ces cyberatteintes peuvent prendre plusieurs formes :
 
Les attaques informationnelles déterminent les nouvelles frontières d’affrontement depuis l’utilisation à grande échelle des bots et trolls rendant possible d’insinuer et/ou d’amplifier des messages convergents à destination d’une population à travers des réseaux sociaux. Ces actes de propagande numérique s’inscrivent dans la guerre informationnelle.
 
Le cyberespionnage – ou intrusion aux fins de captation de données sensibles – appartient à la cyberguerre. Il s’agit du renseignement d’origine cyber (ou ROC). Mais cela peut aussi être le souci de collecter des informations sur les capacités numériques de l’ennemi ; on parle davantage de renseignement d’intérêt cyber (RIC).
 
Des outils sont également développés pour neutraliser l’activité numérique d’un Etat ou d’un groupe d’activiste et ainsi de « l’aveugler » en lui coupant tous services de communication électronique affectant les GPS, accès à Internet … mais aussi installations sensibles et infrastructures cyber (réseaux, data center, etc) ; la lutte se livre d’ailleurs sur l’accès aux câbles sous-marins qui relient les réseaux informatiques d’un continent à l’autre.

Le commandement cyber français
 
La France a reconnu disposer d’une capacité offensive dans ce domaine depuis 2008, ainsi que cela ressort du Libre blanc de la Défense de la même année.
 
Celui de 2013 rappelle à son tour une les batailles peuvent désormais se livrer dans cinq espaces déterminés : terre, air, mer, extra-atmosphériques et cyber.
 
Le commandement Cyber (ou COM CYBER), la force armée cyber de l’armée française, a été constitué à effet du 1er janvier 2017.
 
Le COM CYBER compte près de 3 400 cyber-combattants. Sur la période de la Loi de programmation militaire 2014-2019, les effectifs du cyber ont doublé et au titre de la Loi de programmation militaire 2019-2025, c’est plus de 1 000 cyber-combattants qui viendront compléter les effectifs actuels.
 
La France est sortie victorieuse de l’exercice continental de cyberdéfense Locked Shileds, organisée par l’OTAN en 2019.
 
Placé sous l’autorité du Chef d’Etat-Major des Armées (CEMA), celui-ci affirme : « Le cyber est en effet considéré comme une arme d’emploi, pour la défense de nos intérêts et de notre souveraineté » (audition devant le Sénat, juin 2019).
 
Le cadre juridique de la cyberguerre
 
Le Manuel de Tallinn, rédigé par l’OTAN en 2013, définit une cyberattaque militaire comme étant :
 
« une agression armée lorsque l’emploi de la force atteint un seuil élevé en termes de degré, de niveau d’intensité et selon les effets engendrés : pertes en vies humaines, blessures aux personnes ou des dommages aux biens. »
 
De tels cyber affrontements, réels ou présumés - aucun état n’ayant reconnu avoir utilisé cette arme ce d’autant que l’attribution d’une cyberattaque reste un art délicat - ont conduit l’ONU à se pencher sur cette question.
 
Le groupe des experts gouvernementaux constitué à cet effet a conclu en 2013 que le cyberespace devait être régi par les droits internationaux identiques aux autres espaces, malgré ses spécificités technologiques propres. Dès lors, il n’existe pas un droit dérogatoire, mais une soumission au droit commun de la guerre.
 
Ainsi, toute attaque informatique constatée en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies autorise la légitime défense pour la partie agressée :
 
Article 51
Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.
 
De même, des ripostes et contre mesures de moindre intensité sont prévues en cas de cyber incidents constatés. La proportionnalité doit prévaloir dans l’usage de la cyber force, de même que la nécessité. La difficulté réside, comme dans l’emploi des autres armes, de pouvoir déterminer et cibler l’adversaire sans affecter davantage (les « dommages collatéraux »).
 
Les objectifs purement civils, autres que ceux participant à la cyberguerre, doivent être écartés.

Olivier de MAISON ROUGE
Avocat - Docteur en Droit


[1] In Les Echos, 21 janvier 2020
[2] Source : Revue stratégique de cybersécurité, SGDSN, 12 février 2018
 


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