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Autoroutes durables, le gouvernement se montre vigilant





Le 8 Mai 2021, par La Rédaction


À 10 ans de la fin de certains contrats de concession des autoroutes, le gouvernement clarifie sa politique : non à la renationalisation, oui à la modernisation des contrats et à l’intensification de la transformation verte des 9 200 km des autoroutes françaises.
 
La transition écologique touche tous les aspects de la vie économique française. Les transports ne font pas exception, d’autant qu’ils sont responsables d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Le secteur routier, lui, met en place au pas de charge de nombreux projets pour verdir ses activités. Des efforts essentiels et coûteux que les gouvernements successifs veulent accompagner. Dans ce paysage, les concessions autoroutières sont à la fois en première ligne, et dans le viseur des parlementaires qui viennent, le 6 mai dernier, de discuter au Sénat de l’avenir de ces concessions avec le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari.
 
Dépassionner un débat idéologique
 
Présidée par le sénateur de la Creuse Eric Jeansannetas, la commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières avait épinglé l’année dernière dans son rapport la gestion des entreprises privées chargées des concessions autoroutières, dont les contrats viendront à échéance entre 2031 et 2036. Pêle-mêle, les arguments-phare des sénateurs – parfois démagogiques – ciblaient le manque à gagner pour l’État, les dividendes en fin d’année touchés par les SCA (sociétés concessionnaires d’autoroutes) et une éventuelle renationalisation du réseau français. Si le gouvernement actuel est en accord sur certains points, comme la tenue d’un Sommet des autoroutes réclamée par les sénateurs, ses conclusions divergent sur les dossiers les plus cruciaux, à commencer par les finances. Il s’appuie pour cela sur les conclusions du rapport de l’Autorité de régulation des transports (ART), un organisme indépendant qui, contrairement aux élus, n’a pas d’agenda électoral ou idéologique.
 
Car s’il est important aux yeux des Français, le dossier des autoroutes doit être dépassionné. « L’inventaire du réseau est un enjeu clé, car il est lié à la définition du bon état cible du réseau en fin de concession, a souligné le ministre Djebbari devant les sénateurs. Le patrimoine autoroutier français est estimé à 150 milliards d’euros. Sans entretien, il se détériore. Les concessionnaires ont la responsabilité des travaux, contrôlés par l’État. Ma conviction, c’est que le ‘concession bashing’ ne fait pas avancer le débat. N’oublions pas que, entre 2006 et 2018, les SCA ont généré 50 milliards de recettes fiscales et ont investi 20 milliards d’euros dans le patrimoine autoroutier. Sans le modèle concessif, des dizaines de projets d’infrastructure au service des Français n’auraient pu voir le jour. » Interrompre les contrats en cours n’est donc pas une option. « Ce serait une gabegie financière de 47 milliards d’euros ! », a tranché le ministre. En filigrane, le gouvernement avance sa stratégie : accélérer la transformation écologique des autoroutes et accompagner le travail des SCA qui se sont lancées dans de grands projets en faveur de l’éco-mobilité.
 
Priorité à la transition écologique
 
Car la priorité est là pour le gouvernement, comme elle le sera pour ceux des vingt années à venir : il faut décarboner totalement la route – et les autoroutes – et cela ne se fera pas sans une politique d’investissements massifs. « Le tournant écologique a été pris au début des années 2000, rappelle le ministre délégué. Quelque 400 millions d'euros d’investissement ont été réalisés dans le cadre des plans de relance autoroutiers de 2015 et 2018 : ouvrages de protection de la biodiversité, assainissement, réduction du bruit, etc. Nous accélérons le déploiement des bornes électriques. Quelque 60% des aires en seront prochainement équipées. Nous accompagnons la transition écologique. Je sais les concessionnaires engagés sur le sujet. »
 
Cet engagement est en effet essentiel pour mener à bien cette transformation écologique. Et les résultats sont là, via des financements purement privés ou des partenariats public-privé avec l’État ou les collectivités locales, régions en tête. Toutes les SCA se sont lancées dans la bataille. Prenons deux exemples récents : en février dernier, l’opérateur Vinci Autoroutes a signé une nouvelle convention avec la région PACA pour le développement de l’écomobilité (bornes de recharges électriques, voies dédiées au transport collectif et propre…). « Aujourd’hui, le réseau autoroutier a un rôle essentiel à jouer dans la décarbonation des mobilités, car les déplacements des Français par la route représentent plus d’un tiers des émissions totales de CO2 du pays », s’est engagé Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes. Son alter ego chez Sanef (groupe Abertis) Arnaud Quémard, va lui aussi dans le même sens : « Nous devons investir pour faciliter le transfert vers des moyens de transport collectifs et faciliter les usages vertueux de l’automobile (voies dédiées aux bus express, au covoiturage, etc.) » Les SCA s’engagent en faveur des autoroutes bas carbone et le gouvernement a bien fait comprendre qu’il veillerait à entretenir cet indispensable élan.
 
Devant les sénateurs, Jean-Baptiste Djebbari a donné le cap : « Nous avons lancé un grand plan de déploiement des bornes électriques sur le réseau concédé et non concédé, pour permettre l’itinérance : 60% des aires seront équipées à la fin de l’année, 100% fin 2022. L’État investit à cet effet 100 millions d’euros du plan de relance ; les concessionnaires, 500 millions d'euros, sur une durée très courte. Preuve d’un bon équilibre contractuel au service des Français, qui augure bien de l’avenir. » Car l’avenir de la voiture électrique dans le pays – dont les Français semblent de plus en plus friands au vu des chiffres de vente – dépendra des infrastructures mises en place. La voiture a donc encore de beaux jours devant elle : près de 9 foyers sur 10 possèdent au moins un véhicule, et 9 Français sur 10 utilisent leur voiture au moins une fois par jour. Avec l’arrêt annoncé de la vente des véhicules thermiques en 2040, la course contre la montre est lancée : la route de demain sera verte, il n’y a plus d’alternative.
 
« Nous sommes désormais confrontés à l’urgence climatique, appuie le sénateur de la Sarthe Louis-Jean de Nicolaÿ. La route représente encore 87% du transport de personnes et 86% du transport de marchandises : il y a urgence à décarboner la route. » De son côté, le ministre a rappelé le cadre strict de la gestion des autoroutes, imposé par le protocole de 2015. Mais il ne faut pas baisser la garde et poursuivre les efforts vers toujours plus d’innovation : « Depuis 2015, l’encadrement des sociétés concessionnaires a été renforcé. Le sujet des bornes électriques démontre que l’on peut agir concrètement, avec 600 millions d’euros investis en trois ans. Il ne faudrait pas recréer des zones grises de la mobilité. […] La France préside la plateforme technique européenne dédiée : 95% des spécifications qu’elle propose sont acceptées, ce qui est un motif de fierté et ouvre des opportunités. Nos autoroutes continueront d’être à la pointe de l’innovation. » Critiqué par certains sénateurs, le modèle des concessions français a surtout le mérite d’assurer les investissements que l’État ne pourrait pas consentir, et de maintenir et d’améliorer la qualité des infrastructures. Et cela, les usagers en ont bien conscience comme le montrent les chiffres de l’Association des sociétés françaises d’autoroutes (ASFA)  : ils sont 95% à être satisfaits des installations autoroutières. Une satisfaction qui n’en appelle pas moins à une vigilance constante de tous les acteurs de la route.




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