Cet événement ne restera pas sans conséquences, plus immédiates celles-ci, en termes d’Intelligence et de Sécurité économiques.
Dès le lendemain, ou presque, de l’entrée en vigueur de ce Brexit les pécheurs français se sont vu interdire l’accès aux eaux britanniques. Sachant que ces dernières représentent un poids conséquent dans la production de leur chiffre d’affaires, on comprend immédiatement que le Brexit ne sera pas qu’un acte politique mais marque aussi le début d’une ère de compétition économique désinhibée.
Celle-ci se matérialisera sur tous les plans et dans tous les secteurs d’activités et devrait, les britanniques rappelons-le sont des champions incontestables en ce domaine, engendrer une résurgence de pratiques agressives utilisant tous les ressorts de cette Intelligence Economique que nous avons, en France, tant de mal à conceptualiser et à maitriser.
En rejoignant l’Union Européenne en 1973, à l’époque on parlait encore de CEE, le Royaume-Uni tout en adoptant cette attitude si caractéristique d’ « un pied dedans – un pied dehors » qu’il n’a jamais réellement abandonné, à jouer le jeu. Le Royaume-Uni s’est concentré sur la finance faisant de Londres une place financière mondiale, de même sur les services et a, progressivement, laissé ses industries devenir des sous-traitants ou des partenaires des entreprises européennes concernées, dans l’automobile ou l’aéronautique par exemple. Le secteur de la défense a été préservé comme il se doit tout en se réduisant significativement.
Cette approche d’un grand pragmatisme a contribué à développer de façon importante les secteurs d’activités qui ont su profiter de cette ouverture continentale, accélérée par le tunnel sous la Manche faisant de Londres une ville européenne comme les autres, et a, à l’inverse, entrainé des régions et des industries dans un déclin certain ne trouvant plus, dans leur marché national ni sur les marchés européens, des débouchés satisfaisants. Cette réalité explique, en partie, le succès du Brexit qui a trouvé ses électeurs non pas à Londres ni dans les grandes villes, mais dans les banlieues, campagnes ou régions qui subissaient de plein fouet une concurrence européenne avec laquelle elles étaient bien en peine de répondre. Ajoutons une dimension communautaire à ne pas négliger, le vote « Brexit » des électeurs issus du Commonwealth qui appréciaient moyennement le statut des ressortissants communautaires faisant d’eux les égaux des britanniques de souche, ce qu’il n’avait jamais vraiment, anciens colonisés qu’ils étaient, réussi à être.
On peut penser que le pragmatisme mis en œuvre à partir de 1973 va être de nouveau sollicité à partir d’aujourd’hui pour que le Royaume-Uni ne devienne pas le dindon de la farce d’un Brexit qu’il a souhaité. Or pour cela il va falloir rebâtir ou renforcer des pans importants de l’économie britannique pour la rendre de nouveau compétitive vis-à-vis de ses concurrents internationaux, communautaires ou non.
On ne décrète pas d’un claquement de doigt la renaissance d’une industrie automobile nationale, d’une agriculture et d’une industrie agro-alimentaire performantes, d’un secteur aéronautique ou ferroviaire propre à concurrencer des mastodontes internationaux.
Un claquement de doigt n’est pas suffisant, on peut toutefois s’appuyer sur sa capacité à détecter chez ses concurrents des forces à récupérer ou des faiblesses à exploiter. C’est toute la force de l’Intelligence Economique à l’anglo-saxonne, et l’on peut compter sur les Etats-Unis pour faire le nécessaire, dans leur intérêt bien compris, pour aider, ce qui pourrait s’avérer (re)devenir un partenaire stratégique, à enfoncer des coins dans les secteurs porteurs de l’économie communautaire.
La France est assurément prête à gérer les flux de marchandises à la sortie du tunnel sous la Manche et à mettre en place les ressources douanières suffisantes pour traiter ces flux d’origine maritime. La France est certainement disposée à conserver les meilleures relations qui soient avec un partenaire économique si proche et pourtant si lointain. Mais la France est-elle consciente que le Royaume-Uni va devoir, pour que le Brexit ne donne pas raison aux Cassandre qui prévoyaient le pire, adopter des pratiques agressives pour rester concurrentiel. Ce qui attend les pêcheurs normands et bretons est un épiphénomène très révélateur de ce qui se prépare et qui devrait toucher peu ou prou tous les secteurs économiques. Londres, par exemple, ne va pas pouvoir rester sans réponse ni réaction face à une situation qui déclasserait la City comme place financière mondiale alors même que, de ce positionnement, dépend la prospérité de pans entiers de son économie, des sociétés de services au marché de l’immobilier.
La Veille, l’Influence et la Sécurité Economique qui constituent les piliers de l’Intelligence Economique devraient devenir des préoccupations fondamentales de nos entreprises.
Nous nous plaçons volontiers sous les auspices de Vauban, celui-ci avait compris, bien avant d’autres, que les Citadelles dont il a été l’architecte n’étaient pas que des constructions.
Elles étaient des vigies permettant de percevoir et de se préparer aux évolutions, hostiles, d’un environnement voisin. Elles étaient aussi des marqueurs d’une présence solide véhiculant une image de force dissuasive.
Elles étaient enfin le rempart contre une invasion à même de garantir la sécurité d’un pré carré national.
Près de 400 ans après Vauban il serait bon que les entreprises françaises fassent de cet enseignement une ligne de conduite vis-à-vis de concurrents qui ne joueront pas avec les règles qui étaient en vigueur depuis 40 ans. Au-delà du caractère anecdotique des titres de la presse annonçant un « Singapour-sur-Manche » il y a plutôt la réalité d’un porte-avions économique près de nos côtes, redonnant toute sa force à l’adage si vis pacem para bellum.
Nicolas Lerègle
Dès le lendemain, ou presque, de l’entrée en vigueur de ce Brexit les pécheurs français se sont vu interdire l’accès aux eaux britanniques. Sachant que ces dernières représentent un poids conséquent dans la production de leur chiffre d’affaires, on comprend immédiatement que le Brexit ne sera pas qu’un acte politique mais marque aussi le début d’une ère de compétition économique désinhibée.
Celle-ci se matérialisera sur tous les plans et dans tous les secteurs d’activités et devrait, les britanniques rappelons-le sont des champions incontestables en ce domaine, engendrer une résurgence de pratiques agressives utilisant tous les ressorts de cette Intelligence Economique que nous avons, en France, tant de mal à conceptualiser et à maitriser.
En rejoignant l’Union Européenne en 1973, à l’époque on parlait encore de CEE, le Royaume-Uni tout en adoptant cette attitude si caractéristique d’ « un pied dedans – un pied dehors » qu’il n’a jamais réellement abandonné, à jouer le jeu. Le Royaume-Uni s’est concentré sur la finance faisant de Londres une place financière mondiale, de même sur les services et a, progressivement, laissé ses industries devenir des sous-traitants ou des partenaires des entreprises européennes concernées, dans l’automobile ou l’aéronautique par exemple. Le secteur de la défense a été préservé comme il se doit tout en se réduisant significativement.
Cette approche d’un grand pragmatisme a contribué à développer de façon importante les secteurs d’activités qui ont su profiter de cette ouverture continentale, accélérée par le tunnel sous la Manche faisant de Londres une ville européenne comme les autres, et a, à l’inverse, entrainé des régions et des industries dans un déclin certain ne trouvant plus, dans leur marché national ni sur les marchés européens, des débouchés satisfaisants. Cette réalité explique, en partie, le succès du Brexit qui a trouvé ses électeurs non pas à Londres ni dans les grandes villes, mais dans les banlieues, campagnes ou régions qui subissaient de plein fouet une concurrence européenne avec laquelle elles étaient bien en peine de répondre. Ajoutons une dimension communautaire à ne pas négliger, le vote « Brexit » des électeurs issus du Commonwealth qui appréciaient moyennement le statut des ressortissants communautaires faisant d’eux les égaux des britanniques de souche, ce qu’il n’avait jamais vraiment, anciens colonisés qu’ils étaient, réussi à être.
On peut penser que le pragmatisme mis en œuvre à partir de 1973 va être de nouveau sollicité à partir d’aujourd’hui pour que le Royaume-Uni ne devienne pas le dindon de la farce d’un Brexit qu’il a souhaité. Or pour cela il va falloir rebâtir ou renforcer des pans importants de l’économie britannique pour la rendre de nouveau compétitive vis-à-vis de ses concurrents internationaux, communautaires ou non.
On ne décrète pas d’un claquement de doigt la renaissance d’une industrie automobile nationale, d’une agriculture et d’une industrie agro-alimentaire performantes, d’un secteur aéronautique ou ferroviaire propre à concurrencer des mastodontes internationaux.
Un claquement de doigt n’est pas suffisant, on peut toutefois s’appuyer sur sa capacité à détecter chez ses concurrents des forces à récupérer ou des faiblesses à exploiter. C’est toute la force de l’Intelligence Economique à l’anglo-saxonne, et l’on peut compter sur les Etats-Unis pour faire le nécessaire, dans leur intérêt bien compris, pour aider, ce qui pourrait s’avérer (re)devenir un partenaire stratégique, à enfoncer des coins dans les secteurs porteurs de l’économie communautaire.
La France est assurément prête à gérer les flux de marchandises à la sortie du tunnel sous la Manche et à mettre en place les ressources douanières suffisantes pour traiter ces flux d’origine maritime. La France est certainement disposée à conserver les meilleures relations qui soient avec un partenaire économique si proche et pourtant si lointain. Mais la France est-elle consciente que le Royaume-Uni va devoir, pour que le Brexit ne donne pas raison aux Cassandre qui prévoyaient le pire, adopter des pratiques agressives pour rester concurrentiel. Ce qui attend les pêcheurs normands et bretons est un épiphénomène très révélateur de ce qui se prépare et qui devrait toucher peu ou prou tous les secteurs économiques. Londres, par exemple, ne va pas pouvoir rester sans réponse ni réaction face à une situation qui déclasserait la City comme place financière mondiale alors même que, de ce positionnement, dépend la prospérité de pans entiers de son économie, des sociétés de services au marché de l’immobilier.
La Veille, l’Influence et la Sécurité Economique qui constituent les piliers de l’Intelligence Economique devraient devenir des préoccupations fondamentales de nos entreprises.
Nous nous plaçons volontiers sous les auspices de Vauban, celui-ci avait compris, bien avant d’autres, que les Citadelles dont il a été l’architecte n’étaient pas que des constructions.
Elles étaient des vigies permettant de percevoir et de se préparer aux évolutions, hostiles, d’un environnement voisin. Elles étaient aussi des marqueurs d’une présence solide véhiculant une image de force dissuasive.
Elles étaient enfin le rempart contre une invasion à même de garantir la sécurité d’un pré carré national.
Près de 400 ans après Vauban il serait bon que les entreprises françaises fassent de cet enseignement une ligne de conduite vis-à-vis de concurrents qui ne joueront pas avec les règles qui étaient en vigueur depuis 40 ans. Au-delà du caractère anecdotique des titres de la presse annonçant un « Singapour-sur-Manche » il y a plutôt la réalité d’un porte-avions économique près de nos côtes, redonnant toute sa force à l’adage si vis pacem para bellum.
Nicolas Lerègle