La définition du « Petit Robert » 2011
1787. Du latin nihil, « rien » 1. La doctrine d’après laquelle rien n’existe d’absolu, 2. (1866 du russe) L’idéologie qui refuse toute contrainte sociale et prône la recherche de liberté totale.
Dès sa définition, à 80 ans d’écart, le nihilisme est passé de la question de l’existence même à la question politique de la liberté totale, voire de l’anarchie ou de l’égalitarisme absolu. La page de Wikipédia sur le nihilisme reflète bien de cette lutte d’influence, ou plutôt d’influences au pluriel, où chacun force le trait et les références pour justifier son opinion, ce qui est le lot habituel de toute page de Wikipédia sur un sujet contesté.
Dans l’actualité sociale et politique
Le 5 juillet 2023, dans les dernières heures des émeutes qui ont marqué la France, La Montagne s’interrogeait sur le « nihilisme » des émeutiers, sans doute la recherche de liberté et d’absolu. Pour l’IGA (Inspection Générale de l’Administration) qui a enquêté et a rendu son rapport le 25 aout, la conclusion de l’enquête flash va vers « les émeutiers étaient davantage des opportunistes, encouragés par une certaine « curiosité » ou une « recherche d’adrénaline » donc contrairement à l’analyse spontanée des commentaires politiques et médiatiques autour de la volonté de détruire les symboles de l’autorité politique et du capitalisme économique.
Michel Onfray considère dans Anima (Albin Michel, avril 2013) le nihilisme comme une vague qui passe comme toute vague. Il s’agit en effet d’une vague.
En 2015, Olivier Roy affirmait que le djihadisme et ses différents temps (gang de Roubaix, Al-Qaida, Daech) étaient une révolte générationnelle et nihiliste pour des jeunes Français radicalisés en recherche de sens.
Aujourd’hui, le philosophe Benoit Berthelier, associe le nihilisme comme perte de sens, à la crise écologique qui provoque « la perte de nos valeurs, une détresse devant l’absence de sens et de buts dans notre existence terrestre, qui peut prendre des formes très diverses » (Figarovox 27 avril 2023). La crise écologique est aussi associée à un scientisme absolu : puisque les chiffres le disent, c’est la vérité absolue ! Or chacun le sait, les chiffres sont relatifs à des sujets d’étude et à des objets de conclusions. Ainsi la voiture électrique est une réponse à la voiture thermique, les chiffres le prouvent, mais n’est pas une réponse ni à la densité du trafic, ni à la fourniture de matières premières ne serait-ce que pour fabriquer la batterie.
Le point commun de tous ces nihilismes
S’il y a un point commun à toutes ces formes ou vagues de nihilismes, c’est bien l’absence de reconnaissance de l’autorité, sa contestation systématique. Non pas d’existence de l’autorité, car l’imposition de l’autorité sans nuance est une forme de dictature, mais bien la reconnaissance de l’autorité comme valeur du fait ou du jugement.
Cette absence de reconnaissance de l’autorité est entretenue par les réseaux sociaux qui accentuent l’enfermement mental. Lorsque les platistes (convaincus que la Terre est plate) sont 9 % parmi la population française et 29 % chez les 18-24 ans adeptes de TikTok (IFOP, janvier 2023), on comprend que les émeutiers de juin 2023, majoritairement 18-24 ans, ont vécu une véritable jouissance d’adrénaline sur leur média favori jusqu’à ce que leurs « grands frères », gênés dans leurs trafics quotidiens, leur intiment d’arrêter.
La conclusion spontanée aux émeutes de juin 2023, le djihadisme, la contestation systématique, écologique et politique, sont des formes de nihilisme et souhaitons-le des vagues de nihilisme. Des passages de nihilisme.
Dans un monde au présent contesté, au futur troublé, un monde fugace et provisoire soit on fait preuve de résilience en s’adaptant à l’un ou l’autre vague ou plusieurs à la fois, soit on bascule dans la solastalgie, l’effondrement psychologique, dans une forme de nihilisme « qui refuse toute contrainte sociale et prône la recherche de liberté totale ».
Je repars en plongée…
Philippe Cahen
Prospectiviste
Dernier livre, juin 2023 : « Le chaos de la prospective et comment s’en sortir », éd. Kawa
1787. Du latin nihil, « rien » 1. La doctrine d’après laquelle rien n’existe d’absolu, 2. (1866 du russe) L’idéologie qui refuse toute contrainte sociale et prône la recherche de liberté totale.
Dès sa définition, à 80 ans d’écart, le nihilisme est passé de la question de l’existence même à la question politique de la liberté totale, voire de l’anarchie ou de l’égalitarisme absolu. La page de Wikipédia sur le nihilisme reflète bien de cette lutte d’influence, ou plutôt d’influences au pluriel, où chacun force le trait et les références pour justifier son opinion, ce qui est le lot habituel de toute page de Wikipédia sur un sujet contesté.
Dans l’actualité sociale et politique
Le 5 juillet 2023, dans les dernières heures des émeutes qui ont marqué la France, La Montagne s’interrogeait sur le « nihilisme » des émeutiers, sans doute la recherche de liberté et d’absolu. Pour l’IGA (Inspection Générale de l’Administration) qui a enquêté et a rendu son rapport le 25 aout, la conclusion de l’enquête flash va vers « les émeutiers étaient davantage des opportunistes, encouragés par une certaine « curiosité » ou une « recherche d’adrénaline » donc contrairement à l’analyse spontanée des commentaires politiques et médiatiques autour de la volonté de détruire les symboles de l’autorité politique et du capitalisme économique.
Michel Onfray considère dans Anima (Albin Michel, avril 2013) le nihilisme comme une vague qui passe comme toute vague. Il s’agit en effet d’une vague.
En 2015, Olivier Roy affirmait que le djihadisme et ses différents temps (gang de Roubaix, Al-Qaida, Daech) étaient une révolte générationnelle et nihiliste pour des jeunes Français radicalisés en recherche de sens.
Aujourd’hui, le philosophe Benoit Berthelier, associe le nihilisme comme perte de sens, à la crise écologique qui provoque « la perte de nos valeurs, une détresse devant l’absence de sens et de buts dans notre existence terrestre, qui peut prendre des formes très diverses » (Figarovox 27 avril 2023). La crise écologique est aussi associée à un scientisme absolu : puisque les chiffres le disent, c’est la vérité absolue ! Or chacun le sait, les chiffres sont relatifs à des sujets d’étude et à des objets de conclusions. Ainsi la voiture électrique est une réponse à la voiture thermique, les chiffres le prouvent, mais n’est pas une réponse ni à la densité du trafic, ni à la fourniture de matières premières ne serait-ce que pour fabriquer la batterie.
Le point commun de tous ces nihilismes
S’il y a un point commun à toutes ces formes ou vagues de nihilismes, c’est bien l’absence de reconnaissance de l’autorité, sa contestation systématique. Non pas d’existence de l’autorité, car l’imposition de l’autorité sans nuance est une forme de dictature, mais bien la reconnaissance de l’autorité comme valeur du fait ou du jugement.
Cette absence de reconnaissance de l’autorité est entretenue par les réseaux sociaux qui accentuent l’enfermement mental. Lorsque les platistes (convaincus que la Terre est plate) sont 9 % parmi la population française et 29 % chez les 18-24 ans adeptes de TikTok (IFOP, janvier 2023), on comprend que les émeutiers de juin 2023, majoritairement 18-24 ans, ont vécu une véritable jouissance d’adrénaline sur leur média favori jusqu’à ce que leurs « grands frères », gênés dans leurs trafics quotidiens, leur intiment d’arrêter.
La conclusion spontanée aux émeutes de juin 2023, le djihadisme, la contestation systématique, écologique et politique, sont des formes de nihilisme et souhaitons-le des vagues de nihilisme. Des passages de nihilisme.
Dans un monde au présent contesté, au futur troublé, un monde fugace et provisoire soit on fait preuve de résilience en s’adaptant à l’un ou l’autre vague ou plusieurs à la fois, soit on bascule dans la solastalgie, l’effondrement psychologique, dans une forme de nihilisme « qui refuse toute contrainte sociale et prône la recherche de liberté totale ».
Je repars en plongée…
Philippe Cahen
Prospectiviste
Dernier livre, juin 2023 : « Le chaos de la prospective et comment s’en sortir », éd. Kawa