Journal de l'économie

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Les États-Unis d’Amérique, un ami qui se veut du bien





Le 13 Janvier 2022, par Nicolas Lerègle

Bercés que nous sommes par un « soft power » remarquablement efficace nous en oublions souvent le caractère égoïste d’un droit américain dont l’extra-territorialité, tous azimuts, n’est pas la moindre des composantes (ce qu’a fort justement rappelé dans une série d’articles récents Olivier de Maison Rouge) et la propension d’un système parfaitement huilé, mêlant l’industrie, le tertiaire, le militaire et le politique, qui vise à maintenir, envers et contre tout, la puissance américaine.


Les États-Unis d’Amérique, un ami qui se veut du bien
Sur ce terrain-là, la France essaye de résister, mais seule elle est bien en peine. Elle l’est d’autant plus que nos élites sont sous influence américaine et se refusent à voir comment les « États-Unis contribuent à affaiblir l’économie française ». C’est ainsi qu’est titré un excellent rapport édité par les participants au MBA d’Intelligence économique (36e promotion de l’Executive MBA en Management Stratégique et Intelligence Économique - MSIE 36) de l’École de Guerre Economique et ce sous la direction de C Harbulot. Il est bon de temps en temps qu’un document, ici baptisé « rapport d’alerte », sonne le tocsin. À de nombreuses reprises, Olivier de Maison Rouge ou moi-même dans nos contributions avons rappelé que l’angélisme n’était pas de mise avec les États-Unis d’Amérique, un allié précieux certes, mais surtout soucieux de ses intérêts propres.

La doctrine isolationniste dite Monroe a toujours irrigué la politique étrangère de ce pays, y compris quand elle se parait d’un interventionnisme patent. Les entrées en guerre de 1917 ou de 1941, les coups d’états organisés en Iran au Guatemala ou ailleurs depuis 1945 n’ont été dictés que par la défense d’intérêts économiques vacillants du fait de la perte de marchés extérieurs, de crainte de ruptures d’approvisionnement ou d’assurance de rentrer dans ses fonds.

Le Plan Marshall participait de cette logique de reconstruction motivée par le désir d’avoir des clients autant que des partenaires. Rappelons qu’en 1944, débarquant, les Américains avaient prévu de placer la France sous leur administration et que c’est grâce au général de Gaulle que cela a été évité.

Cette puissance économique revendiquée, ce modèle de société l’« american way of life », cette image de réussite l’« american dream » sont particulièrement séduisants et ont su attirer des élites politiques comme économiques dans un giron qui, parfois et plus souvent qu’on ne le pense, sert avant tout des intérêts qui ne sont pas ceux de la France.

Il ne s’agit nullement de tomber dans un anti-américanisme primaire qui serait stérile, mais se souvenir qu’un homme averti en valant deux il est parfois bon de se rappeler certaines évidences. Le pouvoir financier de l’extra-territorialité de certaines lois, particulièrement celles encadrant l’usage du dollar, qui permet de condamner des banques ou autres à des amendes de plusieurs milliards de $ fait qu’au-delà du coût financier de telles sanctions elles ne peuvent qu’affaiblir ceux qui en sont victimes et les transformer en proies idéales pour un concurrent. Les manœuvres diplomatiques entourant la signature de certains contrats d’armement, la France vient encore de le constater avec ses sous-marins promis à l’Australie, mais ce ne sont pas les seuls cas de figure, la fourniture d’avions de combats ou d’hélicoptères à certains pays européens, peuvent laisser perplexe. Les exemples sont multiples et touchent à peu près tous les secteurs de notre économie.

Quand les élections de Obama ou de Biden ont été encensées par notre classe politique c’est oublier que du temps d’Obama jamais l’espionnage économique de la France, surtout dans les domaines militaro-industriels, n’a été aussi organisé et qu’il n’y a aucune raison de penser que Biden fera autrement. Il est temps d’ouvrir les yeux.

Une élection présidentielle approchant et tout ce qui vient d’être écrit n’étant en rien ignoré on pourrait s’attendre à une prise de conscience des différents candidats.
Il ne faut en effet pas être grand clerc pour comprendre que la France, seule, ne dispose pas des moyens pour apporter une réponse défensive, mais aussi offensive, à des blocs politico-économico-militaires aussi puissants que les États-Unis d’Amérique ou la Chine. La Russie étant un cas à part car ne disposant pas d’une économie, sauf en termes de matières premières, au niveau des deux autres. Seule l’Union européenne est à même de constituer une « vraie » puissance politique et économique et de prendre des positions communes dont les états membres profiteront.

Force est de constater qu’elle est encore faible pour imposer certaines règles de bon sens à ses états membres. À quoi cela sert-il de financer la Pologne ou la Hongrie si ces pays n’ont aucune intention de faire jouer une préférence européenne dans leurs choix ? Sa politique étrangère est floue, ses organes de décision sont pour le moins nombreux entre Conseil, Commission, Présidence tournante et Parlement on tend à s’y perdre dans le « qui fait quoi ? ». Il n’y a que depuis quelques années qu’une prise de conscience émerge à Bruxelles quant à la nécessité de se doter d’outils de veille et de contrôle des investissements étrangers et de sanction des ruptures de loyauté concurrentielles permettant de répondre efficacement à des actions qui, il y a encore quelques années, seraient passées sans réaction.

Ce rôle à renforcer et structurer de l’Union européenne force est de constater qu’il est ignoré par les principaux candidats à l’élection présidentielle. Pour la plupart ils sont bercés par une rhétorique qui tend à faire de l’Europe et de ses lourdeurs la source de tous nos problèmes nationaux. Ajoutons l’idée bien ancrée que le bouclier américain est intangible et le sujet Europe n’en devient plus un.

Des Républicains à l’extrême droite, l’Union européenne est vue comme un repoussoir au pire et un sujet invisible au mieux, même Michel Barnier a cru bon de tenir des propos contraires à ses engagements passés pour tenter de complaire aux membres de son parti. Pour Le France Insoumise, les communistes et une grande partie des écologistes, l’Union européenne n’est pas un sujet premier, on peut en dire autant pour ce qu’il reste des socialistes. Immigration, santé, éducation, sécurité, nucléaire, inflation… autant de sujets autocentrés qui mobilisent et tendent à faire oublier le reste.

Il est bien seul, avec le Modem, le président Macron pour porter une ambition européenne comme réponse aux enjeux politiques et économiques des années à venir. Des années où il faudra bien prendre conscience que les États-Unis sont certes un allié, mais qui privilégiera toujours son intérêt propre, ce qui nécessite de ne jamais baisser sa garde et de se doter des outils juridiques, militaires, financiers et économiques en rapport.
 
 
 
 
 
 


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