Journal de l'économie

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Les années Covid ? Pas si mal finalement. Et après ?





Le 3 Juillet 2022, par Philippe Cahen

Les années Covid sont ancrées dans nos mémoires. Sont-elles conformes à ce qu’elles furent ?
« On ne sait ce qu’aura été le futur que lorsqu’il est passé ». Cette lapalissade rappelle que la prospective n’est pas une certitude. Pendant les années Covid, chacun y allait de son signal faible pour annoncer un effondrement économique, des troubles sociaux, une hécatombe de morts. La vérité – à ce que l’on peut en juger à l’été 2022 – est toute autre avec l’Ukraine et des famines potentielles.


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L’épidémie de Covid

L’épidémie de Covid c’est d’abord le nombreux mort, mais moins que prévu selon l’Insee à fin 2021 avec une surmortalité de 95 000 (soit de l’ordre de +7,5 %) au lieu de 130/146 000. Le nombre reste important et il dépassera sans doute les 100 000, mais il a touché pour l’essentiel des plus de 80 ans affaiblis. Pour l’essentiel… car malheureusement il y a des morts « jeunes » incompréhensibles. Il faut dire que les confinements successifs et surtout le premier ont été un choc psychologique important : le cinéma de Hollywood était passé dans le quotidien ! La génération des « 20 ans en 2020 » a été durement affectée.

Pour de nombreuses personnes, la Covid n’est pas terminée par ce que l’on appelle la Covid longue. Et fin juin 2022 la 7e vague est en route. De 20/30 morts/jour début juin, on en est à 50/jour début juillet. En revanche, l’État ne prend pas pour l’instant de position autoritaire, c’est à chacun de se protéger et de protéger l’autre.

2020, une année paradoxale

On annonçait dès mars 2020 une crise économique pire que celle de 1928. Les pronostics les plus noirs étaient annoncés. Or s’il est impressionnant de constater que près des deux tiers des humains furent confinés en quasi même temps, et si pour de nombreuses activités ce fut une année blanche (transport, tourisme et culture, événementiel, foires et salons…), 2020 fut une année charnière positive dans le numérique et ses déclinaisons. On dit que le télétravail, le e-commerce, le téléenseignement, la télémédecine ont gagné 3 ans en 3 mois. Ce qui était inimaginable en février 2020 se réalisait en mars 2020, certes avec ses imperfections, mais fonctionnait globalement. Le « test and try » s’est réalisé de fait et non pas avec des mois, voire des années de conciliabules. Faire une « visio » est courant en entreprise comme en médecine ou en enseignement… ou même à la télévision.

Des mesures sociales et économiques ont été prises dans de très nombreux pays y compris les États-Unis de Trump ! L’indemnisation du travail/chômage partiel, voire du non-travail a été la règle. Les familles les plus modestes ont bénéficié d’aides financières. Les prêts garantis pas l’état (PGE) ont évité les faillites, notamment pour les entreprises dites « zombies », en survie !

Et puis, la réaction médicale a été forte.

D’une part avec les confinements qui ont été des décisions abruptes pour limiter l’expansion de la maladie et surtout protéger autant que faire se peut les personnes fragiles. On n’ose pas imaginer ce que l’absence de confinement aurait développé, notamment pour le premier confinement, car nous connaissions peu le comment de la contagion. Cela rappelle à sa manière les premières années SIDA où l’on ignorait tout de la contagion. La Suède n’a pas pratiqué de confinement ni de port du masque obligatoire, elle est en queue de la Scandinavie pour le nombre de morts. Notablement, aucun pays au monde n’a été LA référence absolue que ce soit en prévention ou en vaccination. Le vaccin est arrivé rapidement par Moderna et BioNTech, en moins d’un an il a été opérationnel, ce qui tient du prodige. Certes, il n’a pas évité la maladie et il n’a pas été adapté au variant Omicron de début 2022. Il a sans aucun doute évité de très nombreux morts.

Mais rien de ce qui a été imaginé sur le plan économique et social n’a eu lieu. 2020 fut une année particulière et pour certains une année blanche. Les statistiques de 2021 ou 2022 prennent 2019 comme référent.

Paradoxalement, pour certains, 2020 fut une année excellente. Le e-commerce comme le commerce de proximité, certaines entreprises se sont concentrées sur la production, voire certaines activités comme l’entretien des immeubles : une fuite d’eau n’est pas confinée. Netflix et Disney + sont devenus des références de loisirs tandis qu’en 2021 le cinéma et le théâtre perdaient la moitié de ses fidèles, le tiers début 2022. Et certains, grâce au télétravail (pour les entreprises de service) ou la télémédecine n’ont pas arrêté de travailler.

2021, une excellente année

En revanche, 2021 fut une année excellente notamment pour rattraper le temps perdu à tel point que le chômage est tombé au plus bas dans de nombreux pays et l’embauche est devenue le principal souci des entreprises. Ce sont des ruptures d’approvisionnement liées à des incendies, des inondations, des manques de conteneurs, des ports encombrés, qui ont été des freins à l’activité mondiale. Sur le dernier trimestre 21, toutes ces ruptures d’approvisionnements et les accidents climatiques ont rompu la reprise en marche et fait perdre la référence du « juste à temps ». Le prix du pétrole a grimpé, les prix agricoles aussi (café, céréales, sucre, jus d'orange) comme ceux des matières premières de la transition énergétique (lithium, cuivre, cobalt, nickel, etc.).

Début 2022 dans l’accélération de fin 2021

Et puis le 24 février 2022 débute l’envahissement de l’Ukraine par la Russie. Le réveil d’inflation de fin 2021, devient un bond aux environ de 10 %, habitués que nous étions à +1,5 % l’an. Le pétrole passe de 80 $ le baril au 1er janvier à 110 $ au 1er juillet. Par manque de gaz ou de pétrole, les centrales à charbon sont remises en activité en Europe. La transition énergétique prend un sale coup.

Et parallèlement, le ralentissement ne se fait pas encore sentir au début du second semestre 2022. Les entreprises ne trouvent pas les salariés compétents à tel point qu’en bac pro, les élèves désertent, assurés de travailler dans de bonnes conditions. Les écoles ont des taux d’emploi à 90 % 6 mois après la sortie des élèves. L’entreprise se trouve face à un candidat à l’embauche qui peut avoir 6 (six) propositions d’embauche. Des entreprises tournent au ralenti (des commerces ferment) par manque de personnel. Les hausses de prix référentes sont acceptées par les fournisseurs. Moins par le grand public…

Finalement qu’auront apporté les années COVID ?

Les années Covid ont été un bouleversement de comportement, mais hors la culture, les habitudes sont revenues peut-on affirmer au début de l’été 2022. Mais la conclusion viendra plus tard, car globalement de nouvelles habitudes se sont développées et le contexte politique et social, en France comme ailleurs, a basculé sur d’autres repères. « On ne sait ce qu’aura été le futur que lorsqu’il est passé »… et encore faut-il un certain temps.

À ce jour, les années Covid sont marquées par 4 orientations contradictoires qui impactent les années futures :
 
  1. La plus grande pandémie mondiale depuis un siècle, depuis la grippe « espagnole » de 1918-1920, révèle la faiblesse du monde qui pensait en être définitivement épargné. Ainsi, on ne sait pas ce que peut devenir la « variole du singe » dont la croissance de contaminés est significative (500 cas en France au 30 juin 22). Par ailleurs, les pandémies animales deviennent de plus en plus nombreuses et fréquentes comme la grippe aviaire ou la peste porcine. Notre monde n’est pas épargné par la maladie malgré les progrès extraordinaires de la recherche. Au contraire, il semble de plus en plus fragile.
     
  2. Après le 11 septembre 2001, le 24 février 2022 (envahissement de l’Ukraine par la Russie, membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU) est un choc sur l’ordre établi depuis 1945. Le monde de demain devient encore plus fragile. La diffusion de l’arme nucléaire dans des États et dans des groupes terroristes est un danger réel après le bluff des dictatures qui brisent ou menacent les frontières. Le déséquilibre par la menace armée est quotidien.
     
  3. La crise climatique qui impacte le vivant, faune (dont l’Homme) et flore en danger immédiat passe au second plan et par ailleurs suggère des méthodes contradictoires (transition énergétique) par exemple en stoppant l’extraction des sources d’énergie carbonées et en augmentant l’extraction des matériaux du sol alors que c’est un changement de mode de vie qu’il faut créer et surtout convaincre. Pourtant, les appels à la frugalité se multiplient.
     
  4. Si le solutionnisme est mal vu des écologistes, il a prouvé lors de la crise Covid qu’il apporte des réponses positives rapides et que les évolutions technologiques sont des plus en plus nombreuses et concernent tous les domaines tout en améliorant la vie de l’Homme sur Terre. Mais il contribue à l’épuisement des ressources de la Terre. Le mot « progrès » disparait du langage et des revendications.
     
Nous sommes donc dans un temps de transition que les années Covid n’ont fait qu’accélérer et bousculer. Paradoxalement, l’épidémie de Covid aura été une bonne période, un bon provocateur pour construire le monde de demain.
Reste à imaginer ce monde de demain au moins autour des 4 orientations contradictoires suggérées ci-dessus.

Je repars en plongée…
 
Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles », éd. Kawa

 


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