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Les chefs-d’œuvre du musée de Capodimonte au Louvre, un dialogue fructueux





Le 28 Juin 2023, par Christine de Langle

Au Louvre vient de s’ouvrir « Naples à Paris », une exposition consacrée aux chefs d’œuvre du musée de Capodimonte à Naples. Loin des salles sous pyramide réservées aux expositions temporaires, les chefs-d’œuvre du musée napolitain ont investi les collections permanentes du musée pour une confrontation passionnante. Exposition qui émerveille par la qualité des œuvres présentées et nourrit la recherche scientifique.


Masaccio, La Crucifixion.1426. Tempera et or sur panneau, 83 x 63 cm. Museo e Real Bosco di Capodimonte  © Luciano Romano
Masaccio, La Crucifixion.1426. Tempera et or sur panneau, 83 x 63 cm. Museo e Real Bosco di Capodimonte © Luciano Romano
Deux collections de peinture italienne qui dialoguent

Avant de fermer ses portes à l’automne 2023 pour une grande rénovation, le musée de Capodimonte est invité par le Louvre à investir la Grande Galerie, lieu emblématique du musée consacré à la peinture italienne du XVe au XVIIe siècle. Avant sa rénovation prévue en 2025, c’est un coup de projecteur sur un espace souvent négligé par les visiteurs trop pressés de rejoindre la salle de la Joconde.

Le Louvre saisit cette occasion unique de revisiter ses collections dans un dialogue riche d’enseignements avec son homologue napolitain. À chacun son histoire, le Louvre hérite des goûts des rois de France, des collectionneurs aristocratiques et des saisies révolutionnaires. Ses collections de peinture italienne donnent la priorité aux lignes classiques et à la peinture claire de Rome ou Bologne et au coloris de Venise. Raphaël, Carrache, Corrège ou TItien sont bien représentés. Le musée de Capodimonte a été construit par Charles de Bourbon quand il devient roi de Naples en 1734. Ce sont les collections du royaume de Naples issu de trois dynasties, Farnèse, Bourbon et Bonaparte-Murat.

Giovanni Bellini, La Transfiguration. Vers 1478-1479. Huile sur panneau, 115 x 152 cm. Museo e Real Bosco di Capodimonte. Per gentile concessione del MIC-Ministero della Cultura, Museo e Real Bosco di Capodimonte
Giovanni Bellini, La Transfiguration. Vers 1478-1479. Huile sur panneau, 115 x 152 cm. Museo e Real Bosco di Capodimonte. Per gentile concessione del MIC-Ministero della Cultura, Museo e Real Bosco di Capodimonte
Un parcours de chefs-d’œuvre dans les salles du Louvre

Signalées par des cartels rouges, les œuvres de Capodimonte voisinent avec les œuvres du Louvre. Chacun est invité à contempler et découvrir les raisons de ces rapprochements.

Le parcours commence dans le Salon Carré consacré à la peinture italienne du XIVe et début du XVe siècle. Masolino et Masaccio, ces peintres malheureusement absents des collections nationales, démontrent la modernité de la Renaissance à Florence par une mise en place d’un espace rationnel, la vision rigoureuse de la figure humaine et une perspective audacieuse.

Titien, Danaé. 1544-1545. Huile sur toile, 120 x 172 cm. Museo e Real Bosco di Capodimonte Per gentile concessione del MIC-Ministero della Cultura, Museo e Real Bosco di Capodimonte
Titien, Danaé. 1544-1545. Huile sur toile, 120 x 172 cm. Museo e Real Bosco di Capodimonte Per gentile concessione del MIC-Ministero della Cultura, Museo e Real Bosco di Capodimonte
La Crucifixion peinte par Masaccio en 1426 pour orner la partie supérieure d’un retable montre une des premières tentatives pour rendre la vision perspective « di sotto in su » (en contre-plongée). Puis dans la Grande Galerie, se côtoient les œuvres de Mantegna, artiste féru d’art antique (un des points forts des collections du Louvre) et de son beau-frère Giovanni Bellini qui fait chanter la couleur et cherche l’équilibre entre humain, divin et paysage (La Transfiguration de Capodimonte). En avançant dans la Grande Galerie, la peinture du XVIe siècle se déploie, c’est le grand siècle de Parme et de Venise, ses voluptueux coloris et sa lumière sensuelle avec le face à face de Danaé de Titien (Capodimonte), somptueux nu féminin qui inspirera Velasquez et Manet, avec Le Sommeil d’Antiope de Corrège (Louvre).

Corrège, Le Sommeil d'Antiope © RMN-Grand Palais (musée du Louvre), Franck Raux
Corrège, Le Sommeil d'Antiope © RMN-Grand Palais (musée du Louvre), Franck Raux
Un peu plus loin, le portrait de Baldassare Castiglione, diplomate et auteur du best-seller « L’homme de cour », peint par son ami Raphaël (Louvre) fait face au portrait de Galeazzo Sanvitale par Parmeggiano (Capodimonte) et non loin, un Portrait de jeune homme par le Rosso, peintre recruté par François Ier pour le décor de Fontainebleau. Ces trois portraits affirment autour de 1515-1525 les nouveaux acteurs de la Renaissance qui regardent leur interlocuteur avec fierté et profondeur.

Cette confrontation des deux collections permet aussi certaines remises en question en termes d’accrochage. Juseppe de Ribera a accompli l’essentiel de sa carrière à Naples; mais, né en Espagne, il est présenté au Louvre au sein de la peinture espagnole. La violence de son Apollon et Marsyas (Capodimonte) répond à celle du napolitain Luca Giordano traitant le même thème. Pour nombre de Français, la peinture italienne vue à travers les collections du Louvre se résume à un moment de perfection formelle issue du trio Raphaël-Léonard-Michel-Ange et ne devrait pas introduire cette violence crue à la limite du supportable qu’illustrent les œuvres de Ribera ou Artemisia Gentileschi (Judith décapitant Holopherne, Capodimonte). Faudrait-il donc reconsidérer la place de Ribera et l’inclure dans la peinture napolitaine ? La question se pose au sein du collège des conservateurs de ces collections.

Filippo Tagliolini, La Chute des Géants. 1785. Biscuit de porcelaine de la Real Fabbrica Ferdinandea. H. 162 cm. Museo e Real Bosco di Capodimonte © Luciano Romano
Filippo Tagliolini, La Chute des Géants. 1785. Biscuit de porcelaine de la Real Fabbrica Ferdinandea. H. 162 cm. Museo e Real Bosco di Capodimonte © Luciano Romano
Après cette traversée de la Grande Galerie, l’exposition se poursuit dans la Salle de la Chapelle (aile Sully) qui présente l’histoire de la collection Farnèse. Charles de Bourbon (1716-1788), premier roi Bourbon de Naples, hérite de la fabuleuse collection Farnèse par sa mère, dernière Farnèse et épouse du roi Philippe V d’Espagne. Cet homme des lumières donne à Naples un statut international, il construit de nombreux palais et manufactures et le premier opéra d’Italie, le théâtre de San Carlo. À côté des portraits de la famille Farnèse peints par Titien, Le Pape Paul III Farnèse et Le Pape Paul III Farnèse avec ses petits-fils, deux chefs-d’œuvre quittent Naples pour la première fois, La Cassette Farnèse, joyau de l’orfèvrerie d’apparat réalisé par un élève florentin de Benvenuto Cellini et La Chute des Géants, biscuit de porcelaine destiné à décorer le centre de table de la salle des banquets, exceptionnel par sa taille (1m 60 de haut) qui témoigne des fastes de la cour napolitaine à l’époque de Ferdinand de Bourbon créateur de la manufacture royale de porcelaine de Capodimonte dans le parc royal du même nom.

Raffaello Santi, dit Raphaël, Moïse devant le Buisson ardent. 1514, fusain et craie noire sur papier, piqué pour le transfert, 138 x140 cm. Museo e Real Bosco di Capodimonte. Per gentile concessione del MIC-Ministero della Cultura, Museo e Real Bosco di Capodimonte
Raffaello Santi, dit Raphaël, Moïse devant le Buisson ardent. 1514, fusain et craie noire sur papier, piqué pour le transfert, 138 x140 cm. Museo e Real Bosco di Capodimonte. Per gentile concessione del MIC-Ministero della Cultura, Museo e Real Bosco di Capodimonte
La dernière étape de l’exposition se tourne à l’étage supérieur, dans la Salle de l’Horloge. Cette salle est consacrée au dessin et la fragilité du support exige une exposition sous faible intensité lumineuse et un temps d’exposition restreint. Là encore la confrontation est exceptionnelle. Le Louvre propose un choix de cartons italiens créés en Italie centrale entre 1500 et 1550, et rarement exposés, face aux chefs-d’œuvre de Capodimonte, des cartons préparatoires aux fresques de Michel-Ange (un groupe de soldats de la Crucifixion de Saint-Pierre pour la chapelle Pauline au Vatican) et de Raphaël (Moïse se cachant la face devant le Buisson ardent pour la Chambre d’Héliodore, au Vatican). Ces cartons ou patrons étaient des dessins préparatoires à l’échelle de la peinture qui permettaient aux artistes de reporter leur composition sur le mur à décorer. À la Renaissance, ces « œuvres sans la couleur » deviennent des objets de collection très prisés.

Pour beaucoup de visiteurs, l’exposition est une découverte. Le musée de Capodimonte souvent ignoré des touristes français qui envahissent Naples et Pompéi recèle des trésors. Les quelques trente et une peintures exposées sont autant de chefs-d’œuvre qui « réveillent » les collections du Louvre. Ce dialogue fructueux entre les deux musées nourrit la proximité de deux villes des Lumières « Naples et Paris, les deux seules capitales » selon Stendhal.

Christine de Langle

Naples à Paris
Musée du Louvre, du 7 juin 2023 au 8 janvier 2024
(7 juin-25 septembre 2023, pour la salle de l’Horloge)
Naples, Palais royal de Capodimonte
Naples, Palais royal de Capodimonte


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