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Que disent les gilets jaunes ? Le décryptage de F-B Huyghe, spécialiste des phénomènes contestataires





Le 4 Décembre 2018, par François-Bernard Huyghe


On a souligné la spécificité du mouvement des gilets jaunes : souvent provinciaux auto-organisés, ouvriers et petits patrons mêlés, transidéologiques, sans chef ni parti, coordonnés sur les réseaux sociaux, n’ayant souvent jamais manifesté... Mais si l’on se rassemble, c’est pour dire. Or ici, pas de slogans scandés en chœur. Des Marseillaises spontanées. Des phrases qui reviennent.

Ils parlent d’eux d’abord. De ce qu’ils représentent : « Nous sommes le peuple » ou « la classe moyenne », « la France qui souffre et qui travaille ».

Ils veulent témoigner « Je voudrais payer un petit cadeau à mes enfants, m’offrir un restaurant avec mon mari », « Je suis en découvert le 15 », « Je ne peux pas me passer de la voiture », « Je ne peux pas m’en payer une nouvelle ».

Ils parlent des autres — les gouvernants, les élites, les journalistes, les bobos — mais pour leur dire ce qu’ils font et qui blesse : « ils ne nous écoutent pas », « Ils nous méprisent », « ils nous prennent pour des cons ». Voir cette manifestante — sur une vidéo virale — qui se met à genoux devant les CRS : « Nous sommes la Nation, nous sommes le peuple, nous sommes comme vous. Bon dieu, vous comprenez ? »

 

Disent-ils la vérité ? Cette parole d’en bas parle d’expériences et de douleurs vécues. Certes, sur les réseaux sociaux, circulent des photos mal datées — rattachant aux marches de novembre telle scène de brutalité policière ou telle foule sur une place, alors que les clichés datent d’un an ou plus. Il arrive aussi à une manifestante complaisamment filmée de tenir des propos délirants sur la constitution « périmée » ou sur Macron qui ne serait plus président. Mais, hors ces rumeurs de bistrot, guère encore de fake news, d’infox comme on est censé dire aujourd’hui.


Ceci rend d’autant plus paradoxal un petit incident. Lors de la manifestation du 24 novembre (celle où un ministre avait dit voir la peste brune remonter les Champs Élysées), circule soudain une « preuve » en ligne. Un vieux manifestant un peu ventripotent regarde la caméra et fait ce qui semble un salut nazi. La preuve ? Pas de chance : sur la bande-son originale, on entend un « Ave Macron » plus inspiré d’Astérix que d’Hitler. Parmi les comptes Twitter qui répandent le plus ce trucage avéré, celui de la rapporteuse LREM de la loi « manipulation de l’information » de novembre, Madame Moutchou. N’accablons pas l’arroseuse arrosée (quand la loi votée sera appliquée, en période électorale, le juge des référés pourra faire retirer une telle séquence) mais concluons modestement que même au ministère de la Vérité, on n’est pas à l’abri de l’illusion idéologique : remplacer le réel que l’on nie par celle que l’on souhaite.

 

F.B. Huyghe

Auteur de « Fake news La Manipulation en 2019 » VA Editions, 2019




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