Journal de l'économie

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Un temps de guerre… on y est…





Le 23 Février 2022, par Nicolas Lerègle

La décision récente du président Poutine d’annexer une partie de l’Ukraine après avoir mené en bateau des dirigeants occidentaux qui venaient discuter de paix avec lui est grave à plus d’un titre.


Un temps de guerre… on y est…

 Elle entérine un retour de la loi du plus fort comme mode de gestion des relations internationales. Certes cette règle de conduite n’avait jamais complètement disparu, mais la politique de la canonnière n’était plus mise en avant de la sorte depuis quelques décennies, surtout dans le monde occidental.

Elle témoigne du mépris que porte un chef d’État à l’égard de ses homologues qui, soufflant le chaud et le froid, pense être un fin stratège là où il n’est qu’un piètre, mais dangereux, mythomane. Ce mépris est aussi patent à l’égard de son peuple tenu à l’écart de ces décisions, mais aussi d’un gouvernement qui a affiché un soutien contraint qui n’honore pas celui qui en bénéficie.

Elle amène à s’interroger sur la politique de sécurité de l’Europe qui constate que l’OTAN n’est pas nécessairement la meilleure des choses et qu’une vraie défense européenne aurait été une bonne chose. Ceux qui depuis des décennies s’obstinaient à dénigrer l’Europe sous toutes ses coutures y compris ses ambitions militaires, depuis l’échec de la CED en 1954, peuvent, aujourd’hui, se mordre les doigts et se retrouver fort dépourvus lorsque la bise est venue (de l’Est).

Poutine est un originellement un kgbiste stalinien féru d’histoire. Il a parfaitement retenu et appris les leçons des années 30. Époque où les puissances occidentales tétanisées par un caporal devenu Chancelier ont laissé se démembrer la Tchécoslovaquie pour éviter une guerre. Aujourd’hui nous avons un colonel du KGB qui se rêve un destin de petit caporal allemand et qui part du postulat que tout ce qu’il entreprendra ne fera l’objet d’aucune réaction. Les sanctions économiques ne rentrent assurément pas dans son esprit comme étant des « sanctions » dignes d’intérêt. Elles n’affecteront qu’une partie de sa population et il pourra, en représailles, faire peser une arme énergétique d’une grande efficacité contre les pays dépendants de son pétrole ou de son gaz.

Poutine est, pathologiquement, intéressant comme sujet d’étude.
Son refus des règles du jeu est un trait de caractère dominant. Alternant à un moment les mandats de président et de Premier ministre pour, in fine, modifier à son avantage la constitution. Considérant que ses promesses et paroles ne valent que pour ceux qui y apportent crédit il poursuit un seul et même objectif la reconstitution d’une Russie impériale ou impérialiste on a le choix de l’adjectif.

Son souci d’apparaitre comme une victime est aussi marquant, à écouter ses prises de parole la Russie est constamment menacée et sur le point d’être attaquée. C’est une vieille antienne qui s’est traduite dans le passé par la constitution d’un glacis de nations sous influence, rideau de fer ou pacte de Varsovie en étant les avatars récents. Cette obsession est toujours présente et justifie en grande partie la situation actuelle.
Son refus de toute opposition est renforcé par un refus de toute contradiction, reprenant en cela les codes gouvernementaux de Staline. Staline avait professé qu’il fallait mieux être entouré d’idiots serviles que de personnalités trop intelligentes qui pouvaient avoir des idées et devenir des rivales. Poutine ne fait pas autre chose que son prédécesseur – ou qu’Hitler soit dit en passant – y compris dans l’attention portée à l’Ukraine qui, dans les années 1932/1933, s’est traduite par le génocide par la faim de cette population, l’Holodomor.

Le choix des mots utilisés fleure bon aussi les années 30 ou celles de la guerre froide. On parle de génocide, de rattachement d’une minorité, de territoires arrachés qu’il convient de récupérer, d’un libre arbitre qui n’est que de façade, de traités de paix et d’amitié, de colonialisme, d’opposition idéologique et culturelle. Répondre à cette sémantique par des déclarations d’apaisement et de quête de paix n’est, hélas, pas toujours la bonne approche.

La mise en scène des rencontres et autres interventions n’est pas non plus sans rappeler ce qui se faisait il y a 80 ans. Des salles majestueuses et marbrées, des collaborateurs serviles, une relation qui transforme un entretien en marque d’allégeance ou de défiance selon l’interlocuteur. Cela doit être ce côté grandiloquent qui a séduit D. Trump qui a approuvé la stratégie du Kremlin.
Il est excessif de faire grief à E. Macron d’avoir été à Moscou essayé de convaincre son interlocuteur et d’avoir cru en sa parole ou engagements.

Que ceux qui lui jettent la pierre énoncent leurs idées ! Qui a envie d’aller se faire tuer pour Kiev, Donetsk ou Lougansk ? Qui est même disposé à payer plus cher son gaz ou son essence pour adresser un message « fort » à Poutine en privant la Russie de ses débouchés énergétiques occidentaux ? Après tout gagner une guerre contre la Russie n’est pas une évidence acquise ! Alors oui on peut couper les financements, interdire de déplacement des dirigeants, bloquer des avoirs judicieusement placés à l’étranger… mais il faut être conscient que ces dispositions sont des cautères sur des jambes de bois et que dans quelques mois cela sera « business as usual ».

Poutine raisonne comme Hitler, persuadé que rien ne pourra l’arrêter et surtout pas des puissances qui, pense-t-il, ont plus à perdre qu’à gagner d’une confrontation directe avec lui. Le calcul n’est pas complètement faux. Il faut donc qu’entre aujourd’hui et « demain » la France et l’Europe renforcent considérablement leurs capacités militaires dissuasives en application d’un principe qui a été un peu oublié « civis pacem para bellum ».

Enfin, on peut craindre que la crise actuelle soit un exemple pour un autre dictateur, le président Xi par exemple, qui lorgne sur Taiwan comme Poutine sur l’Ukraine. Une réplique n’est donc pas à exclure.
En tout cas ce matin la Russie a décidé d’occuper l’Ukraine une sorte d’Anschluss en somme.
 


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