Journal de l'économie

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Violence policière est fait divers





Le 30 Novembre 2020, par Nicolas Lerègle

Le débat sur les violences policières a repris force et vigueur au cours des dernières semaines, illustré qu’il a été par des images qui sont, de visu, peu compatibles avec l’image que nous souhaitons avoir des forces de maintien de l’ordre. Si on est pessimiste, on peut dire que, naturellement, les forces de l’ordre sont conçues comme des organes de répression au service d’un pouvoir politique naturellement autoritaire.


Image Pxhere
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Si on est optimiste, il est possible d’avoir une vision probabiliste et admettre que de temps à autre des interventions peuvent déraper et qu’hélas il y a toujours quelqu’un pour être là au mauvais endroit et au mauvais moment. On peut enfin être statistique et admettre que sur les 300 000 membres de forces de l’ordre, police et gendarmerie, il y a nécessairement quelques % de crapules, d’abrutis, de racistes, d’antisémites, d’extrémistes fachos ou gauchos qui passent entre les mailles du filet et qui se révèlent à certaines occasions oubliant, et c’est tant mieux, que dans notre monde actuel tout est filmé et diffusé.

Il est évident que la vérité n’est pas aussi simpliste et combine un ensemble de facteurs dont la violente expression pour choquante qu’elle soit n’en est pas moins exceptionnelle dans ses occurrences et récurrences.

De tels événements sont l’occasion pour des politiques, certains avocats et acteurs de la société civile de s’insurger et de réclamer des sanctions, des réformes, des refontes…pour les hommes ou de l’institution concernée. Il est difficile dans le moment de l’émotion de ne pas y souscrire, comme on souscrit à toutes mesures prises sous le coup d’une sidération avec le risque de s’apercevoir peu de temps après qu’elles peuvent avoir plus d’effets négatifs que positifs.
Au cas d’espèce si les sanctions peuvent s’avérer indispensables tant les comportements incriminés débordent de tout cadre et ignorent toute conscience professionnelle il s’agit surtout de s’interroger sur la sélection à l’entrée, la formation, initiale et continue des forces de l’ordre (apparemment la gendarmerie semble moins confrontée à ce type d’excès ce qui devrait interroger voire inspirer) et sur l’organisation des organes d’investigation et de contrôle des forces de l’ordre.

Les policiers sont comme les médecins, formés pour répondre à des situations de détresse et d’urgence ils sont animés d’une vocation qui les a fait choisir cet engagement au service des autres et de la société, ils sont confrontés à des cas reflétant des errements de comportements et leurs conséquences tant sur les corps que les âmes ou la société. Ils sont appelés quand cela ne va pas et non quand tout va bien. On attend d’eux qu’ils posent un diagnostic de situation et proposent des solutions en application du principe que le remède ne doit pas être pire que le mal.

Pendant longtemps les médecins ont été formés dans la désaffectation par rapport aux patients. Il leur était demandé de connaitre le fonctionnement du corps humain, d’identifier les problèmes de celui-ci et de les résoudre par des prescriptions idoines ou des gestes techniques, chirurgicaux essentiellement. La douleur physique ou psychologique sans parler de la mort a longtemps été les grandes absentes de leur formation. La douleur était un marqueur qui avait son utilité, la mort signifiait un échec donc il convenait de se désintéresser. Et puis la société et les patients ont changé. Le traitement de la douleur a progressé de façon spectaculaire la morphine et ses dérivés n’ont plus été vus comme des drogues dont il fallait se dispenser, mais comme des antalgiques dont l’usage est laissé, via une pompe, à la libre discrétion des patients. Quant à la mort les unités de soins palliatifs ont démontré leur utilité tant pour le patient que ses proches, on ne guérit pas de la mort, mais on la gère. A tout cela les médecins ont été formés, et cela ne s’est pas fait en un jour, et il reste encore des progrès à faire, mais la profession a su s’engager dans cette voie.

Les policiers sont à leur manière des médecins qui n’ont pas encore été formés à identifier et maitriser les nombreuses pathologies comportementales qui ont été identifiées dans nos sociétés. Les réseaux sociaux, la diversité ethnique, une évolution de l’expression populaire, une modification des rapports à l’autorité, aux gouvernants et au politique, les attentes éthiques…autant de phénomènes de société qui nécessitent une réelle formation pour les appréhender, ce qui est le travail des politiques – et parfois ils n’y arrivent eux-mêmes pas – et traiter leurs débordements hors-la-loi au sens littéral et non polémique du terme, ce qui est le travail des forces de l’ordre. Introduire dans la formation des policiers plus de temps pour mieux cerner leur environnement, sociétal comme humain, et développer une éthique qui dépasse la simple mission de faire respecter le droit est une véritable nécessité.

Il n’appartient peut-être pas aux seules écoles de formation des policiers, de tous grades, de réaliser ce travail et il serait peut-être bon d’y associer encore plus et pour des cycles plus approfondis tout un panel d’acteurs de la société la formation des forces de l’ordre réponde réellement aux attentes d’une société qui souhaite évoluer dans un environnement sécurisé et pacifié. Ils pourraient aussi être associés aux investigations menées par les Inspection Générale en charge de ces questions. En somme que les « bœufs/carottes » ancienne mode soient assaisonnés des saveurs d’aujourd’hui cela ne peut que rendre les choses plus digestes.

Les manifestations qui se sont déroulées samedi 28 novembre témoignent d’une aspiration pour défendre des libertés que trop aisément on croit menacées, mais aussi de la réalité d’une violence sociale qui est tout aussi dangereuse pour notre société. Qu’une quarantaine de policiers soient blessés, parfois gravement, par des « black bloc » qui dégradent aussi allégrement la voie publique et mobiliers urbains et voitures me semblent légitimer des manifestations de soutien de même nature que celles nées du tabassage d’un producteur de musique par quatre excités malheureusement en uniformes. Certaines violences policières ne sont au fond que des faits divers et non des faits institutionnels ou de société, il faudrait peut-être le dire et les sanctionner comme telles cela sera déjà bien.
 



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