Journal de l'économie

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Altius (la bêtise), citius (le spectateur qui s’échappe), fortius (le maintien de l’ordre).





Le 1 Juin 2022, par Nicolas Lerègle

La gestion sécuritaire de la finale de la Ligue des Champions le 28 juin dernier en a laissé plus d’un perplexe. Merveilleux condensé en somme des errements de notre société.


Altius (la bêtise), citius (le spectateur qui s’échappe), fortius (le maintien de l’ordre).
Des syndicats qui décident de lancer un mouvement de grève des transports, façon de mettre en œuvre le principe de l’emmerdement maximum. Des organisateurs qui ont donné le sentiment d’être surpris par l’affluence et dépassés par les événements. Il est peut-être avéré que la capacité du stade leur était inconnue et que le chiffre de 80 000 personnes venant assister à un match de cette importance était inattendu. Des forces de sécurité qui considèrent, encore, tout supporter, surtout s’il est britannique, comme un dangereux hooligan qui mérite matraque et gaz lacrymogène, et ce dès lors qu’ils sont à plus de deux constituant ainsi une bande organisée. Des politiques niant les évidences factuelles et se réfugiant derrière une solidarité corporatiste ou le silence accusateur, au détriment d’une approche réaliste des manquements et responsabilités qui ont engendré un tel gâchis de communication. Retour vers le futur des années 80/90/00 en somme.

Il ne s’agirait que d’un épiphénomène sans suite on pourrait s’en désintéresser, mais ce n’est pas le cas.
Les événements sportifs de cette nature sont bien plus que cela. Vitrine d’un pays et de sa capacité à les organiser ils sont aussi de formidables leviers économiques qui génèrent des recettes commerciales tout à fait significatives. Pour ceux qui se sont amusés à regarder sur les sites spécialisés les tarifs des chambres d’hôtel proposées ce week-end il valait mieux être assis pour apprécier les 2000 à 10 000 €/nuit demandés par certains établissements ! D’un autre côté à 3000 ou 5000 € la place les choses étaient proportionnées.

Toutefois y reprendra-t-on l’amateur de sport au moment de la coupe de monde de Rugby (2023) ou des Jeux olympiques (2024) aux enjeux se comptant en milliards d’€ d’investissements et de chiffres d’affaires potentiels ?
Il serait peut-être temps de considérer l’amateur de sport comme un consommateur lambda qui mérite non seulement le respect, mais aussi un environnement sécurisé et serein de son déplacement.
Nous en sommes assez loin et l’image de la France ne peut qu’en pâtir.

La sécurité économique qui est une des facettes de l’attractivité d’un pays n’est pas uniquement conçue pour plaire aux GAFA et autres entreprises perçues au travers de leurs capacités à créer des emplois. Elle est bien entendu un facteur qui concourt à l’attractivité d’un pays pour les entreprises en quête d’implantation, mais elle est aussi un élément de stabilité de leurs activités pour les entreprises déjà présentes sur le territoire et qui tirent parti de ce type d’événement. On ne peut pas dans le même temps se gargariser de la France première destination touristique mondiale et dans le même temps ne pas gérer un événement connu et prévu réunissant quelques milliers de personnes ou, dans un autre registre, empêcher les touristes de se faire dépouiller quand ils descendent de leurs bus à Saint-Denis en visite pour la basilique ! Cette sécurité participe au dynamisme économique d’un pays même si elle ne mobilise pas nos politiques, au moment des élections, autant que l’immigration ou la délinquance liée aux trafics de tous genres.

Il serait temps à un an ou deux ans d’événements sportifs majeurs qui vont occuper l’espace public pendant plusieurs semaines et drainer, espérons-le quand même, des centaines de milliers de personnes, de mener une redéfinition profonde des dispositifs sécuritaires qui vont être mis en place et des procédures d’intervention.

Il a y 15 ans dans le cadre de l’INHES j’avais participé à la rédaction d’un rapport en vue de trouver des solutions à la « violence dans le sport » – plus précisément dans les enceintes sportives et leurs abords. Le contexte n’avait rien à voir. Le hooliganisme était généralisé, les clubs de supporters dits « ultras » faisaient de la violence dans les stades et en dehors de ceux-ci un outil d’expression d’avant, pendant et après match, le rattachement à un club frisait le communautarisme d’appartenance clanique. Des mesures simples – grillages et filtrages – techniques, les caméras de surveillance, et humaines comme le bannissement des stades pour les plus récalcitrants ont permis de retourner au stade dans une ambiance familiale.

De ce que l’on a pu voir lors des reportages c’est aussi le côté familial des supporters, femmes, enfants, jeunes et vieux qui avaient déboursé des montants importants pour assister à un match et qui ne voulaient pas être privé de ce plaisir du fait d’une organisation défaillante et incompétente. Défaillante, car les questions de fausse billetterie se posent pour à peu près tous les événements d’ampleur du match de foot au concert de rock. Incompétente, car les supporters ne sont pas venus à 20 h 25 pour un match débutant à 20 h 30, ils avaient compris qu’ils n’allaient pas au cinéma, mais deux voire trois heures avant, en somme largement le temps de se préparer, d’identifier les problèmes, de les traiter et de mettre en place le dispositif de contrôle adéquat.

Nous sommes en 2022 il serait bon de se rappeler que ce sont des êtres humains qui vont venir en France et dépenser leur argent pour voir tel ou tel match ou épreuve olympique. Continuons comme cela dans l’inadaptation et la France n’organisera plus d’événements de cette ampleur. L’industrie du tourisme qui vit pleinement de ce type de manifestations aura assurément la gueule de bois qui se ressentira en % de PIB non gagné. Et pour nous, il restera juste l’excitation de la pizza/bière entre amis devant un écran plat.
 
 


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