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Le Conseil constitutionnel met à l’amende le forfait post-stationnement





Le 10 Septembre 2020, par Maître Frédéric Rose-Dulcina

Par une décision du 9 septembre 2020, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a jugé que l’absence de dérogation à l’obligation de payer le forfait post-stationnement avant de pouvoir le contester devant un juge est contraire à la Constitution.


Le Conseil constitutionnel met à l’amende le forfait post-stationnement
Voici une décision des Juges de la rue de Montpensier [1] qui devrait ravir de nombreux automobilistes qui n’auront plus besoin de payer préalablement leurs amendes de stationnement pour être entendus.
 
Selon l'article L.2333-87-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT), «la recevabilité du recours contentieux contre la décision rendue à l'issue du recours administratif préalable obligatoire et contre le titre exécutoire émis est subordonnée au paiement préalable du montant de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement et de la majoration prévue au IV de l'article L. 2333-87 si un titre exécutoire a été émis».
 
Autrement dit, ces dispositions du CGCT subordonnent la recevabilité des recours devant la commission du contentieux du stationnement payant au paiement préalable, par le redevable qui conteste la somme mise à sa charge, du montant du forfait de post-stationnement (FPS) et, le cas échéant, de la majoration dont il est assorti, sans prévoir aucune possibilité de dérogation.

Par une décision en date du 10 juin 2020 [2] , le Conseil d’Etat saisissait le Conseil Constitutionnel de la question suivante : l’article susvisé du CGCT porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment en ce que le législateur aurait, en ne prévoyant aucune exception à l'obligation de paiement préalable de l'avis de paiement ou du titre exécutoire, méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif ?
 
Il convient de répondre par l’affirmative selon le Conseil constitutionnel.
 
En effet, dans leur décision du 9 septembre 2020, les 9 Sages considèrent qu’il résulte de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen « qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ».
 
Or, les juges constitutionnels relèvent qu’en imposant ainsi que le forfait et la majoration soient acquittés avant de pouvoir les contester devant le juge, le législateur a entendu, dans un but de bonne administration de la justice, prévenir les recours dilatoires dans un contentieux exclusivement pécuniaire susceptible de concerner un très grand nombre de personnes.
 
Cependant, en premier lieu, si, conformément à l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales, le montant du forfait de post-stationnement ne peut excéder celui de la redevance due, aucune disposition législative ne garantit que la somme à payer pour contester des forfaits de post-stationnement et leur majoration éventuelle ne soit d'un montant trop élevé.
 
En second lieu, le législateur n'a apporté à l'exigence de paiement préalable desdits forfaits et majorations aucune exception tenant compte de certaines circonstances ou de la situation particulière de certains redevables.Dès lors, selon le Conseil constitutionnel, le législateur n'a pas prévu les garanties de nature à assurer que l'exigence de paiement préalable ne porte pas d'atteinte substantielle au droit d'exercer un recours juridictionnel effectif.
 
Les dispositions litigieuses doivent donc être déclarées contraires à la Constitution.
 
Cette déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L. 2333-87-5 du CGCT n’est pas réellement une surprise pour les spécialistes du droit. En effet, cette obligation de paiement du FPS ou du FPS majoré issue de l’article susvisé était régulièrement contestée.
 
Ainsi, en janvier 2020, Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, avait recommandé de supprimer cette obligation de paiement préalable [3]. Pour le Défenseur des droits, contester une amende de stationnement relevait en effet du "chemin de croix".
 
En page 36 de son rapport (au titre de sa recommandation 15), Jacques Toubon préconisait alors «la modification de l’article L 2333-87-5 du Code général des collectivités territoriales en supprimant le paiement du FPS ou du FPS majoré comme préalable à la saisine de la Commission du contentieux du stationnement payant ou de prévoir des exonérations pour certaines catégories de personnes sur le modèle de la consignation pénale : victimes de vol du véhicule, d’usurpation de plaque d’immatriculation, de cession de véhicule sous réserve de la production de la déclaration de cession du véhicule, personnes en situation de handicap exonérées de la redevance de stationnement, personnes vulnérables financièrement qui pourraient bénéficier de l’aide juridictionnelle devant le Conseil d’Etat et personnes en procédure de divorce ou de séparations de corps».
Sa recommandation pourtant très claire n’a pas été suivie d’effet, il aura fallu que le Conseil constitutionnel soit saisi d’une QPC pour que cette disposition soit enfin mise à l’amende.
 
Automobilistes, réjouissons-nous!
 
FREDERIC ROSE-DULCINA
LEX SQUARED AVOCATS
 
 
[1] Décision n°2020-855 QPC du 9 septembre 2020
[2] CE, 10 juin 2020, n°433276
[3] https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/ddd_rapport-fps_09-01-2020_accessible.pdf


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