Journal de l'économie

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Le bail commercial outil de la sécurité économique des entreprises ou comment Vauban rencontre Colbert.





Le 18 Mars 2020, par Nicolas Lerègle

L’immeuble est pour une entreprise à la fois sa citadelle protectrice mais aussi sa représentation connue et accessible de et par tous. Cette ambivalence n’est pas toujours simple à gérer, partagées que sont les entreprises entre le souci de préserver leurs personnels et leurs valeur-ajoutées mais aussi leur volonté de s’afficher en toute transparence pour s’implanter durablement sur leurs marchés de référence.


Le bail commercial outil de la sécurité économique des entreprises ou comment Vauban rencontre Colbert.
Cette dualité immobilière n’est pas toujours intégrée de façon satisfaisante quand il s’agit d’y incorporer des éléments de réflexion et de négociation qui sortent de la sphère juridico-immobilière à laquelle les négociations de baux sont souvent cantonnés.
Le bail commercial qui est, avec l’acquisition, l’outil le plus communément utilisé pour s’approprier des immeubles offre toutefois la souplesse nécessaire dans sa rédaction pour devenir un excellent support de la sécurité et de l’intelligence économiques d’une entreprise locataire. Encore faut-il y penser en amont et l’intégrer dans une rédaction qui est souvent convenue et limitée à son rapport relationnel entre un Bailleur et un Preneur plus qu’entre un Bailleur et un occupant effectif.

Le bail commercial est un « statut » donc un squelette fourni par le législateur et il appartient aux parties qui en discutent d’y apporter la chair et les atours qui vont lui permettre de prendre vie.
La prise à bail d’un immeuble n’est pas, loin de là, réductible à une simple action juridico-immobilière. L’engagement pris par l’entreprise s’inscrit dans la (longue) durée, a des conséquences financières lourdes et dresse les conditions du microcosme dans lequel vont évoluer les personnels d’une entreprise. Ce microcosme est d’ailleurs de plusieurs natures, un environnement immédiat du site retenu, les caractéristiques propres à celui-ci, le confort et la technicité des locaux choisis.

Tous ces aspects ont une dimension qui interfère directement avec les attentes et contraintes de sécurité économique des entreprises, du moins celles, encore trop rares, qui prennent en considération cet aspect.
Puis-je m’installer dans un environnement qui accueille déjà mes concurrents ou des sociétés susceptibles de développer à mon encontre des actions de recherche d’informations pouvant être déloyales ?
Est-il acceptable de partager des services communs, par exemple la restauration, avec des entreprises qui sont des concurrents ou plus simplement qui me sont inconnues mais qui auront néanmoins un accès facile à mes personnels ?
Me suis-je assuré que l’environnement urbain de l’immeuble sélectionné n’est pas porteur de risques pour l’intégrité physique de mes salariés, risques dont l’occurrence serait de nature à déstabiliser des salariés, entrainer des départs ou faciliter la fuite d’informations sans oublier les coûts souvent élevés des mesures de protection à mettre en place.
L’immeuble remplit-il son rôle de citadelle en me préservant de toute intrusion physique mais aussi en prévenant toute tentative technologique et informatique de piratage de mes réseaux et équipements ?
Ai-je bien intégré que les prestataires qui pourraient être amenés à intervenir pour assurer le bon fonctionnement du bâtiment et son entretien courant auront, en théorie, un accès facilité aux locaux à des horaires ou le contrôle des allers et venues ne sera pas le plus effectif ?

On le voit autant de questions qu’il convient mieux de se poser avant qu’après une prise à bail. Il est important de se rappeler que la négociation d’un bail n’est pas un carcan dans lequel serait enferré le locataire n’ayant comme marge de discussion que le loyer ou la durée de son contrat.

En application d’un principe de négociation bien connu qui peut se résumer en « demander n’appauvrit pas » il est important pour les entreprises d’intégrer dans leurs échanges avec un Bailleur les préoccupations de sécurité et de sûreté qui peuvent être les leurs.

On peut demander un droit de regard sur les futurs locataires d’un immeuble ou d’un site sur lequel on souhaite s’implanter et se donner un droit de refus éventuel.
On doit faire une analyse poussée de son environnement urbain futur pour s’assurer que celui-ci ne sera pas porteur de risques pour les salariés de son entreprise. Cette analyse ne doit pas être superficielle mais au contraire poussée et profonde pour connaitre au mieux le territoire dans lequel on étudie une implantation.
On peut améliorer les performances sécuritaires d’un immeuble – qui est rarement conçu et construit avec cette préoccupation – pour le rendre impénétrable aux intrusions informatiques et électroniques, mais aussi beaucoup moins sujet aux effractions et dégradations qui pourraient se produire.
Il faut s’interroger sur les conditions d’exploitation et de maintenance du bâtiment en se donnant la possibilité de prendre la main sur le choix des prestataires qui interviendront régulièrement ou ponctuellement.

Bien entendu les réponses et les discussions avec un Bailleur pour obtenir satisfaction ne seront pas gratuites et pourront se traduire par des charges supplémentaires. Maintenant pris en amont ces coûts sont généralement bien moindres que ceux qui seraient à assumer si l’entreprise était confrontée à un problème à résoudre dans l’urgence. Une étude de terrain et de voisinage coûte moins chère que le maitre-chien ou la navette qui pourraient être rendus nécessaires par une sous-estimation d’un risque de cette nature – sans parler d’un déménagement.

Le renforcement en amont de la sécurité informatique d’un bâtiment est moins onéreux que des travaux en aval dont les frais viendront s’ajouter à ceux engendrés par le problème les ayant rendus indispensables. Quelques €/m2/an en sus de charges d’exploitation et de maintenance ne sont pas grand-chose par rapport aux pertes qui seraient causées par un piratage en règle de l’entreprise par des agents d’entretien dont le pedigree n’aurait pas été sécurisé préalablement.

Du temps de Vauban le bail commercial n’existait pas mais Colbert, son contemporain, avait déjà théorisé l’importance de l’immeuble pour le développement économique du pays, et aux Citadelles de l’un ont répondu les Manufactures de l’autre. Aujourd’hui il en est toujours de même, l’immeuble, et le contrat qui permet de l’utiliser, participe bien à une logique de défense de l’entreprise car cet immeuble hier comme aujourd’hui est bien la citadelle et la manufacture  qui lui permettent de se protéger et de se développer.
 


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