Journal de l'économie

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Le touché où le miroir des sens





Le 4 Novembre 2023, par Nicolas Lerègle

Être tactile va devenir de plus en plus compliqué dans notre monde moderne.


Image Pexels
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Une passe de danse maladroite peut devenir un harcèlement sexuel, un baiser sur la bouche que n’auraient pas renié Leonid Brejnev et Erich Honecker devient une agression non consentie, une main posée sur un bras ou une cuisse se transforme en violence condamnable. Se toucher sans que cela soit apparenté à une lutte gréco-romaine est devenu au cours des dernières années une action répréhensible. C’est dommage, car entre touché et touché il peut y avoir un monde, celui qui sépare le geste empathique et compréhensif de celui qui n’est que vulgarité et outrance. 
 
Toucher est certes une façon de percer la bulle d’intimité qui protège chacun de nous, mais ce n’est point une agression pour autant. Au fond le sens qu’est le touché est aussi visuel que tactile. Ce sens sollicite autant les autres que sont le goût, la vue, l’ouïe, l’odorat. « On regarde avec les yeux » est souvent l’apostrophe de parents aux enfants qui veulent toucher ce qu’ils ont devant eux, avant de goûter ne dévore-t-on pas souvent le met avec les yeux et l’envie de mette son doigt dans la confiture ou la mousse au chocolat permet d’allier en un mouvement tous les sens que nous possédons.
 
C’est peut-être ce qu’a souhaité transmettre une artiste slave, Léla Migirov, qui expose encore et pour quelque temps encore ses œuvres dans le restaurant Françoise* sous l’esplanade des Invalides. Y aller permet d’allier tous les sens, y compris l’ouïe pour saisir au passage les propos de table des nombreux élus et politiques qui souhaitent se rencontrer dans la plus grande discrétion aux vues de tous.
 
Après tout ne résume-t-elle pas son œuvre par ces mots « Lorsque je peins, mes sens sont troublés et le désir de liberté à ce moment-là devient le cœur même de la création, dirigée sans direction prédéterminée. Pour moi, chaque création est une mélodie sans fin, une lumière, un mouvement de l’esprit et une tempête d’émotions évoquant des couleurs captivantes ».
 
Il y a des tourments dans cette œuvre souvent inspirée par les écrits de Kafka et comme avant d’être peintre Léla a été chirurgienne elle a une conscience épurée de ce qu’est l’être humain dans son enveloppe charnelle et ainsi faire de son « art un voyage émouvant à travers nos âmes dans le monde des émotions et de la complexité. Nous portons tous en nous, dans nos cœurs et nos têtes, et pour trouver l’harmonie, nous avons besoin d’amour, de rêves et de changements de paradigmes de temps en temps ».
 
Alors oui la peinture peut-être, autant que la sculpture, une incitation et une reconnaissance du « touché ». Van Gogh, Monet, Courbet, Boticelli et tant d’autres n’ont-ils pas donné envie de rentrer dans le tableau et de rencontrer le modèle voire de la toucher.
 
Plus prosaïquement ne pouvant réaliser ce rêve que n’aurait pas renié Lewis Caroll le touché, qui me sert de fil conducteur et qui se veut en résonance gustative avec les tableaux de Léla, se concrétise par la dégustation d’une vatrouchka (la meilleure de Paris à mon sens se trouve chez Gagnepain rue de Lourmel) je touche ainsi l’âme russe qui vaut beaucoup mieux que son actualité, le tout accompagné d’un verre de Passito di Pantelleria élevé par Carole Bouquet qui n’est pas étrangère, parfois, à mon envie de passer de l’autre côté de l’écran.
 
 
*le 15 novembre à 19h00 aura lieu à la Maison du Barreau 2 rue de Harlay 75001 Paris une conférence d’Alain ROCHER Professeur à l’Université de BORDEAUX Directeur d’étude émérite à l’Ecole Pratique des Hautes Études sur le thème " Comparaison entre Voltaire et Diderot dans leurs rapports à Catherine II " couplée à l’exposition d’œuvre de Léla MiIgirov (entrée libre)
 
 


Vitis & Volutes



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