Journal de l'économie

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Merci Donald !





Le 12 Janvier 2021, par Nicolas Lerègle

La fin de la présidence de Donald Trump ne serait que ridicule dans ses comportements si elle n’était pas aussi sérieuse dans ses enseignements.


Image Pixabay
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Qu’un président d’un État en vienne à contester les résultats d’une élection y voyant seul des fraudes qu’il attribue à ses opposants alors que traditionnellement c’est l’homme au pouvoir qui dispose des moyens et leviers pour frauder est déjà cocasse.

Que ce refus de la réalité l’amène à vouloir inverser les résultats et entraine dans le sillage de cette volonté des foules motivées représentatives de toutes les catégories sociales – il serait trop aisé de n’y voir que des abrutis désœuvrés – est pour le moins sidérant.

Que cette situation voit des élus installés et aspirant à de hautes responsabilités lui emboiter le pas de la contestation, pour des motivations plus politicardes que politiciennes, est inquiétant.

Que les réseaux sociaux et de nombreux médias en viennent à supprimer le compte d’un président voire à le censurer ou à l’écarter de leurs écrans, au vu des années passées, est juste hypocrite et interpellant.

Que nous apprend cet épiphénomène trumpien.

D’abord que D. Trump n’est pas un poète et n’aime pas René Char. Celui-ci avait écrit « un poète doit laisser des traces de son passage et non des preuves, car seules les traces font rêver ». Trump laissera des preuves de son passage et elles n’inciteront pas au rêve.

Ensuite que le vrai pouvoir propagandiste dépend d’un homme et de vecteurs de communications, or ces derniers peuvent être interrompus ad nutum sous n’importe quel prétexte et sans que cette décision privée puisse être contestée. À raison on peut parler de censure ou de scandale, mais à tort, croire que cela est illégitime et inadmissible. Une société privée d’information ou de communication conserve le droit de déterminer qui et comment peut s’exprimer dans ses supports sans avoir de compte à rendre. Le verbe de D.Trump tient sa force du fait qu’il était diffusé et accessible au plus grand nombre, sinon cela serait revenu pour lui à prêcher dans le désert.

Nous sommes donc les témoins d’une évolution profonde des réseaux sociaux, qui, tout à coup, dans un accès de lucidité, de prudence ou de lâcheté se sont mus de plateformes neutres en plateformes d’opinions. On conviendra que cela est tout à fait différent et amène à s’interroger sur le pouvoir qui est le leur dès lors qu’ils se donnent les moyens de décréter ce qui peut être ou non diffusé.

Cette situation est porteuse de risques. Celui d’accélérer notre entrée dans une société de l’information, une vraie, à savoir où toute activité serait dominée par la collecte, la détention et la diffusion de l’information. Les critères qui entoureront ces phases sont encore trop flous pour ne pas inquiéter, car, reposant sur des entreprises privées, il va être pour le moins complexe de mettre en place les outils et instances de contrôle, et de quel droit pourrions-nous ajouter, qui pourraient intervenir. Si un État se met en tête de contrôler les contenus de Twitter ou Facebook on évoquera un liberticide contrôle de l’information, s’il ne fait rien on y décèlera, au moins, une coupable négligence et si le média fait sa propre police on hurlera, selon ses opinions, à la censure ou à la raison. Les choses ne sont pas aisées et avec la finesse qui lui était coutumière pendant son mandat on peut d’une certaine façon remercier Donald Trump d’avoir jeté ce pavé dans la mare.

Cette société de l’information, qui se substitue à la société de consommation des années 70/80 puis à celle de l’informatisation, tend, si on n’y prend garde, vers « le meilleur des mondes » d’Huxley. On peut être vilipendé ou effacé avec la même aisance, exister ou disparaitre d’un simple clic, devenir un héros ou n’être qu’un paria, se voir déposséder de son identité ou constater la vente de parties de celle-ci, des datas, au profit d’entreprises commerciales…Facebook saura avant vous que vous souhaitez divorcer et un État totalitaire connaitra vos opinions et gestes en temps réel.

Cette même société de l’information est celle où certains mots doivent être bannis pour ne pas choquer des communautés. Où des œuvres littéraires, musicales, cinématographiques et autres pourraient se voir remiser aux oubliettes car ayant, au moment de leur création, omis de prendre en compte les us et mentalités de 2021. En un mot, une société où l’uniformisation sera la règle et celle-ci ne sera pas la nôtre, mais bien celle définie par les entreprises dominantes essentiellement américaines ou chinoises.

L’autre risque d’une attitude d’exclusion menée par les grands réseaux sociaux que nous connaissons aujourd’hui est de voir émerger des substituts qui pourraient, sans règles établies, diffuser les thèses et propos bannis habituellement en s’affranchissant de toutes contraintes d’identification ou de modération connues ailleurs. Les Qanon, Parler, 4chan et autres réseaux « complotistes » auront beau jeu de se parer des habits de la liberté d’expression outragée, muselée par une opinion dominante sans relief, et aller se réfugier dans un accueillant darkweb qui pourrait réellement faire du tort à nos sociétés. Churchill considérait qu’il fallait mieux avoir son ennemi dans la tente pour qu’il urine dehors, que le mettre dehors, et qu’il urine dans la tente… Peut-être que ce principe devrait guider les réflexions de ceux qui veulent encadrer, contrôler, censurer les utilisateurs des réseaux sociaux.

Merci Donald, donc et au revoir Mélania qui nous manquera certainement plus.
 



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