Repreneur interne versus repreneur externe
Les repreneurs potentiels se lancent souvent dans le processus de reprise avec un certain nombre de représentations individuelles (tolérance aux risques, relation à l'autre, mode d'engagement, système de valeurs), qui concernent à la fois l’entreprise recherchée et les ressources nécessaires au déroulement de l’opération. Ces représentations se sont façonnées dans le contexte familial (éducation, présence ou non de chefs d’entreprise dans la famille, influence du statut social des parents…) et au cours de l’expérience du repreneur (études, formation, parcours, situations de réussite ou d'échecs, rencontres avec des entrepreneurs…).
On peut d'ailleurs en matière de reprise d’entreprise, distinguer deux types de repreneurs. Le premier profil correspond au repreneur externe (salarié d’entreprise, manager en situation de changement, demandeur d’emploi), à la recherche d’une activité nouvelle, attractive ou rentables. Le second profil concerne le repreneur interne issu de l'entreprise étudiée, qui va reprendre l'activité dans le souci de contribuer au bien-être de sa famille (membre de la famille fondatrice) ou de son environnement (salarié).
Chacun des contextes évoqués (membre de la famille, anciens collaborateurs, investisseurs externes) va ainsi engendrer des motivations de nature différente et modifier la façon dont l'acheteur va aborder sa relation avec le cédant et le reste de l'organisation. En effet, l’environnement dans lequel évolue le repreneur potentiel est essentiel dans sa prise de décision, qu’il soit personnel, professionnel, global ou propre au projet de reprise.
Le passage à l’acte va dépendre d'événements qui se produisent à un moment donné. Par exemple, la reprise d’entreprise peut s’opérer à plusieurs moments de la vie d’une organisation : lors d'un redressement judiciaire, dans le cas d’un départ à la retraite, d’une succession, d'un décès (fondateur) ou à l’occasion d’une décision de désengagement d’un actionnaire ou d’un dirigeant. Le fait déclencheur de la reprise va alors entrer en résonance avec les antécédents de l'entrepreneur (histoire personnelle, croyances, valeurs…) et ses motivations profondes (quête de sens, ambition, aspirations…), pour que puisse s’opérer la décision de reprise.
De ce point de vue, la distinction entre le repreneur interne et le repreneur externe est intéressante à étudier car elle implique des motivations et des préoccupations sensiblement différentes pour l’acteur engagé dans le processus.
Le cas du repreneur interne
L'étude que nous avons menée (1) montrent que dans le cas de repreneurs internes, le sens des responsabilités, les besoins d'utilité et de reconnaissance dictent une partie du choix de l’individu à reprendre son entreprise. Le repreneur interne est avant tout motivé par un besoin de légitimer son action dans la continuité, en cherchant le soutien des autres membres de l’organisation. Le fait de devenir chef d’entreprise n’est donc pas sa préoccupation première. Il agit en premier lieu pour préserver l’indépendance et le patrimoine de l’entreprise et assurer la pérennité de l'activité (recherche de stabilité interne, fidélité à l'entreprise, cohésion du personnel).
Depuis quelques années, on assiste à un certain rajeunissement des repreneurs internes, puisque la grande majorité d'entre eux a moins de 35 ans. Les repreneurs internes interrogés ont généralement un niveau de formation inférieur ou égal au baccalauréat. Ils ont quitté leurs études souvent très tôt, aspirés par l'entreprise familiale, avec une éducation essentiellement orientée vers la gestion de l’entreprise familiale. La majorité des reprises concerne les fils (ou filles) de la famille, même si les enfants directement concernés, par la reprise sont de moins en moins les repreneurs, notamment dans certains secteurs traditionnels, où les perspectives de croissance sont faibles. On observe également la présence active de certains salariés des entreprises concernées (en particulier dans l’artisanat), qui peuvent trouver, dans la reprise de leur entreprise, un moyen d’accéder à une valorisation sociale. Certaines dispositions de la loi sur l’initiative économique sont d’ailleurs propices à favoriser la reprise de certaines sociétés par les salariés.
Le défi du repreneur interne, consiste généralement à consolider les équipes en place, renouveler le management, trouver de nouveaux marchés et surtout moderniser l’image de la société, tout en gardant son caractère authentique et spécifique.
Depuis quelques années, on assiste à un certain rajeunissement des repreneurs internes, puisque la grande majorité d'entre eux a moins de 35 ans. Les repreneurs internes interrogés ont généralement un niveau de formation inférieur ou égal au baccalauréat. Ils ont quitté leurs études souvent très tôt, aspirés par l'entreprise familiale, avec une éducation essentiellement orientée vers la gestion de l’entreprise familiale. La majorité des reprises concerne les fils (ou filles) de la famille, même si les enfants directement concernés, par la reprise sont de moins en moins les repreneurs, notamment dans certains secteurs traditionnels, où les perspectives de croissance sont faibles. On observe également la présence active de certains salariés des entreprises concernées (en particulier dans l’artisanat), qui peuvent trouver, dans la reprise de leur entreprise, un moyen d’accéder à une valorisation sociale. Certaines dispositions de la loi sur l’initiative économique sont d’ailleurs propices à favoriser la reprise de certaines sociétés par les salariés.
Le défi du repreneur interne, consiste généralement à consolider les équipes en place, renouveler le management, trouver de nouveaux marchés et surtout moderniser l’image de la société, tout en gardant son caractère authentique et spécifique.
Les repreneurs externes
A l’inverse, il semble que le sens du défi, le besoin individuel de réalisation (et d’accomplissement), les jeux de pouvoir constituent des éléments déterminants dans la prise de décision du repreneur externe. Ces repreneurs sont le plus souvent des personnes expérimentées dans le domaine de la production ou du commercial, avec des aptitudes pour la gestion. Elles ont généralement tendance à rechercher des entreprises du même secteur d’activité que celui où elles ont travaillé. Ces personnes sont, soit salariés ou chefs d’entreprise au moment de la reprise. Les acteurs concernés souhaitent souvent reprendre une société un peu plus grande, issue du même univers concurrentiel ou au contraire évoluer vers des secteurs considérés comme plus attractifs.
En matière de reprise d’entreprise, le fait à la fois de racheter une société existante et de diriger un groupe social déjà constitué demande des motivations personnelles qui vont au delà de la gestion de l'intérêt financier ou de la saisie d'opportunités: volonté de s'engager dans un projet collectif, besoin d'une forme d'indépendance, contrôle de sa destinée (locus of control), besoin de se réaliser...Naturellement, il existe aussi des raisons économiques qui peuvent conduire l'individu à recourir à ce type de transactions. Il peut s'agir de reprendre une entité économique, dans le but de la faire fonctionner en vue d'en dégager des revenus réguliers et de valoriser son capital financier. L’acquisition de ressources spécifiques joue également un rôle important dans la croissance externe des entreprises. Il est en effet parfois nécessaire pour un décideur de disposer rapidement de ressources spécifiques (compétences ou actifs), lui permettant de se doter d’un avantage distinctif. L’un des buts de la reprise d’entreprise peut aussi consister à prendre position sur des marchés nouveaux et porteurs ou d’étendre ses activités à de nouveaux domaines.
Chez les repreneurs externes, il y a donc en termes de motivations, une envie de changer d’univers, de se retrouver "intérieurement", en exploitant d’autres aspects de sa personnalité (vision stratégique, ambition managériale, légitimité charismatique, intelligence relationnelle...). Reprendre une entreprise est donc un défi avec soi-même, une remise en question, où le repreneur a l’impression de franchir une nouvelle étape dans son développement personnel et professionnel. Le souhait d'être libre, de diriger sa vie constituent par conséquent des éléments moteurs de son engagement, au même titre que l’envie de passer à autre chose, de se redécouvrir, de tisser de nouveaux liens. Cette démarche peut également être un substitut à la création d'une entreprise et revêtir un caractère stratégique, en cherchant à disposer à court terme d'une structure existante, stable et rentable.
Les cadres d’entreprise ou techniciens qualifiés sont souvent intéressés par la fonction de management, au sein d’entreprises généralement de 10 à 20 salariés et plus, pour des raisons personnelles (projet de vie) ou à la suite d’un licenciement. Pour mener à bien leur projet, ils ont souvent recours à des formations complémentaires, dans les domaines du management, de la gestion financière et du marketing. Nombre de candidats à la reprise sont, aujourd’hui titulaires de diplômes (bac à bac + 5) et ont une expérience de cadre supérieur. Contrairement aux cédants qui sont des professionnels de la branche connaissant bien le métier, les repreneurs de ces catégories d’entreprises sont plutôt des anciens gestionnaires et managers.
En matière de reprise d’entreprise, le fait à la fois de racheter une société existante et de diriger un groupe social déjà constitué demande des motivations personnelles qui vont au delà de la gestion de l'intérêt financier ou de la saisie d'opportunités: volonté de s'engager dans un projet collectif, besoin d'une forme d'indépendance, contrôle de sa destinée (locus of control), besoin de se réaliser...Naturellement, il existe aussi des raisons économiques qui peuvent conduire l'individu à recourir à ce type de transactions. Il peut s'agir de reprendre une entité économique, dans le but de la faire fonctionner en vue d'en dégager des revenus réguliers et de valoriser son capital financier. L’acquisition de ressources spécifiques joue également un rôle important dans la croissance externe des entreprises. Il est en effet parfois nécessaire pour un décideur de disposer rapidement de ressources spécifiques (compétences ou actifs), lui permettant de se doter d’un avantage distinctif. L’un des buts de la reprise d’entreprise peut aussi consister à prendre position sur des marchés nouveaux et porteurs ou d’étendre ses activités à de nouveaux domaines.
Chez les repreneurs externes, il y a donc en termes de motivations, une envie de changer d’univers, de se retrouver "intérieurement", en exploitant d’autres aspects de sa personnalité (vision stratégique, ambition managériale, légitimité charismatique, intelligence relationnelle...). Reprendre une entreprise est donc un défi avec soi-même, une remise en question, où le repreneur a l’impression de franchir une nouvelle étape dans son développement personnel et professionnel. Le souhait d'être libre, de diriger sa vie constituent par conséquent des éléments moteurs de son engagement, au même titre que l’envie de passer à autre chose, de se redécouvrir, de tisser de nouveaux liens. Cette démarche peut également être un substitut à la création d'une entreprise et revêtir un caractère stratégique, en cherchant à disposer à court terme d'une structure existante, stable et rentable.
Les cadres d’entreprise ou techniciens qualifiés sont souvent intéressés par la fonction de management, au sein d’entreprises généralement de 10 à 20 salariés et plus, pour des raisons personnelles (projet de vie) ou à la suite d’un licenciement. Pour mener à bien leur projet, ils ont souvent recours à des formations complémentaires, dans les domaines du management, de la gestion financière et du marketing. Nombre de candidats à la reprise sont, aujourd’hui titulaires de diplômes (bac à bac + 5) et ont une expérience de cadre supérieur. Contrairement aux cédants qui sont des professionnels de la branche connaissant bien le métier, les repreneurs de ces catégories d’entreprises sont plutôt des anciens gestionnaires et managers.
Conclusion
Les transmissions et reprises d’entreprises constituent des opérations complexes qui peuvent se solder par des échecs, entrainant la perte d’activités économiques pourtant viables et la destruction d'emplois initialement créés. La reprise d'entreprise permet ainsi à des acteurs économiques issus de l'entreprise concernée ou d'une autre entité, d'éviter de passer par la création pure et simple d'une activité, en devenant dirigeant et propriétaire de l'entreprise rachetée. Mais avec l’arrivée d’un nouveau dirigeant propriétaire, si la reprise est achevée au plan financier, la légitimité du repreneur sur le plan opérationnel et relationnel est loin d’être acquise. Pour l’obtenir et être ainsi totalement reconnu, le repreneur doit encore accomplir un parcours l’amenant à faire la démonstration de ses capacités relationnelles et managériales. Il y a donc aussi bien chez le repreneur interne (en tant que "fils de" ou "ancien adjoint de") ou externe (en tant que membre extérieur à la firme), un décalage plus ou moins long entre son entrée physique et le moment où il sera en mesure d’exercer sa fonction patronale, de manière efficace. La reprise d'entreprise n'est donc pas une opération classique. Elle dépend du contexte (secteur d'activités, personnalité du cédant, expérience du repreneur) et des qualités propres du repreneur (histoire personnelle, croyances, valeurs, motivations, aspirations…), pour que puisse s’opérer dans de bonnes conditions la décision de reprendre l’entreprise cible.
Références
Baron, R. (1998), «Cognitive mechanisms in entrepreneurship : why and when entrepreneurs think differently than other people», Journal of Business venturing, vol 13 n°4, p. 275-284.
Baron R. (2004), «The cognitive perspective: a valuable tool for answering entrepreneuship’s basic “why” questions», Journal of Business venturing, vol 19, n°2, p. 221-239.
Baumert H. (1992), Succession dans la PME familiale, Paris, Les Editions d’Organisation, collection PME.
Lamarque Th. (2018), Reprendre une entreprise, Editions Maxima.
Meier O., Schier G. (2019), Fusions acquisitions, Editions Dunod. (1)
Meier O. (2018), Diagnostic stratégique, Editions Dunod. (2)
Meier O. et al. (2013), Transmission of Family Businesses in France, International Journal of Entrepreneurial Behaviour and Research, 19 (1), p.53-71.
Meier O., Schier G. (2008), Transmettre ou reprendre une entreprise, Editions Dunod.
Meier O. (2002), « Problèmes de succession dans les PME familiales : freins et résistance culturelle », Gestion 2000, n°4, juillet-août, p. 109-126.
Picard C., Thevenard-Puthod C. (2004), « La reprise de l’entreprise artisanale : spécificités du processus et conditions de sa réussite »", Revue Internationale PME, Vol 17 n°2, p. 94-121.
Picard C., Thevenard-Puthod C.(2006), « Confiance et défiance dans la reprise d’entreprises artisanales », Revue des Sciences de Gestion, n°216, p. 99-113.
Rollin M. (2017), Reprise / rachat d'entreprises, Editions Maxima.
Baron R. (2004), «The cognitive perspective: a valuable tool for answering entrepreneuship’s basic “why” questions», Journal of Business venturing, vol 19, n°2, p. 221-239.
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Rollin M. (2017), Reprise / rachat d'entreprises, Editions Maxima.
Note
(1) Etude menée auprès d’une soixantaine de dirigeants de PME PMI et TPE tous secteurs confondus, ayant repris une activité au cours des cinq dernières années.