Journal de l'économie

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Rêves et leçons made in USA





Le 12 Novembre 2020, par Nicolas Lerègle

L’« american dream » qui a bercé des générations n’est plus tout à fait le même que celui de nos aïeux. Le chewing-gum et le Coca-Cola ont été remplacés par Facebook ou Amazon et les alliées de l’OTAN ont cédé la place à un autant pour moi qui modifie les relations internationales autrefois faites d’alliances aujourd’hui dominées par l’égoïsme assumé. Ne nous y trompons pas le « selfish power » n’est pas né avec Trump, mais bien avec Obama, et Biden ne va assurément pas infléchir cette ligne directrice.


Sans être dans l’indifférence nous serons dans les différences affichées qui seront des lignes de partage ou de fracture, c’est selon, difficiles à surmonter. Obama en Libye ne différait pas de Trump et si la doctrine Monroe n’est pas encore brandie en étendard il n’en reste pas moins vrai qu’au gendarme du Monde, motivé par les droits de l’homme et le bien être de l’humanité, que l’on se prêtait à voir dans les États-Unis d’Amérique il y a maintenant un gendarme de leur monde. Confronté à de fortes fractures nationales héritées de son prédécesseur, on peut penser que Biden, question d’âge aussi, va surtout se recentrer sur son pays et accessoirement seulement s’investir sur la scène internationale, exception faite du champ économique qui, lui, suscitera toute son attention.

Une lecture cartographique des votes aux États-Unis d’Amérique est aussi une bonne leçon sur ce qui peut nous attendre en France. Les grandes villes ont voté Démocrates, faisant parfois basculer dans ce camp un État et ses grands électeurs, les campagnes ont donné leurs voix à Trump, et aux Républicains, lui assurant plus de 70 millions de suffrages au niveau national ce qui en aurait fait un beau perdant si son caractère n’était pas aussi atrabilaire. Ce clivage n’est pas anodin et se retrouve dans la plupart des pays occidentaux. Londres tend à être une Grande-Bretagne bis au sein du Royaume-Uni, en France Paris assumait une prééminence qu’elle partage aujourd’hui avec des métropoles régionales de plus en plus autonomes dans leur développement et influence. Dès lors les habitants des grandes villes, habitués à des services publics foisonnants et performants, à des accès à la culture, à l’éducation, à la santé ou au marché du travail plus aisés qu’ailleurs tendent à avoir des choix électoraux distincts de ceux des campagnes moins bien loties et plus distanciées.

Mais la permanence de cette distinction interroge. On note depuis quelques années un exode urbain motivé par de nombreuses raisons. Les prix de l’immobilier, la qualité de vie perçue, la sécurité ressentie viennent en quelque sorte compenser un éloignement de certains services publics. Ceci n’interdit pas les crispations quand sont évoquées les fermetures d’établissements de santé ou scolaires, mais cela ne semble pas freiner un mouvement qui tend même à se renforcer depuis quelques mois.

Ces évolutions et enseignements devraient moduler en profondeur le discours politique.
L’équilibre entre tentation jacobine et pulsions girondines n’a jamais été aisé à trouver depuis les années 80.
Trump et Biden incarnent deux visions du politique. L’un, Trump, a fondé toute sa démarche sur le recentrage, commenté à foison, sur sa base électorale avec, on l’a constaté, une réelle capacité à augmenter celle-ci en volume plus qu’en l’élargissant. Et son discours a été en phase avec ce programme il convient de le noter. L’autre, Biden, a fait un choix résolument identique, augmenter le volume de sa base électorale en tentant aussi de l’élargir à des territoires ou des CSP qui ne lui étaient pas acquis. Le discours était donc plus globalisant et généraliste au risque de paraitre plus convenu.
Biden a remporté la mise sans pour autant réaliser le raz de marée qu’avait su faire Obama en 2008. C’est une victoire à la marge et c’est cela qui la rend intéressante et instructive pour nos politiques nationaux.

Le temps du rêve américain est supplanté par celui de l’exemple ou du contre-exemple américain. Le bon côté des choses et que ce pays sert encore de référence. Le jour ou la Russie ou la Chine serviront de références nous serons légitimes à être très inquiets sur le devenir de notre pacte social et de nos libertés individuelles ; c’était le cas dans les années 50 et 70, mais c’était un temps, plus manichéen et clair dans les modèles de sociétés proposés, que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre !

Force est de constater que la doctrine politique reste encore à définir pour un État national qui ne se voit aucunement comme une (con) fédération de régions. D’un autre côté on voit bien, encore une leçon des élections américaines, que l’État fédéral est aussi emprunté pour tenter d’appliquer une politique commune aux États dont il est le représentant. Police, santé, droits civiques et civils, éducation, sécurité, autant de domaines qui sont laissés au libre choix local avec des disparités qui sont, pour le français, autant sources d’incertitudes et d’anxiété que de curiosité et d’amusement.
On ne peut pas décentraliser, ou déconcentrer selon ses visées politiques, et créer des Régions qui ont la taille, la population et le PIB de « petits » États européens sans s’attendre à ce que ces dernières souhaitent mener, dans les limites du possible, une politique autonome. Comment dès lors trouver un discours qui soit un dénominateur commun au plus grand nombre ?

Cibler les villes et ses cols bleus ou les campagnes et ses « red necks » ? Mais comment parler aux villes dont certains quartiers se paupérisent et se marginalisent, ne parlait-on pas à un moment de ghettos urbains ce qui est toujours d’actualité, et quel discours pour des campagnes de plus en plus accueillantes pour d’anciens urbains qui s’attendent parfois à y retrouver leurs habitudes d’origine sans coqs qui chantent ou cloches qui sonnent ? Vaste programme !
 


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