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Urbanisme : les « dark stores » sont des entrepôts au regard du droit de l’urbanisme





Le 28 Mars 2023, par Frédéric Rose-Dulcina

Dans une décision de justice du 23 mars 2023, le Conseil d’État a tranché le débat sur le statut juridique des dark stores (CE, 23 mars 2023, n° 468360). Pour les Juges du Palais-Royal, ces dark stores ne sont pas des commerces, mais bel et bien des entrepôts au sens du Code de l’urbanisme.


Image PxHere
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Depuis plusieurs mois, profitant d’un flou sur leur qualification juridique au regard du droit de l’urbanisme, prolifèrent dans d’anciens commerces traditionnels à Paris, des locaux d’entreposage permettant la livraison rapide de produits de consommation courante commandés par internet appelés dark stores.

En juin 2022, la mairie de Paris a mis en demeure deux sociétés de restituer à leur activité d’origine plusieurs « dark stores ». Ces sociétés ont alors demandé et obtenu du Tribunal administratif de Paris la suspension de ces décisions, et ce dans le cadre d’une action en référé prévue par l’article L.521-1 du Code de l’urbanisme selon lequel « quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

Le Conseil devait trancher la question de savoir si ces dark stores sont des commerces ou des entrepôts au sens du droit de l’urbanisme.

Aux termes de l’article R.151-27 du Code de l’urbanisme (créé par un décret du 28 décembre 2015 et entré en vigueur le 1er janvier 2016), les destinations de constructions sont :
1° Exploitation agricole et forestière ;
2° Habitation ;
3° Commerce et activités de service ;
4° Équipements d’intérêt collectif et services publics ;
5° Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire.
Cet article remplace l’ancien article R.123-9, qui prévoyait notamment que les constructions sont destinées à l’habitation, à l’hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l’artisanat, à l’industrie, à l’exploitation agricole ou forestière, à la fonction d’entrepôt et enfin nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif.

Selon une jurisprudence administrative constante, la liste des destinations prévues par le Code de l’urbanisme doit être considérée comme limitative (CE, 30 décembre 2014, n° 360850).

Dans le cadre de l’affaire ici commentée, l’ordonnance de référé susvisée rappelle que les locaux occupés qui étaient initialement des locaux utilisés par des commerces, sont désormais destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises, afin de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs à bicyclette. Pour le Conseil d’État, pour l’application des articles R.151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme, ces locaux ne constituent donc plus des locaux destinés « à la présentation et vente de bien directe à une clientèle » (tels que précisés par un arrêté du 10 novembre 2016) et, même si des points de retrait peuvent y être installés, ils doivent être considérés comme des entrepôts au sens de ces dispositions.

Plus de doute permis, pour le juge administratif, ces locaux ne sont pas des commerces, mais bel et bien des entrepôts ! L’occupation de ces locaux par les sociétés en cause pour y exercer les activités en cause constitue donc un changement de destination, soumis, en application de l’article R.421-17 du Code de l’urbanisme à déclaration préalable. Dès lors, la ville de Paris était en droit d’exiger des sociétés requérantes le dépôt d’une déclaration préalable.

Se posait alors la question de la possible régularisation a posteriori de la situation de ces sociétés au regard de la réglementation de l’urbanisme et plus précisément du PLU de Paris. Pour la commune, aucune régularisation n’était possible au regard du PLU parisien et notamment des dispositions de la zone UG du règlement dudit PLU. Le Conseil d’État a donné raison à la collectivité publique au regard des dispositions de l’article UG 2.2.2 du PLU en cause qui prévoient notamment que « la transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée est interdite ».

Cette décision de justice va constituer un obstacle certain au développement constaté des dark stores, sauf le cas échéant à identifier désormais les zones du PLU de Paris autorisant la transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée.

Frédéric ROSE-DULCINA
Spécialiste en droit public et en RSE
DEA Droit public des affaires
DESS Droit de la construction et de l’urbanisme
LEX SQUARED AVOCATS

 


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